Ajouter un commentaire

Année B: Lundi 26e semaine ordinaire (litbo26l.12)
Matthieu 18, 1-5 : ÉMERVEILLE-TOI ET TU COMPRENDRAS ce qu'a été Thérèse de Lisieux

Je veux bien ajouter ma «petite voix». Je nous convie à ne jamais perdre le fil de la merveille de sa petite voie qui n'est autre chose que celle d'une grande sagesse accessible même en bas âge. Comme l'exprime un sage chrétien du XIIe siècle, émerveille-toi et tu comprendras. Il faut beaucoup de silence pour signer nos vies de ce qui émerge de cette petite voie. L'essentiel ne sera jamais ce que nous pouvons en dire, mais sur ce qu'elle nous dit de la vie à travers nous.

La petite voie est une manière de vivre. Elle a pris naissance, et Thérèse elle-même le confirme, quand elle n'a rien refusé à la vie.  Rien rejeté de la vie. La petite voie permet de bien vivre ce qui autrement pourrait nous écraser. Thérèse s’en sert comme d’un appât pour attirer Dieu. Elle voulait devenir une sainte dans la vraie vie, faite de failles, de faiblesses et d’échecs. Me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections, mais je veux chercher le moyen d‘aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle (Ms C 2v).Thérèse rejoignait ainsi ce qu'écrivait Isaac le Syrien, ermite du VIIe siècle : Celui qui se voit tel qu'il est, est plus grand que celui qui ressuscite les morts.Une petite voie qui ressuscite !

Pour elle, le premier commandement n'est pas celui que l'on pense. C'est d'accepter de bien vivre ses petitesses, ses maladresses.  J'ai le droit [...] de faire des petites sottises... Voyez les petits enfants, ils ne cessent de casser, de déchirer, de tomber tout en aimant leurs parents (JEV 120).

La petite voie est un appel à accepter la réalité de la vie sans la diluer d'excuse, sans compromission, sans crispation non plus. Elle fut sa réponse aux souffrances qui ont marqué sa vie. Comme l'exprime un sage, pour vivre de grandes joies, il faut prendre le risque de traverser de grandes peines.

Maurice Bellet décrit bien l'itinéraire de Thérèse quand il dénonce cette recherche de la rage de la perfection.  http://www.culture-et-foi.com/texteliberateur/maurice_bellet_2.htm. La foi chrétienne commence [la petite voie trace son chemin en nous] quand je n'ai plus à me tourmenter de mon impuissance, que je n'ai plus à m'enrager de mes faiblesses, que je n'ai plus à me tendre dans une raideur désespérée pour me rendre conforme à ce qu'il faudrait que je sois pour que Dieu me regarde. La foi chrétienne, c'est la certitude que Dieu lui-même vient pour me transformer, transformer mes démons en diables de papieret faire de ma faute cette vieille peau morte qui tombe au lever du jour.

Saintetés, la spiritualité de la petite voie est un «oui» à la vie réelle et non rêvée, à une vie dénuée de toute recherche de son «moi». Pas évident même pour nous.  C'est un «oui» à demeurer en Dieu, à demeurer le paradis de Dieu (Silouane). Nous avons pour vocation, pour chemin, de vivre à la perfection nos imperfections en sachant que nous sommes ses enfants, ses héritiers à condition de souffrir avec lui pour être avec lui dans la gloire (Rm 8, 17). L'humain véritable ne rejette ni ne combat sa fragilité, mais l'assume comme chemin pour atteindre un bonheur vérifiable et durable.  Pour être pleinement humain.

Le refus de ce qui nous arrive apporte beaucoup plus de douleur que l'acceptation de la réalité. La souffrance est supportable quand on l'accepte. Intolérable quand elle est refusée. La petite voie fut la réponse de Thérèse à cette part d'ombre, de ténèbres qui étaient en elle. Incapable de se sentir évangile de Dieu, d'être une lettre de Dieu, elle s'est émerveillée de la délicatesse de l'amour de Dieu pour elle. Elle l'a chanté par sa vie.

À votre contemplation, ces mots d'une hymne des laudes, puisqu'il est avec nous dans nos jours de faiblesse n'espérons pas tenir debout sans l'appeler, comme l'a fait Thérèse de Lisieux qui savait que le Seigneur défend les petits (Ps 114).AMEN.