2008-A : Dimanche 19e semaine ordinaire -Mtt 14, 22-33- l’imprenable fragilité
Année A : Dimanche 19e semaine ordinaire (litao19d.08)
Matthieu 14, 22-33- L’imprenable fragilité,
Ce matin, devant nos yeux, des images fortes, des images qui ressuscitent : celle de l’ouragan «si fort qu’il pourfendait les montagnes» et du «murmure d’une brise légère» ; celle d’une mer agitée, un monde agité et celle d’une toute petite embarcation fragilisée par les vents contraires. Autant dans la 1re lecture que dans l’Évangile, entre la force de l’ouragan ou la mer déchaînée, entre la brise légère et la petite embarcation, apparaît une «épiphanie» - un «fantôme» dit Matthieu - de Quelqu’un, tellement grand qu’Élie se couvre le visage, tellement inimaginable que Pierre veut vérifier s’il voit vrai. « Ordonne-moi de venir vers toi ».
Que comprendre de ces images du déchaînement de la nature d’une part et de notre fragilité ou de notre impuissance de l’autre, sinon ce qu’en exprimait Charles de Foucauld : «Dieu se sert souvent de vents contraires pour nous amener à bon port ».
Les vents contraires aujourd’hui sont multiples. Ils se nomment pour nous chrétiens –et c’est étonnant dans une société qui développe la culture de la réussite - la faiblesse est une force ou encore « Dieu est si grand qu’il se fait petit », « brise légère ». « Dieu est si puissant qu’il peut se faire faible pour que nous puissions le trouver là où il demeure : dans nos fragilités ». (Benoît XV1, message de Noël 2005) Voilà bien ce qui incompréhensible dans une société où la fragilité, ce qui est petit, n’a pas sa place.
En regardant ces images de force et de fragilité, de puissance et de faiblesse, une conviction doit nous animer : Jésus durant sa vie terrestre n’a pas combattu les tempêtes, il les a traversées. Il n’a pas combattu les puissants, il les a vaincus par son abaissement, son impuissance. Devant cette marche de Jésus sur les eaux agitées, c’est le cœur de l’Évangile, son mystère pascal, que nous contemplons. Nous n’avons pas à combattre les tempêtes- qu’elles soient personnelles, culturelles, politiques, religieuses – et qui existeront toujours, nous avons à les traverser.
Durant toute sa vie, Jésus a marché d’une tempête à un autre. Il les a traversées. Nous aussi, comme individu, comme Église, nous sommes impuissants devant les tempêtes de la vie, les nôtres. Impossible de les éviter. Elles viennent à nous. Il faut les traverser. Nous sommes impuissants devant ce déclin culturel, devant tant d’indifférence pour « les choses d’en haut », pour l’avenir de gloire qui nous attend, mais nous pouvons réussir à traverser ces périodes de notre histoire avec la certitude que dans ce déclin, se trouve Jésus. Nous sommes des gens de traversée. Des gens capables d’affronter toutes les morts pour en sortir ressuscités.
Cette page ouvre sur l’expérience mystique au suprême degré de tout disciple. La mystique pascale. Depuis le matin de Pâques, depuis notre plongée dans les eaux du baptême, « nous ne sommes pas seulement des êtres humains et mortels » rappelait Paul V1 dans son message pascal (1976), « nous sommes des chrétiens ». C’est notre héritage pascal. Que nous reste-il de cet héritage quand arrivent les tempêtes ? Savons-nous entendre Jésus nous dire : « confiance c’est moi, n’ayez pas peur! »
Les tempêtes sont les richesses de l’Église. Elles nous régénèrent. Pour parler en langage publicitaire : C’est la « spécialité de la maison ». Nous sommes nés d’une tempête, celle d’un Vendredi saint. L’épisode de Jésus marchant sur les eaux comme celui du matin de Pâques nous montre que Jésus loin de nous abandonner dans nos tempêtes, marche avec nous. Il les traverse avec nous jusqu’à nous inviter à le rejoindre avec confiance dans la tempête
À votre contemplation : L’eucharistie nous a été donnée au cours d’un repas qui s’est terminé sur une tempête : trahison, fuite des disciples. Jésus ne l’a pas évitée. Il a transformé cette tempête, ce repas qui a mal tourné, en sacrement de sa Présence, en victoire. L’eucharistie fait de nous des experts de transformation de nos tempêtes, « ces merveilles de Dieu », en Magnificat. Le philosophe Philippe Jaccoter a ces mots d’une grande maturité et sagesse : « L’art suprême n’est pas d’oublier, d’effacer les troubles en se tournant vers les fleurs, c’est de tirer du pire un parfum ». Que nos cœurs qui sont comme une vaste mer toujours agitées par les tempêtes, trouvent dans cette eucharistie paix et repos. AMEN