2010 -C- Mc 12, 28b-34 -Vendredi 3e semaine du Carême -aimer pour devenir beau
Année C : Vendredi 3e semaine du Carême (litcc03v.10)
Mc 12, 28b-34 AIMER POUR DEVENIR BEAU
Voici l’ordre, disait Jérémie hier (7, 23), que j’ai donné à vos pères. Soyez attentifs à ma voix. Les Pères du désert disaient : chaque jour, je commence à écouter volontiers cette parole qui vient de Dieu, à méditer sur les commandements du Seigneur, à m’occuper sans cesse de ses préceptes (Si 6, 37). Nous avons la responsabilité de nous souvenir, dit Beaudoin de Ford, avec quelle qualité nous avons été créés. Dieu nous a préférés, nous a ennoblis, nous a couronnés de gloire et d’honneur. Il est venu sceller en nos cœurs sa beauté. Qui donc est assez sage pour comprendre, assez pénétrant pour saisir que cette page n’est pas une contrainte, mais un chemin pour devenir plein de beauté. Tu aimeras! Aimer nous fait resplendissant de beauté.
Je te propose aujourd’hui, disait la lecture du jeudi des Cendres, de choisir la vie et le bonheur, la mort ou le malheur. Si tu écoutes les commandements que je te prescris aujourd’hui et que tu aimes le Seigneur ton Dieu, que tu marches dans ses voies, tu vivras […], si tu n’écoutes point […], je vous le déclare, vous périrez. Jérémie disait hier : vous n’avez pas prêté l’oreille, vous avez raidi votre cou (Jr 7, 25).
Mais qu’est-ce qu’écouter? C’est aller jusqu’à l’extrême. C’est, et je prononce un mot qui n’a pas bonne presse parce que confondu avec le mot soumission, obéir. Ce qui signifie, dans la Bible, non pas un état de soumission, mais de tendre l’oreille, de porter attention. À quoi nous servirait de commencer d’écouter cette page, si nous refusions d’aller jusqu’au bout, jusqu’à l’écoute extrême à la manière de Jésus qui, le premier, a vécu jusqu’à l’extrême ce premier commandement. Il s’est fait obéissant jusqu’à l’extrême, jusqu’à l’anéantissement (Ph 2, 7).
Dieu, disait Grégoire de Nysse (IVe siècle), cherchait quelqu’un en qui déposer son image (Gn 1, 27), son être profond; il nous a faits. Chacun de nous possédons dans nos profondeurs, dans nos gênes, une parcelle de pépite d’or de cette page. Nous sommes les enfants choyés de son œuvre. Il nous a ennoblis d’honneur en nous confiant sa création, le royaume créé de ses mains divines. Nous sommes revêtus du plus royal de tous les vêtements : ressembler à la beauté de l’archétype. Notre beauté est antérieure à notre naissance. Comme le dit un psaume, il a tout mis sous nos pieds. Nous avons été élus pour êtres des fils adoptifs (Ep 1, 4-5).
Mais jusqu’à l’extrême aussi, et nous le verrons dans la lecture de père prodigue dimanche, Dieu est prêt à effacer de sa mémoire nos échecs à vivre en état de beauté sans ride, sans tâche (Ep 5, 27) parce qu’il est un Dieu du présent et qu’il ne te demande pas ce que tu as été, mais ce que tu es maintenant (Maître Eckhart). A mi-carême, l’amour du Christ pour nous, nous presse (2 Co 5, 14) à aimer. Comme l’exprime Paul, de tout mon être, oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir (Ph 3, 12). Question: comment nous laissez attraper par ce virus d’un Dieu qui, avec empressement, prend les devants pour nous redonner une vie paradisiaque, pour nous transformer en lui?
Cette page est dite «nouvelle» parce qu’elle nous faits créatures nouvelles (Gal 6, 15). Elle demeurera une lettre morte, comme l’a si bien compris saint Jean, si nous nous contentons de dire : si nous disons aimer Dieu mais que nous entretenons de la haine dans nos cœurs, nous sommes des menteurs, de faux chrétiens, des chrétiens sans cœur, car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne peut pas aimer Dieu qu'il ne voit pas (1 Jn 4, 20).
Heureux sommes-nous ce soir, d’entendre Jésus nous dire parce que nous avons bien répondu, parce que nous vivons de notre mieux cette page : tu n’es pas loin du Royaume des Cieux. Ce qui est premier ne sera jamais dans l’ordre du savoir mais dans l’ordre de l’être : être en état de ressemblance et non de dissemblance avec ce Dieu unique parce qu’il n’y en a pas d’autre que lui (Mc 12, 32). Chaque jour, je commence.
Comme l’exprime ce temps du Carême, Jésus ne veut ni sacrifice, ni offrande mais nous veut pour faire sa volonté (He 10, 5-7), cette volonté qui se résume en une seule parole, tout près de nous, dans notre bouche, dans notre cœur : aime. Augustin précise : Aime et fais ce que tu veux. Aime et tu vivras. Je termine par ces mots de sœur Emmanuelle tirés de son Testament : Amis! J'ai cent ans et je voudrais vous dire : c'est passionnant de vivre en aimant! AMEN.