2012 -B - Mardi 5e semaine ordinaire- Mc 7, 1-13 : le paradis à la porte
Année B - Mardi de la 5e semaine ORDINAIRE (litbo05m.12)
Mc 7, 1-13 : le paradis à la porte
Dans son dernier livre publié en mars 2011, l'auteur Fabrice Hadjadj, philosophe et dramaturge, affirme que nous avons pu voir l'enfer, que nous vivons une vie infernale, parce que nous avons mis -et c'est le titre de son livre- le paradis à la porte de nos vies.Le théologien jésuite Joseph Moingt dans son dernier livre Croire quand même, et qui se veut, à l'âge de 95 ans, un résumé de toute de son œuvre, dit autrement la même réalité. Pour lui, parce que nous sommes incapables de nous laisser déranger par la foi, par la joie de croire (François Varillon), par sa beauté, alors nous optons pour une religion toute extérieure, toute centrée sur la parure extérieure.
Jésus, ce matin, dans notre évangile, reprend le même chemin. En insistant sur le lavement des mains, le culte des lèvres, les propos des responsables religieux ferment les yeux sur cette prodigieuse réalité : nous avons été créés pour éprouver la joie d'une rencontre transformante et vraie avec Jésus. Alors que le maître est là pourquoi faut-il jeûner (cf. Mc 2, 18), se priver d'entrer dans la joie de ton maître (Mt 25, 23)pour contempler la beauté d'une vie imitatrice de Jésus ? D'une vie tournée comme le tournesol, vers le Soleil ?
Tout au long de l'Évangile, Jésus semble ne faire ressortir qu'une seule idée: nos yeux préfèrent mettre le paradis à la porte plutôt que de contempler la porte de l'Éden. Le mal que je ne veux pas faire je le fais et le bien qui est à ma portée, je ne le fais pas (cf. Rm 7, 19).Nous sommes des «pachas» tant nous avons en nous le paradis. La Béatitude de Dieu nous habite. Nous sommes riches d'une terre paradisiaque. Mais nos tendances de croyants doloristes nous font oublier cela.
Dans la lointaine antiquité, Épicure affirmait qu'une fois né, dépêche toi de franchir au plus tôt les portes de l'Éden. Un autre, Diogène, de la même époque, ajoute: Vivre est un mal quand nous vivons mal la vie.
Saintetés, nous avons à choisir entre une vie toute extérieure, sans fondation ni racine et une vie intérieure avec une fondation sur laquelle le voleur n'approche ni mite ne détruit (Lc 12, 33). Nous avons à choisir de vivre la foi comme expérience de transformation ou une manière de pratiquer la religion sur le bout des lèvres mais sans cœur, sans vie (cf. Mc 7, 7; Is 29, 13).Nous avons à choisir entre ressembler à Dieu ou ressembler à l'homme ; entre la vie pour le Seigneur, et la vie pour nous-mêmes.
Nous préférons mettre la clé dans la porte du paradis ou le paradis à la porte quand nous optons pour être vu, adulé plutôt qu'être ébloui par la porte de l'Éden qui nous est accessible. Vous mettez de coté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes (Mc 7, 8).Heureusement que, contrairement aux anges déchus, notre comportement n'est qu'un détournement temporaire parce que nous pouvons détourner nos yeux obnubilés par un paradis accessible vers celui qui nous fait courir au puits de Jacob: l'Éden d'entendre Jésus nous dire : je le suis moi qui te parle (Jn 4, 26).
Nos vies n'ont de sens, non dans l'ascension des échelons d'une promotion, mais en dégageant entre nous un arôme divin. Nous devons aspirer à n'être que cela. La véritable promotion dont Jésus s'est fait le porte -voix et toutes les lignes de notre évangile aujourd'hui ne fait que reprendre cela- c'est celle de mettre la clé sur le paradis de nos enfers qui meublent tant nos bégaiements quotidien, d'un mysticisme sans Dieu, plutôt que de mettre le paradis à la porte en offrant à nos regards une vie de foi qui nous transfigure à l'image et ressemblance du premier né d'entre les morts. Jésus appelle son entourage à n'être que benedictus et magnificat.
À votre contemplation: faisons nôtre la prière de Salomon tantôt quand, dans le temple, il suppliait que les yeux de Dieu soient ouverts nuit et jour sur ce temple que nous sommes. Supplions Dieu de nous donner des yeux admiratifs de ce paradis en nous ; de nous donner une foi qui exulte en sa présence (Ps 67, 5). Isaïe disait d'une voix pressente : peuples assis dans les ténèbres, regardez cette lumière; pour vous qui habitez au pays de l'ombre de la mort, une lumière resplendira (cf. 9, 1). Seigneur, fais-nous, comme l'acclamation l'exprimait, la grâce de ta manière de vivre. AMEN.