2004-C- Lc 21- Dimanche des Rameaux - Coupe de la joie
ANNÉE C: Homélie du dimanche des Rameaux : Coupe de la joie PASSION SELON SAINT LUC
En écoutant ce récit de la Passion, avons-nous éprouver de la joie? avons-nous rencontrer la Joie en Personne ou le Christ souffrant ? Ma question peut surprendre. Si pour nous ce récit n'en est pas un de « plénitude de joie » , n'en est pas un d'une coupe remplie de joie, c'est que nous ne connaissons pas Jésus et « que nous n'avons pas en nous les mêmes sentiments qui furent ceux de Jésus » . « L'heure de l'accomplissement total » est l'heure sommet de la joie. Un jour du temps, Jésus est descendu de la gloire pour entrer dans la mort. Il est descendu de la droite du Père pour entrer dans nos misères. Sa joie « extrême » ( nous sommes à l'heure de l'extrême!) a été de nous sortir de nos enfers, de nous arracher à ce mal originel, peu importe le chemin. Il n'y a pas de vraie joie sans passion, sans compassion, sans communion dans la souffrance. Dans ce récit, ce n'est pas le drame de la souffrance qui se joue mais l'accomplissement de la joie. « Le malheur peut être un suprême bonheur » (Père Sertillanges, la mort , Morel, p.90)
Ce récit raconte l'union nuptiale de la douleur et de la joie (Varillon François , souffrance de Dieu , Centurion p.113). Si nous pouvions expérimenter qu'à l'heure où Jésus est écrasé par sa Passion, quand il s'enfonce dans le sinistre engrenage de sa condamnation à mort , quand la douleur le saisit de tout son être, c'est l'heure de la joie, du sacrifice de louange, de son eucharistie à son Père. « C'est pour cette heure que je suis venu » Un peu beaucoup invraisemblable. Dans cette joie folle, cette joie qui n'en est pas une à fleur de peau, superficiel, se trouve le cœur de l'Évangile. Sa direction profonde. Nous sommes ici au sommet du « deviens ce que tu es » . Au sommet de l'adoration, de la contemplation comme l'exprimait Jean-Paul 11 dans sa lettre du nouveau millénaire et son invitation à repartir de la Croix du Christ.
Il nous faut lire l'Évangile jusqu'au bout. Il nous faut lire le récit de la Passion avec un regard à l'envers. À l'envers du monde. Quand on le frappe il se tait. Quand il a raison, il ne défend pas sa position. Quand on l'acclame, il se retire. Quand on l'injure, il pardonne. C'est un comportement fou. Pourtant il y a la-dedans les remèdes à notre mal d'être, à nos blessures les plus profondes . Ce comportement à l'envers quand nous le faisons nôtre, devient un chemin de la joie que rien ne peut nous enlever (Jn 16, 22).
Le « tout est accompli » (Jn19,30) n'est pas un cri d'angoisse d'un désespéré mais un cri de joie, du devoir accompli. Un cri prière d'une joie intérieure imprenable. La souffrance de Jésus est proportionnée à sa Joie. À son action de grâce. « Père, je te rends grâce pour cette Heure » . Comme il nous est difficile dans notre vie spirituelle de ressentir ce frémissement de joie , qui se dégage de cette entrée à Jérusalem et que la foule avait pourtant pressentie! HOSANNA! La joie de Jésus n'est pas à fleur de peau. Elle est un bouleversement de la profondeur de son être.
La joie de cette semaine sainte n'est pas à trouver dans une sorte de paradis, d'un « ailleurs » évasion n'existant qu'en rêve , ou encore dans une sorte de religion à la carte. Elle est à trouver quand entre Jésus et la Croix, il n'y a plus « l'épaisseur d'un cheveu ». Voilà où demeure la plénitude de la joie. La réussie de la vie de Jésus n'est pas à trouver dans la fécondité de sa vie, dans la foule qui le suivait, l'acclamait mais elle éclate dans l'échec, quand souffrance et joie, amour et miséricorde se fusionne. Il ne s'agit pas de choisir entre la joie et la souffrance, il ne s'agit pas de prendre ce qui nous convient et de rejeter ce qui nous convient pas mais bien d'opter pleinement pour la vie telle qu'elle se présente.
C'est quand le Christ est là nu sur la croix, sans pouvoir, « sans uniforme » pour citer une belle expression du rabbin Olivier Rabut, que s'ouvre l'heure où il nous invite « à entrer dans la joie de son Maître » (Mtt25,21) « Aujourd'hui tu seras avec moi dans la Joie » C'est lorsque nous acceptons notre condition humaine jusque dans ses profondeurs de malheurs, de perturbations, de perte du goût de vivre, qu'elle devient « Bonne nouvelle ». Qu'elle devient JOIE. « Aimer sa vie » , dit Ben Sirac, et j'ajoute accepter l'inacceptable « c'est trouver la joie » (4,12). Si nous pouvions nous convaincre que c'est « par la croix que la joie est entrée dans le monde » comme le chante la liturgie orthodoxe dans la nuit pascale. Que c'est par nos croix que la joie entre en nous et que nous devenons ce que nous sommes.
Ce que nous devons retenir ce matin : Jésus est la seule personne qui n'a pas vécu sa vie sur le bord de l'humain, à la surface de l'humain. Il est la seule personne qui n'est pas restée au abord de l'humanité. Sur la Croix, il est devenu ce qu'il était : fils d'homme jusque dans les profondeurs de la souffrance et fils de Dieu jusque dans le frémissement de la joie. Consubstantiel du Père, consubstantiel à chacun de nous.
Ce récit de la Passion est pour nous, devrait être pour nous une invitation à une fête nuptiale. La croix transforme nos vies en des noces perpétuelles. (MTT 22,2) Paul a éprouvé cela quand il a dit « Maintenant je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous » (Col1,24) « Je déborde de joie au milieu de toutes mes tribulations » ( 2 Cor.7, 4)
Que durant cette eucharistie, ou nous avons maintenant la joie de faire de ce qu'il nous a dit de faire nous métamorphose et nous transforme en action de grâce à cause de la Croix. AMEN
" Si Dieu existait,
je ne pourrais le concevoir
que comme un Dieu dansant "
(Nietzsche)