2008 - A : lundi 30e semaine ordinaire -Lc 13, 10-17 : priorité au sabbat ou à la compassion
Année A : lundi 30e semaine ordinaire (litao30l.08)
Lc 13, 10-17 : priorité au sabbat ou à la compassion
Eph 4,32 – 5,8
«Cherchez à imiter Dieu». Et ce qu’il nous faut imiter, c’est son regard; son attachement prioritaire à la souffrance. Jésus a porté son regard sur les souffrants, pas seulement ceux qui souffraient dans leur corps, mais dans leur cœur comme les «prostituées», les «Zachée», les «Matthieu», un regard empathique, un regard qui avait priorité sur le sabbat. Un tel comportement, une telle mystique de l’action – Jésus n’a jamais dissocié l’amour de son Père de l’amour de ses semblables— lui a valu d’être constamment confronté aux pratiquants d’une loi sans âme.
Alors que les participants au sabbat sont plus attentifs à ce qu’ils doivent faire, Jésus, lui, porte attention aux personnes, regarde leur besoin plutôt que leur manière de prier. La nouveauté, la fraîcheur, la mystique de l’évangile, vient d’une manière de regarder qui rejoint les désirs les plus profonds. Jésus confirme d’une façon incontournable que l'œil est un symbole expressif du moi profond, qu’il est un reflet de l'âme (cf. Mt 6, 22-23). Il invite à être «tout œil».
Le mal pratique du sabbat, c’est ne pas être «tout œil», ce jour-là. Pour Jésus «rien ne doit être préféré au service de Dieu», de ce Dieu qui est là dans la souffrance. En agissant ainsi, un jour de sabbat, Jésus n’a fait qu’affirmer l’unité indissociable entre Dieu et nous. Nous ne quittons pas Dieu et son service quand nous nous occupons des autres (François de Sales). Jésus ne se laissait influencer que par une seule loi, celle de la charité envers les malheureux, les souffrants. Ils étaient – au-delà de toute loi - sa seule raison de vivre. Il est venu les servir. Une telle pratique de la loi de la charité, être «tout œil», — «j’ai vu la souffrance de mon peule» (Ex 3,7)- lui valut les pires récriminations. S’occuper des souffrants, c’est sanctifier le sabbat. Voilà la nouvelle justice.
Ce qui est étonnant, c’est que cette sensibilité de Jésus, son empathie pour la souffrance, son regard pénétrant sur les malades de toutes catégories, est lentement devenue presque secondaire tant une certaine théologie opte pour voir d’abord le mal, le péché, avant de regarder la personne qui souffre. Nous déformons l’Évangile. Avouons-le, nous aussi sommes habiles pour privilégier la loi quand il s’agit de rechercher notre intérêt, quand nous portons de vifs jugements sur les criminels, sur les personnes divorcées, les «prostitués qui nous précéderont dans le Royaume» (Mt 21, 25). C’est tellement facile de nous cacher derrière une pratique extérieure de la loi.
Saintes femmes, il nous faut, ce matin, contempler les «merveilles de Dieu» qui transpirent dans ce compor-tement de Jésus. Il n’est pas venu plaire, mais «allumer un feu dévorant, apporter la division» (Lc 12, 51). Denys le Chartreux, commentant ce passage, disait que Jésus – et c’est très salutaire - est venu nous «séparer» de tout comportement «qui nous ferait vivre en bonne entente dans le mal» : celui de ne pas voir l’autre, le souffrant un jour de sabbat.L’essentiel n’est pas dans l’extérieur, les rites. Jésus n’est pas venu chercher à plaire, «un tel agir ne convient pas à des membres du peuple saint» (première lecture) mais montrer Dieu.
À votre contemplation : Jésus nous propose son trésor le plus précieux : son regard qui donne de la dignité, son regard humain plutôt qu’un regard «religieux». Pour lui, le regard de compassion a priorité sur celui du sabbat. Cette merveilleuse manière d’agir n’est pas étourdissement, évasion ou fuite. Jésus opte, non pour un système, ni ne désire sauver une législation à tout prix. Il agit pour que «la miséricorde s’élève au dessus» (Jn 3,13) de tout. Puissions-nous, comme le dira l’oraison finale tantôt, nous en émerveiller toujours. AMEN.