2010-C- Lc 12, 13-21- Dimanche 18e semaine ordinaire - être riche en vue de Dieu
Dix-huitième dimanche du Temps ordinaire (litco18d.10)
Lc 12, 13-21 : être riche en vue de Dieu
Avouons-le, Jésus vient de nous offrir une belle photographie de nous-mêmes. Cette parabole nous ressemble étrangement en même temps qu’elle nous agace. Tous, nous sommes passionnés par les biens de la terre, les réalités d’en bas dont parle Paul, et par les joies que nous en tirons. Nous cherchons à accumuler des choses que nous laissons aussitôt de coté, pour en désirer d’autres. Pour agir comme cela, il n’est pas nécessaire d’être riche. Notre existence est marquée par ce continuel désir de posséder, d’accumuler, de dominer, d’avoir toujours plus.
L’évangile de ce matin nous rappelle que la vie n’est pas conditionnée par ce que nous possédons. Une vie riche ne s’identifie pas à nos avoirs. Beaucoup pensent, surtout en Occident, que vivre à son aise rend heureux, dit Térésa de Calcutta qui ajoute : je pense qu'il est plus difficile d'être heureux dans la richesse, car les préoccupations pour gagner de l'argent et le conserver nous masquent Dieu. L’abondance rend malheureux. Il y a en nous, vient de nous dire Paul, un appétit de jouissance (Col. 3, 5). Mangeons, buvons car demain nous mourrons (1 Cor 15, 32). Cette mentalité de toujours emmagasiner, de grandir, de progresser, d’avoir plus de pouvoir, n’est pas d’aujourd’hui. Elle est de tous les temps. En nous, humains, il y a une soif et un besoin de sécurité insatiable.
Ce que Jésus met en cause ce matin, ce n’est pas notre besoin de sécurité que représentent les biens, mais plutôt l’objet de ce qui est désiré, recherché, aimé. Le plus souvent notre recherche de sécurité se porte avec jouissance sur les biens terrestres. Ils nous aveuglent. Tu aimes l'argent, écrivait l’évêque saint Basile au IVe siècle, à cause de la considération qu'il te procure. Songe combien plus grande sera ta renommée si l'on peut t'appeler le père, le protecteur de milliers d'enfants, plutôt que de garder dans tes sacs des milliers de pièces d'or. Désirons-nous plus les réalités d’en bas que celles d’en haut (Col 3, 1)? Il y a trois semaines dans l’évangile, un docteur de la loi posait la question : que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? Ce matin, Jésus repose la question autrement : comment vivre, construire nos vies pour ne pas bâtir sur du sable mouvant ?
La réponse de Paul donne de la grandeur à nos manières de vivre. Revêtez l’homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours neuf (Col 3, 10). Le passage de l’«homme ancien» à «l’homme nouveau» se fait quand nous changeons de sécurité. Nous avons en nous l’extraordinaire puissance de choisir de vivre sécurisé par les biens d’en bas ou enthousiasmé par ceux d’en haut. La vie n’est pas conditionnée par ce que l’on possède, mais par ce qui nous possède. Possédons-nous des biens ou les biens nous possèdent-ils? Il y a des «sécurités» qui ne sont que vanité des vanités. Et il y a des «sécurités» qui ouvrent sur une vie paradisiaque, celle qui nous fait entrer dans le Royaume de Dieu.
Aucunement question de condamner les biens, de nous priver du nécessaire, mais de ne pas nous laisser posséder, aveugler par les biens. Tantôt, le tu es fou de Jésus n’est pas une parole de condamnation, mais une parole libératrice. Jésus offre à son interlocuteur de sortir de son «petit monde», de cesser de tout ramener à lui. Les mots « Je » - que dois-je faire? Je ne sais pas… voici ce que je vais faire -et le mot « moi » --je me dirais à moi-même - apparaissent dix fois dans cette courte parabole. L’homme de la parabole vit dans un monde où l’autre n’existe pas.
La question de l’homme riche est la nôtre : que vais-je faire ? Que faisons-nous de nos biens ? Dans son encyclique sociale, Benoît XVI répond que la logique du don et de la gratuité peuvent et doivent trouver place à l’intérieur de nos vies et de l’activité économique (#34). Le chrétien est incapable de garder ses richesses. Il les dispenses comme Dieu, fournissant à chacun ce dont il a besoin (Spes Salvi, #28).
Pour être riche en vue de Dieu, Clément d’Alexandrieau Ier siècle disait : Il y a une richesse qui sème la mort partout où elle domine. Libérez-vous en et vous serez sauvés. Celui qui regarde son argent comme des dons de Dieu, sait qu’il possède plus pour ses frères que pour lui-même… et Dieu le déclare bienheureux. Entendons le psaume(49) nous dire que l’homme comblé qui n’est pas clairvoyant, ressemble au bétail qu’on abat. Vous qui m’écoutez, si vous amassez des richesses, n’y mettez pas votre cœur (Ps 62).Comme l’exprime un Père de l’Église : Colle Jésus à ta respiration et tu comprendras toute la richesse de ne rien avoir, car tu auras en toi le souffle de Dieu. AMEN.
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