2009 - B- Lc 6, 36-38- Lundi 2e semaine Carême - Ne pas juger
Année B : Lundi 2e semaine du CARÊME (LITBC02L.09)
Lc6, 36-38 Ne pas juger
À n'en pas douter, cette page a la signature de la manière de vivre de Jésus. Elle est signée Jésus lui-même. À l’écouter, nous ne pouvons qu’être émerveillé d’observer chez Jésus une telle capacité à passer de la tendance tout humaine – de juger, de condamner — à une autre — celle du don, donnez —, du pardon – pardonnez —, de la miséricorde — soyez miséricordieux.
En ouvrant cette 2e semaine de notre carême, nous sommes confrontés à un déplacement de perspective, déplacement qui nous invite à vivre dans la démesure du don, de la générosité dans nos regards sur l’autre. Cette démesure que nous offrons, — et c’est là l’extraordinaire renversement de l’Évangile – nous sera remise dans la double démesure.
L’acte de la démesure dont la beauté nous est décrite dans la première lecture où nous voyons Dieu répondre à la prière de Daniel, par sa justice démesurée à nos comportements honteux, cet acte-là nous permet de sortir de la logique de la première alliance, de cette logique où tout tourne autour de nous-mêmes à celle d’une révélation, d’une transfiguration évangélique – et c’est là que réside la nouvelle alliance – où l’autre existe.
Et Luc nous dit que c’est à une foule que Jésus offrait de prendre ce chemin. Une foule qui percevait, intuitionnait qu’en Jésus il n’y avait rien d’hystérique, de déséquilibré. La foule percevait que Jésus n’allait pas la traiter comme tout le monde. Ne nous traite pas selon nos péchés disions nous à l’acclamation, que vienne sur nous ta tendresse, car nous sommes à bout de force.
Cette page est une manière de vivre et non une stratégie socialement efficace pour nous faire « adorer ». Il y a en nous un désir de transgresser nos limites. Certains le font dans la démesure de l’expérience extrême (drogue, sport extrême, héroïne, extasie). Pour nous ce dépassement de nos limites se fait dans cette expérience mystique de nous transfigurer en Évangile vivant.
Ce qui nous fait chrétiens de profession, c’est la foi. Ce qui nous fait chrétiens de pratique, c’est la démesure. Plus elle dépasse le raisonnable plus elle nous fait de parfaits chrétiens. Saintetés, ne craignons pas les démesures. Elles ouvrent sur une transfiguration de notre quotidien. Elles nous permettent d’être là nous aussi sur la montagne, pour entendre des paroles inouïes : pour le simple verre d’eau, ce petit geste de délicatesse, pour ce sourire de compassion, vous recevrez une mesure bien pleine, débordante versée dans votre tablier. La démesure est la marque d’une profonde expérience mystique de Dieu.
Nous venons d’entendre Luc nous décrire la perfection d’une vie de beauté, nous inviter à rechercher cette vie de beauté, celle de retrouver nos origines, en nous engageant dans des comportements extrêmes. Non ceux recherchés dans l’extasie, mais ceux qui ouvrent sur une autre expérience, celle de dégager un parfum de grande valeur. Le problème que nous sommes, le problème que nous avons cette nouveauté d’une telle démesure – ne pas juger — heureux les regards purs — , ne pas condamner même le condamnable — heureux les regards pleins de miséricorde – vient de nos hésitations à ne voir dans l’autre que Dieu seul.
À votre contemplation : Il est heureux que nous soyons ici pour ouvrir cette 2e semaine de notre carême en nous enfouissant plus profondément dans cette folie suprême – qui pour d’autres est une grande souffrance — folie que nous avons contemplée hier dans le geste d’Abraham immolant son fils, cette folie de n’exister que pour nous déposséder de nos tendances honteuses — pour citer la 1re lecture. Cette folie de n’exister que pour nous élever toujours plus haut dans cette sagesse,dans cette splendeur que d’être offrande de nous-mêmes au Père. AMEN.