2012- B- Lc 6, 6-11 - Lundi 23e semaine ordinaire - étends la main
Année B: lundi 23e semaine ordinaire (litbo23l.12)
Luc 6, 6-11 : étends la main
Une voix traverse toute la bible, d'Abraham à nos jours, une voix d'Exode. Sors, va-t-en au loin vers le pays que je t'indiquerai. Cette parole adressée à Abraham résonne à travers toute la manière de vivre de Jésus. Femme, crois-moi, l'heure vient, elle est déjà venue où ce n’est plus sur cette montagne, ni à Jérusalem que l’on adorera en Esprit et en vérité… (Jn 4, 21). Dit autrement, va vers le lieu de ta naissance nouvelle.
Jésus n'est pas venu replâtrer une doctrine figée dans une formulation morte et qui contribue encore de nos jours à une «sortie» de la pratique la foi, voire à la promotion de l'athéisme ou de l'indifférence religieuse. Il est venu nous sortir d'une religion toute extérieure, «idôlatrisée». D'une vie, d'un moi «idôlatrisés».Il faut admirer son extraordinaire liberté, l'« amour tout autre » qu'il a proposé, les valeurs qu'il a préconisées en regard de la loi. Jésus est sorti rejoindre la vie du «grand dehors» et cela l'a conduit au rejet, à la Croix.
Il est sorti dans la rue rejoindre les «indignés» d'une pratique religieuse devenue non-sens, d'une pratique religieuse sans foi. Il est sorti est comme voie pour intérioriser une vie de foi devenue toute extérieure. Il est sorti pour faire résonner une vie neuve, vu que la seule question qui se posait à l'époque, comment manifester l'existence de Dieu quand il disparait dans une pratique de la religion sans vie, se pose encore aujourd’hui. Il est sorti pour annoncer un printemps, toujours à naître. Il est encore sorti pour annoncer que Dieu c'est l'immensité du possible qui bouille au tréfonds de nous, pour faire entendre une parole qui secoue, étends la main, dit notre évangile, qui met en route. Il est venu pour dénoncer l'hiver d'une certaine nuit de l'institution qui n'aura su renoncer à sa toute puissance, engoncée dans son appareil de pouvoir (Jean Sullivan). Le théologien Hans Kung s'interrogeait à savoir si nous ne fêtions pas les cinquante ans de décès de Vatican II.
Jésus est sorti pour être notre sagesse (1 Co 1, 30). Pour intégrer plutôt qu'exclure. Il a lui-même roulé la pierre qui étouffait la vie. Il l'a fait renaître, ressusciter aussi. Nous conduisons nos vies le pied sur le frein (sur la loi) plutôt que sur l'accélérateur (l'esprit de la loi). Dans l'Écriture, nous trouvons à toutes les pages que la compassion vient avant les questions de lois ou de règlements.
Ce matin, un jour de sabbat, Jésus indique une autre direction pour libérer la loi qui étouffe la vie. Il faudra encore des siècles pour prendre conscience que cela doit encore advenir. Pour Jésus, l'essentiel se joue ailleurs: dans la chair des hommes qui est la chair de Dieu (Jean Sullivan) et non dans une pratique toute extérieure de la loi. Jésus, dit Irénée de Lyon, nous a donné pour mot d'ordre, au lieu de ne pas tuer, de ne pas se mettre en colère, au lieu de payer simplement la dîme, d'aimer d'abord la personne avant de regarder si elle respecte la loi. Dieu est partout à naître.
Jésus nous apprend à désapprendre que l'extérieur n'est rien sans l'intérieur ; que le nom de Dieu, c'est peut-être aussi le nom de l'homme. En nous, restera toujours la nostalgie de la norme et des formes traditionnelles de régulation qui nous sécurisent. Mais nous sommes aussi en permanence habités par le défi de rouler la «grosse» pierre de la loi pour découvrir Dieu présent dans le «grand dehors». L'évangile ne sera plus une bonne nouvelle si nous n'en recueillons pas aujourd'hui les perles enfouies dans le champ de nos cœurs. Avec Jésus, c'est l'exode vers l'humain, une sortie de la voie de la toute-puissance, de la voie du légalisme pour privilégier celle de la vie qui appelle à vivre. Cette bonne nouvelle laisse entrevoir un visage de Dieu si proche de l’homme, si intime, que personne n’aurait pu imaginer cela.
La mission de Jésus fut de nous ouvrir des portes. Il est venu nous décoincer, nous sortir de nos enfermements, de nos maisons verrouillées. Il est venu nous purifier de nos vieux ferments (1 Co 5, 7). À l'heure où la mode tendance est de remplacer l'évangile par le catéchisme ou le droit canon, sommes-nous prêts à faire l'expé-rience de la nouveauté ou manquons-nous de courage ? Avons-nous des cœurs brûlés par cet audace de la nouveauté que dégageait Jésus, jusqu'à accepter de perdre sa réputation ou encore l'épiscopat pour décoincer nos manières stériles de vivre notre foi ? AMEN.