2024-C-Mt 2,13-18 :- fête des saints innocents
Année C : samedi de temps de Noël (litcn01s.24) 28dec.
Mt 2,13-18 : Dieu n’a jamais maudit.
J’ouvre cette réflexion par ces mots qu’adressait le pape François dans ses souhaits annuels à la Curie qui avait un ton plus spirituel. Face au drame de l’humanité si souvent opprimée par le mal, que fait Dieu ? Se dresse-t-il dans sa justice et fait-il tomber la condamnation d’en haut ? C’est ce qu’attendaient les prophètes jusqu’à Jean le Baptiste. Mais Dieu est Dieu, ses pensées ne sont pas nos pensées, ses voies ne sont pas nos voies (cf. Is 55, 8).[…] Le mouvement du Très-Haut est de s’abaisser, de se faire petit, comme une graine de moutarde. […] Il montre en se faisant chair qu’il ne nous a pas maudits[1].
Dès le début de son évangile, Matthieu rappelle que les dirigeants ont cherché à détruire le Divin Enfant. À détruire l’humain. A l’heure de l’intelligence artificielle, la dégradation de la dignité humaine est une plaie qui semble ne jamais guérir. En plaçant ce massacre en ouverture de son Évangile, Matthieu rappelle que le Verbe fait chair est venu nous délivrer du mal d’être inhumain et non nous maudire. Il s’est s’abrégé (Origène). Une légende raconte qu’à force de se pencher au grand balcon du ciel pour mieux entendre les cris et les appels à l’aide des hommes, Dieu est tombé. Il a fait une chute vertigineuse.
Et devant ce geste historique, vérifiable, on se demande pourquoi Hérode a-t-il pris panique ? Pourquoi un nouveau-né l’inquiète-t-il à ce point ? Pourquoi sent-il son autorité menacée ? Comment comprendre qu’un nouveau-né, puisse autant déranger le puissant Hérode ? Matthieu nous suggère de contempler un comportement nouveau. Il ne nous maudit pas. Dieu nous bénit non pas un décret, mais par sa chair[2]. Ce qui n’est rien, voilà ce que Dieu a choisi (1 Co 1, 28).
L’image d’un Dieu dangereux, légaliste, est remplacée par celle d’un Dieu effacé, petite graine de moutarde, d’un Dieu qui n’envahit pas la totalité de l’espace du monde. Pour éviter que sa grandeur provoque en nous de la résistance, il s’est fait petit. Jésus nous débarrasse d’une fausse image d’un Dieu punitif.
Après avoir chanté dans sa naissance, sa petitesse, nous célébrons un Dieu foudroyé. Même constat d’humilité d’un Dieu capable de se faire humain et même de se laisser faire par l’homme, de souffrir. Pour nous délivrer de nous-mêmes, de nos tendances dominatrices, le pape suggérait à ses proches collaborateurs de s’accuser eux-mêmes de leur manque d’humilité. Jésus n’en a pas manqué.
Cette fête n’est pas un simple événement du passé. Elle a préexisté à Noël. Il y a eu Abel qui a inauguré une longue liste de martyrs (Gn 4, 8). Il y a eu les trois jeunes gens qui ont résisté au roi (Dn 3). Il y eu Rachel qui pleure ses enfants. Nous le voyons tous les jours, des enfants sont bombardés. C’est de la cruauté. Observant la situation au Moyen-Orient, le pape écrit que le sang coule comme des larmes, la colère augmente avec le désir de vengeance, tandis qu'il semble que peu s'intéressent à ce qui est le plus nécessaire et à ce que les gens veulent, le dialogue et la paix.
Devant cette nouvelle image de Dieu, du Dieu d’en bas, Hérode a pris panique. Pour conserver son pouvoir, il fait voir qu’il est le garant de la stabilité de l’État. Le paradoxe de Noël, un enfant devient lourd à supporter. Le monde de l’époque et tous les Hérode de ce monde ne sont pas prêts à célébrer la naissance d’un enfant, nommé Jésus. Après avoir commémoré sa naissance, nous célébrons un Dieu incroyable tant il respecte notre liberté de l’abattre.
À votre contemplation. Avons-nous le souffle « coupé » devant ce Dieu qui plutôt que de maudire appelle à nous relever de nos bassesses jusqu’à nous faire entrer dans son intimité ? Ressentons-nous devant ce massacre l’assurance d’un Dieu qui marche avec nous, quels que soient les dangers de la route ? Lorsqu’est venue la plénitude des temps (Ga 4, 4), quand tout fut disposé selon son dessein de salut, il (le Père) envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous révéler de façon définitive son amour (bulle année de la miséricorde # 1). Dieu est lumière même au milieu des scènes de ténèbres.
[1] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2024/december/documents/20241221-curia-romana.html
[2] ibid