2024-B-Mc 2, 13-17 - samedi 1iere semaine ORDINAIRE- une tâche colossale
Année B : samedi de la 1re semaine ORDINAIRE (litao01s.24)
Mc 2, 13-17 : une tâche colossale.
Laissons-nous bouleverser par cette scène de Marc. Pour citer l’ecclésiaste (1,7), l’œil n’a jamais fini de voir et l’oreille d’entendre que Jésus est venu dans les beaux mots de saint Irénée, célébrer une symphonie du salut. Il s’est fait chair pour créer des liens, pour vivre le métier des liens et faire résonner et entendre dans les cœurs la voix de Dieu à toute l’humanité, non avec une moitié de l’humanité, mais à toute l’humanité. Jésus n’exclut personne de son amitié. Il n’a laissé personne sur le bord de la route. Il y a de la place pour tout le monde dans l’auberge.
Quelle force a dû avoir le regard de Jésus pour faire bouger Lévi ? Pour le faire se lever ? Pour le mettre hors de lui-même, le vider de lui-même (Ph 2,7) ? Son regard avait des allures d’un cri : sors dehors (Jn 11, 43). Il a mis Lévi en mouvement pour construire quelque chose qui surgit des profondeurs de sa vie, quelque chose de meilleur, d’inédit qu’il appelle son royaume. Dans son suis-moi, Jésus fait surgir quelque chose comme devenir des pèlerins d’espérance (Jubilée 2025). Il lui montre qu’il n’y a pas de place pour la désespérance, le découragement.
Avant de le voir bon ou mauvais, Jésus perçoit, caché en Lévi, une beauté humaine qui fait sens. Toute vie, écrit Lytta Basset[1], porte en elle un poids de sens. Lévi est à ce point impressionné d’être aimé, lui le mal-aimé, qu’il se lève subito presto pour devenir le bras droit de Jésus. Il répare ce qu’il a brisé, redonne de la dignité à ceux qu’ils écrasaient. Il pratique à son tour la science de rudologue, celle de redonner une seconde vie aux déchets.
Jésus opte envers ce publicain (Mt 10, 3), considéré comme un pécheur public, pour une attitude pastorale. Il a entrepris, dit Sœur Emmanuelle, cette tâche colossale de fendre le cœur de l’homme pour y trouver le Soleil. Son regard est comme celui du soleil qui ignore ce que sont les ténèbres parce qu’il n’est que soleil. Son appel suis-moi fait sentir à Lévi le corrompu, et je cite la déclaration, qu’il est béni malgré ses erreurs. Exclure n’est pas le chemin pour sortir d’une situation hors norme. À chaque fois que surgit une discussion entre Jésus et les pharisiens surgit une confrontation entre ce qui est important et ce qui est essentiel.
Hier comme aujourd’hui, le danger est bien réel de ne s’arrêter qu’à un ensemble de règles, d’être correct avec la loi, sans entrer en relation avec l’esprit de la loi [2], de vivre selon une religiosité de façade sans profondeur. La déclaration récente du dicastère pour la doctrine de la foi, autorisée par le pape François et pourtant très articulée, convie à ce regard « soleil », un regard pastoral pour éviter tout jugement qui vise à exclure (#13). Pourtant, déclarer que nous sommes plus importants pour Dieu que tous les péchés que nous pouvons commettre[3], soulève de fortes réactions. Elle affirme que bénir des couples n’est pas bénir des unions. Retentis dans cette déclaration : C’est la miséricorde que je veux.
Jésus est habité par une certitude indélogeable en lui. Il s’est fait humain pour combattre les structures du mal. Non seulement celles hors de nous, mais celles en nous qui nous déclassifient comme humain. Cette attitude de Jésus est la nôtre. Notre mission. C’est la miséricorde que je veux.
Jésus en s’assoyant aux tables des « impurs » ne leur a fait la morale. Il ne leur dicte aucune directive, ne leur remets aucun dépôt ou catéchisme à observer. C’est la miséricorde que je veux et non de voir des gens adhérer à des pieuseries. Son regard ne s’est jamais effacé de son cœur. Il a réveillé ce qui dormait en lui, l’a tenu en mode éveil le reste de sa vie. Il a écouté le cri des malheureux qu’il n’entendait pas auparavant. Il a vu de ses yeux ce qu’il ne percevait pas.
Retenons de ce message qui jalonnera tout l’évangile de Marc : Celui qui est le plus éloigné d’un comportement acceptable, humain, qui est tombé tellement bas qu’il ne voit plus le soleil dans sa vie, peut devenir un modèle de changement d’attitude. Que notre regard soit celui de Jésus. Amen.
[1] Basset, Lytta, Guérir du malheur, Spiritualité vivantes, Albin Michel, 1999 p. 121