2023-A-Lc 16, 9-15 samedi de la 31e semaine du temps ORDINAIRE- il y en a assez pour chacun
Année A : samedi de la 31e semaine du temps ordinaire (litao31s.23)
Lc 16, 9-15 : il y en a assez pour chacun.
Être en Dieu et être dans ses affaires ne coïncident pas toujours. Deux désirs s’affrontent que même les vœux ne réussissent pas à chasser : vivre enraciné en Jésus sans jamais nous déraciner de désirer toujours plus. Nous ne sommes jamais déracinés de la mondanité malgré notre désir de nous enraciner en Dieu. La tiédeur, rappelle le pape dans la joie de l’évangile (# 264), peut se glisser même dans la vie religieuse. Ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux (Ph. 3, 20-21). En nous réside les deux extrêmes, appel divin et mondanité.
Jésus a affronté cette réalité. Maître, dis à mon frère de partager notre héritage (Lc 12,13). Dès le début du christianisme, l’apôtre Jacques observe que l’argent perturbe la vie des premières communautés chrétiennes. Dans les assemblées, on manifeste beaucoup d’intérêt devant ceux qui portent des anneaux d’or au doigt (Jc 2, 2). On a vite oublié ce mouvement de solidarité inédite : ils vivent d’un seul cœur et une seule âme (Ac 4, 32), ils mettent tout en commun. Il n’y avait aucun indigent parmi eux. Personne ne dit que ce qu’il possède est à lui, ils ont tout en commun (Ac 2, 32, 45).
Mais ce mouvement audacieux de solidarité - il y a en avait pour tout le monde - ce mouvement de vivre ensemble est vite devenu il n’y en aura jamais assez. Un désir insatiable semble primer : pas assez. Il engendre l’appât du gain, nation contre nation, le chacun pour soi, l’un contre l’autre, l’accélération perturbatrice (Harmut Rosa) du consumérisme. Plus on possède, plus on veut posséder davantage. C’est le pouvoir exercé sur l’autre et non le vivre-ensemble en mode synodal qui est priorisé. En cherchant à vivre en mode synodal, ce n’est pas une personne qui gagne, un groupe, mais l’ensemble, la communauté[1]. Alors, il n’y a plus ni perdant ni gagnant. Ni idée gagnante ni idée perdante.
Ne louons pas les astuces de ce gérant. Demandons-nous plutôt où est notre préférence. Devenir disciple de Jésus est beaucoup plus difficile que d’être des admirateurs de Jésus. C’est vivre ensemble. La logique de la lutte, de la division entre nous, […] nous fait perdre ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui, notre humanité[2]. Nous avons besoin d'être plus humains. Humaniser, nous humaniser et humaniser les autres, c’est le sens de cette parabole.
Se « gargariser » d’être chrétien tout en multipliant les astuces pour payer moins d’impôt, en mettant en place des structures de collusion, s’accentue quand diminue la perte du sens de Dieu, de notre appartenance en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Ac 17, 28). En perdant ce sens de Dieu, nous engendrons une culture où l’on devient malhonnête dans les moindres choses (Lc 16, 10). On ne peut pas suivre vraiment Jésus quand on est alourdi par les choses. Un cœur surchargé par les biens n’a pas de place pour le Seigneur, qui devient une chose parmi les autres (Tweet du 27/11/19). Quelqu’un a écrit que c’est le péché de la cupidité et non celui du sexe qui est à l’origine de tous les maux. Le diable entre par les poches, observe le pape.
Ce passage de Luc s’adresse à ceux et celles qui aiment l’argent (v.14), donc à chacun de nous. Devant ces astuces du gérant qui sont de tous les temps, que pouvons-nous faire ? Je risque une réponse évangélique : retrouver le sens de la communauté. Quand nous ne sommes pas en communauté, nous en subissons les conséquences, c’est le chacun pour soi. Nous devenons habiles à ériger et à fortifier nos barrières. Vivre-ensemble exige une profonde expérience de Dieu. Alors chacun en aura juste assez, plus qu’assez parce que chacun découvrira l’astuce de l’abondance du vivre-ensemble. C’est le sens des temps de prière et de silence qui ouvraient chaque rencontre synodale.
Je vous offre en conclusion cette réflexion du pape François : quand on place au centre de notre vie l’argent, il n’y a plus de place pour Dieu ni pour l’autre. Nous devenons incapables d’aimer. Et la médecine moderne appelle cela la maladie de la syllogomanie où les objets nous possèdent plus que nous les possédons et qui finissent par prendre toute la place. AMEN.