2023 A- Mt 22, 34-40- dimanche de la 30e semaine ORDINAIRE- adorer et servir
Année A : dimanche de la 30e semaine ORDINAIRE (litao30d.23)
Mt 22, 34-40- adorer et servir
Un rabbin affirme que l’amour de Dieu n’a de valeur que s’il pacifie les relations humaines. Être chrétien ne consiste pas à accumuler des observances. La fidélité à des lois ne fait pas des chrétiens. Cette page est de la dynamite. C’est une bombe à retardement que cette réponse de Jésus. Quelle est la chose la plus importante ? Quel est le centre propulseur ? Qu'est-ce qui compte le plus, au point d'être le principe inspirateur de tout ? La question posée à Jésus est le “principe et le fondement” sur lequel tout commence et recommence.
Cette déclaration de Jésus à des envoyés experts en législation attaque de plein front l’institution religieuse de son temps. Dans la pensée de Jésus, la religion est devenue toxique en focalisant seulement sur des prières à faire. Elle dérape en insistant sur l’obligation de pratiquer 613 commandements. Jésus initie un mouvement qui engendre une vaste « entreprise » de reussir à bien vivre ensemble.
Par ce projet qu’il appelle son royaume, Jésus invite à dire adieu à la religion traditionnelle. Adieu aux fondamentalistes du pouvoir. Il place sur un pied d’égalité ce qui n’avait jamais été entrevue dans le passé. Ce qui n’était même pas entrevue pour l’avenir. Il place à égalité deux chemins opposés au regard des chefs religieux, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. N'aimer que Dieu est un non sens. N'aimer que l'humain est un non sens. Jésus vit sa foi en son Père sur terre. Pour les gens de la religion de l’époque et de la nôtre, aimer Dieu signifiait souvent un évasion de la terre. Nulle part avant Jésus on aurait oser affirmer de telle chose.
Jésus dépasse le on a toujours fait comme ça. Il fait exploser une conception de la religion qui déracine les gens de leur terre. Il rabaisse la religion à l’horizon de la terre. Il désacralise le ciel, le dés-absolutise. Il affirme que le ciel est à trouver sur terre, que le ciel soit terre et que la terre soit ciel. Vivre cela, c’est devenir ciel pour les autres. Jésus n’a jamais parlé de vie religieuse. Deux mots l’intéressaient : adorer et servir. Ce qui l’intéressait était un comportement d’amour. Refuser cela c’est promoouvoir une fausse idée de la foi en Dieu. Jésus, le croyant Jésus, a passé sa vie à s’occuper des gens dans le beoin. Jésus s’opposait aux responsables religieux fondamentalistes qui isolaient les pratiquants de la loi au non-pratiquant. Sa manière d’aimer son Père était dans le service.
C’est un Vincent de Paul qui enseignait à sa jeune communauté qu’il venait de regrouper autour de lui qu’il est plus « sanctifiant » d’être en retard pour la messe et même de la manquer si sur la route vous rencontrez des gens dans l’urgence d’être soulagé. La lecture de l’Exode semble avoir été écrite pour notre époque :tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas. Tu n’accableras pas la personne seule.
Ce commandement n’est pas à emporter au bout du monde, dans une mallette. On le porte en soi. On l’emporte en soi. On ne le met pas dans un coin de soi-même, dans sa mémoire comme sur une étagère d’armoire. On le laisse aller jusqu’au fond de soi, jusqu’à ce gond où pivote tout nous-mêmes (Madeleine Delbrel).
Ce commandement est une épée qui déchire la tentation de passer outre comme le prêtre et le lévite qui respectant la loi, ne se sont pas arrêtés pour aider la personne tombée sur le bord de la route. Quand nous sommes habités par ce commandement, nous devenons des annonceurs de Jésus. Connaître ce commandement sans en vivre est un détournement de la religion.
Pratiquer cette page, c’est ne plus s’appartenir, mais d’accepter d’appartenir au Seigneur. Et c’est cela aimer : ne plus s’appartenir. Le seul fruit de l'amour, c'est de faire exister l'autre. Tous cherchent leur propre intérêt (Ph 2,21), mais la charité ne cherche pas son propre intérêt (1 co 13,5). Le progrès dans l’amour repose sur notre capacité d’adorer et de servir.
Rien n'est plus urgent que de nous émerveiller devant cette stupéfiante réponse. Adorer et servir c’est le mode d’agir de Jésus. Y a-t-il plus beau que cela ? Nous sommes devant un double miracle : celui d'un Jésus qui dans sa réponse se dévoile dans toute sa nudité et celui de l'humain transformé en mode divin de vivre. Étonnant ! Merveille devant nos yeux !
Ne perdons pas le fil de la merveille. Prendre la porte de l'émerveillement est un chemin qui dure toute notre vie. C'est le plus beau chemin d'évangélisation. C’est en nous émerveillant devant l’appel de vivre ensemble que nous devenons croyants. C'est en la pratiquant que nous devenons chrétiens.
Je vous laisse ce qu'écrivait sœur Emmanuelle dans son Testament : Amis ! J'ai cent ans et je voudrais vous dire : c'est passionnant de vivre en aimant ! AMEN.