2023-A-Lc 6, 1-5 -samedi de la 22e semaine ORDINAIRE- déserter ou rester.
Année A : samedi de la 22e semaine du temps ORDINAIRE (litao22s.23)
Lc 6, 1-5 : déserter ou rester.
L’évangile nous fait voir un Jésus enraciné dans la vie, engagé à donner ou à redonner de la vie à la vie. Chaque récit invite à plonger dans la profondeur de son regard. L’évangéliste Luc, et c’est la raison d’être de son écrit, montre quelqu’un d’une grande compassion jusqu’à abandonner des pratiques sécurisantes. L’attitude de Jésus était inimaginable à son époque articulée autour d’une pratique visible de la religion et qui ne portait pas attention à ce que l’on nomme aujourd’hui la psychologie des profondeurs. Pour bien comprendre l’attitude de Jésus, demandons-nous quelle serait notre réaction si on refusait de soigner quelqu’un parce que c’est un jour férié ?
Jésus comprend ce que vivent les gens. L’humain d’abord. Jésus n’est pas frileux quand il s’agit de nourrir des foules. Il n’est pas prisonnier des rigueurs religieuses quand il s’agit de toucher un malade. Il a le souci de la faim de ses disciples. Quand l’humain est menacé, Jésus n’hésite pas à se positionner en sa faveur jusqu’à prendre ses distances avec des pratiques religieuses non propices à faire grandir la foi.
Son geste invite à sortir d’une rigidité religieuse étouffante. Cette renommée le poursuivra toute sa vie. Aux érudits et chefs religieux qui veulent l’enfermer dans la descendance d’Abraham, il répond : avant qu'Abraham fut, je suis (cf. Jn 8, 58). Ce geste aux allures d’anti-sabbat montre un Jésus dont les gestes sont aussi des paroles de Dieu. Ce qui est sorti de Jésus, n’est-ce pas au fond une manière d’apprendre comment devenir homme ? (Drewermann). Arracher des épis un jour défendu devient un signe que la foi se vit les deux pieds sur terre.
Trois mots résument ce geste des épis arrachés le jour du sabbat. Quand on aime, on est libre. Faire mémoire de Jésus est autre chose que de faire mémoire d’une doctrine à enseigner. Jésus promeut la spontanéité, la créativité devant des situations d’urgence plutôt que la rigidité. Il nous veut moins religieux, mais plus évangéliques (J. Moingt).
Quel évangile vivons-nous ? Quelle lecture évangélique guidera les participants du synode sur la synodalité ? Mgr Gaillot, évêque déchu, se demande, dans une affirmation lapidaire, si le message de l’évangile a quitté l’Église. Notre foi passe par la vie, se transmet par le vécu de tous les jours.
Jésus n’a pas passé sa vie à se demander s’il doit quitter ou pas de la religion de son temps. Il reste croyant dans un environnement très hostile. Son attitude ouvre une piste de réflexion à ceux qui s’interrogent s’il faut déserter ou rester dans l’Église, demeurer un pied dedans et un autre dehors[1].
Jésus a pour devise : avançons. Il passe son chemin à travers ceux qui le louangent comme à travers ceux qui le méprisent (Lc 4, 16-30). Il avance en eau profonde sans craindre la mer agitée. Il va son chemin. Jésus est profondément libre et rien ne l’arrête.
Dans sa rencontre avec les jésuites canadiens lors de son séjour au Canada, le pape rapporte le Père Antonio Spadaro, répondant à une question sur les changements à apporter comme Église, affirme que le droit ne peut pas être conservé au réfrigérateur […] il progresse, se consolide avec les années, se développe avec le temps, s’approfondit avec l’âge […] Hier, c’était fait comme ça devient ça a toujours été fait de cette façon[2]. Le pape reprenait son affirmation déjà exprimée dans sa lettre sur la joie de l’évangile (EG # 33).
Je conclue. À l’heure où autour de nous, les défenseurs d’une foi pure et dure parlent forts, nous ne vivons pas l’heure de l’effondrement, mais l’heure de l’audace de faire Église autrement. Quelle perle précieuse que la manière d’agir de Jésus et qui nous pousse à aller de l’avant sur une mer agitée. AMEN.
[1]http://www.garriguesetsentiers.org/tag/dossier%20n%C2%B0%2041%20rester%20dans%20l%27eglise%20catholique%20%3F/2 voir l’excellent dossier # 41 de garrigues et sentiers.