2023-A-Mt 9, 14-17 - samedi de la 13e semaine ORDINAIRE- pastoraliser le projet Jésus
Année A : samedi de la 13e semaine du temps ordinaire (litao13s.23)
Mt 9, 14-17 : pastoraliser le projet Jésus.
Comprendre cette page d’une pièce ancienne à coudre sur une pièce neuve est une activité dangereuse tant elle provoque un véritable tsunami. Modifier les apparences sans rien rénover conduit à l’hypocrisie. En nous donnant cette image, Jésus dit qu’il est dans sa personne toujours nouveau. L’inattendu plutôt que l’attendu. Maître Eckhart observe que si nous sommes unis à Jésus, si nous communions à Jésus nous sommes neuf chaque jour. Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle ; le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau a été fait (2 Co 5, 17). Par cette image, Jésus fait éclater des regards figés.
Jésus, le moi je vous dis, appelle à conjuguer au présent, à contemporaniser notre agir. En utilisant ce langage du vieux et du neuf, Jésus appelle, pour citer Christoph Théobald, à pastoraliser son projet. Sa vie. Son attitude d’ouverture à l’inédit lui vaut d’être accusé de glouton en s’invitant à toutes les tables, en conversant avec toutes les cultures, même les femmes, les moins que rien. L’image nous sort d’un ascétisme purement extérieur, d’un jeûne « sauve face ». Pourquoi les disciples ne jeûnent-ils pas ?
Jésus veut des disciples qui évitent de souffrir de cette maladie nostalgique (pape François) du retour en arrière. Le on a toujours fait comme ça ne doit pas nous enchaîner à une autre époque. Les racines ne sont pas des ancres qui nous enchaînent à d’autres époques et qui nous empêchent de nous incarner dans le monde actuel […] elles servent de point d’ancrage qui nous permet de nous développer et de répondre à de nouveaux défis (Christus vivit #. 200).
Il n’y a pas d’un côté celui qui porte un vêtement nouveau et de l’autre un vêtement ancien. L’Évangile n’est pas un produit nouveau à mettre sur le marché pour conquérir le terrain perdu. Porter un vêtement nouveau, alléchant, à la mode dure jusqu’à l’arrivée d’un autre style. L’évangile n’est pas de cet ordre. Jésus fait miroiter des attitudes nouvelles, un langage nouveau, inédit pour dire que son projet d’un royaume doit être toujours en mode d’actualisation. La nouveauté qu’il propose est d’unifier le message et sa personne. Mais ce n’est pas facile.
Nous n’avons qu’à regarder actuellement les tensions que soulève une Église en mode de synodalité pour saisir comment il n’est pas facile d’unifier l’ancien et le nouveau. Le « synode des médias » comme on l’appelle, montre des discussions tendues, des désaccords profonds, entre partisans d’une religion légaliste, tournés vers le passé, et les défenseurs d’une révolution de la miséricorde, attentifs aux signes des temps, non plus vertical et clérical, mais plus horizontal et coopératif (sœur Nathalie Becquart). Le document préparatoire, publié le 20 juin dernier, est salué par les uns pour son audace à n’éliminer aucune question comme celle des homosexuelles, condamné par d’autres[1].
Les évangélistes expriment par cette image que Jésus n’a probablement jamais prononcée, leur compréhension de l’arrivée de « l’ère de l’Esprit ». Ils y décrivent l’obsession de Jésus à nous mettre en mode réalisation de son projet révolutionnaire de solidarité avec tous les exclus, tous les derniers, tous les excommuniés, tous les dérangeants. Il propose un chemin qui ouvre sur un banquet aux portes largement ouvertes. Ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit (EG #2) de nous voir déchirer entre porter du neuf ou nous en tenir à l’ancien. Évitons cet attachement aux formes anciennes qui, dit-on pour se rassurer, ont fait leur preuve.
À votre contemplation, quelle grande liberté d’action que ce style de Jésus qu’il propose à tous les évangélisateurs de sa bonne nouvelle qui n’est pas et ne sera jamais d’abord un contenu doctrinal, mais une manière nouvelle de vivre ensemble. AMEN.