2023-A- Jn 6, 51-58 - fête du Corps et du Sang du Christ - des mots dynamites.
Année A : fête du corps et du sang de Jésus.
Jn 6, 51-58 : des mots dynamites.
Si on laisse ce pain nous nourrir, si on se laisse nourrir par ce pain personnellement, communautairement, dit le père François Cassingena-Trévedy, c’est de la dynamite qui explose dans toutes les directions. Prenez et mangez, c’est une explosion nucléaire qui transforme toute vie. Ne chosifions pas ce geste de Jésus. Ne le matérialisons pas non plus. Ne perdons pas la beauté de ce geste qui « incarne », qui fait entrer Jésus dans nos vies. Ce geste continue l’incarnation. Il nous fait présence réelle de Jésus et de son grand projet de nous voir bien vivre ensemble.
Prenez et mangez, ce n’est pas du cannibalisme comme le laisse entendre l’attitude des témoins Comment peut-il nous donner sa chair à manger ? Beaucoup de ses disciples s'écrièrent : ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter (v.60). Ce geste n’est pas réservé à des gens parfaits, parfaitement en règle avec des normes liturgiques. Impossible d’être parfaitement parfait. Être digne ne signifie pas être irréprochable : l’eucharistie n’est pas un prix décerné pour bonne conduite. Il nous est demandé d’être seulement cohérents dans notre manière de vivre. Être digne, c’est consentir à réaliser l’exemple du Christ dans ma vie.
L’eucharistie n’est pas une doctrine à enseigner, ni quelque chose à manger, pas même la chose la plus précieuse qui soit le corps et le sang de Jésus. C’est Lui qui devient nous. C’est nous qui devenons Lui. Aujourd’hui, maintenant. Nous devenons ce que nous mangeons (saint Augustin). Nous devenons ce que nous recevons (saint Léon le grand). Nous devenons eucharisties. En communiant, nous sommes unis au Christ. Saint Paul écrit ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi. Le curé d’Ars répète, venez à la communion... Il est vrai que vous n'en êtes pas dignes, mais vous en avez besoin.
Le premier signe que nous sommes eucharisties, que nous vivons l’eucharistie se voit dans notre manière d’apprécier. Apprécier, c’est comme la respiration de notre vie. C’est mener une vie de louange et gloire. Père, je te rends grâce. Le Jésus que nous contemplons ouvre nos regards sur quelque chose de beaucoup plus profond qui échappe à toute mesure (cf. EG #27). La louange. Le curé d’Ars disait : O homme, que tu es grand, que tu es heureux, mais que tu comprends peu ton bonheur.
Le second signe se voit dans notre manière de regarder et de considérer les autres. L’eucharistie nous fait solidaire des autres, de leurs besoins. Le pain que nous rompons nous fait communion (cf. 1 Co 10,16). C’est le sacrement du frère, une école de libération de nos mois. Nous devenons bâtisseurs d’une communauté d’amour (Newman) en voyant en profondeur les événements et les personnes. Regardons-nous les autres comme Jésus nous regarde ? C’est beaucoup moins contraignant d’adorer Jésus que d’agir comme lui.
Le troisième signe : l’eucharistie nous fait devenir comme le feu (apophtegme). Nous devenons des langues de feu, chante la séquence de la Pentecôte. Le feu des horreurs d’aujourd’hui ne peut être irradié que par le feu de l’amour. Je suis venu apporter le feu sur la terre (cf. Lc 12,49). Traduction. Je suis venu brûler les cœurs de ma présence comme je voudrais qu’il engendre la globalisation de la solidarité.
Moi, je suis le pain de vie. Il faut ruminer ces mots, les laisser descendre en nous, les digérer afin qu’ils ne deviennent pas des mots d’outre-tombe. Des mots morts. Il faut les butiner comme des abeilles qui recueillent le miel du dedans des fleurs. Les revisiter jusqu'à ce qu'ils deviennent Parole, Verbe en nous. Les coller à nos oreilles comme les Indiens collaient leurs oreilles sur le sol pour entendre les pas qui venaient au loin.
Je conclus : malgré nos sottises, dit Julienne de Norwich, je m'émerveille beaucoup que le Seigneur me regarde avec tant de prévenance en nous invitant à sa table. Oui, il est grand ce mystère de la foi. AMEN.