2023-A-Mc 9, 2-13 - samedi de la 6e semaine ORDINAIRE-avec de l'ici-bas, faire de l'au-delà.
Année A : samedi de la 6ersemaine du temps ORDINAIRE (litao06s.23)
Mc 9, 2-13 : avec de l’ici-bas, faire de l’au-delà (R. M. Rilke).
À quelques jours du carême, ce récit de la transfiguration soulève la question du pourquoi. Pourquoi ce resplendissement de lumière est-il lié à un autre resplendissement, celui de la Croix. Pourquoi ce moment d’intensité de lumière annonce-t-il un autre moment d’épouvantables ténèbres ? Pourquoi tant de lumière, pourquoi tant de souffrance ? Tant de beauté, tant de laideur ? Pourquoi un visage si glorieux et si défiguré ? Pourquoi Jean qui est présent sur la montagne ne rapporte-t-il pas l’événement ? Pourquoi les maîtres de la loi disent-ils qu’Élie doit revenir ?
Ces « pourquoi » où la mort et la vie, la lumière et les ténèbres sont entremêlées révèle le visage lumineux et sombre, joyeux et douloureux de ce fils d’homme et aussi fils de Dieu. Jésus montre à ses trois amis-disciples son incroyable beauté tout en la voilant aussitôt par une autre beauté, celle de sa mort dans des circonstances inimaginables sur la croix. Jésus confirme à ses proches son identité de fils bien-aimé du Père, mais en trace aussi le chemin : Dieu n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour tous (cf. Rm 8, 22).
Les dciples saisirent par le cœur, furent voyants par le cœur, que désormais tout est dit, tout ce qu’ils ont vécu à ce jour, tout ce qu’ils auront à vivre, est ramassé dans cet instant. Le ne le dites à personne est reçu comme tout ce qu’ils en diront risque d’être des paroles insignifiantes tant que ce qui vient de se passer est au-delà des mots, au-delà des épreuves, au-delà de toute certitude rationnelle.
Ce matin, comme pour nous révéler le sens de son chemin pascal qui s’ouvrira dans quelques jours, Jésus sculpte nos regards sur une double beauté, celle d’une vie dans le Père et celle d’une vie donnée, livrée pour un monde meilleur. Heureux ceux qui voient. Ils changent nos regards. La question de Paul sur la route de Damas, qui es-tu, est la nôtre.
Et nous qui côtoyons Jésus, mangeons son pain, buvons ses paroles, méditons sa manière de vivre, comment vivons-nous cette double beauté ? Spontanément, nous sommes tentés de dire comme Pierre construisons trois tentes. Restons sur la montagne de la lumière. Il était effrayé. Ce serait oublier que toute rencontre avec lui, toute rencontre signifiante, n'est authentique que si elle nous renvoie dans la vallée du quotidien. Dans ‘l'en bas', le très bas quotidien. C'est là que vous me verrez.
Le poète autrichien Rilke dit bien cela : avec de l’ici-bas, faire de l’au-delà. Jésus propose à ses disciples de transfigurer l’enfer du quotidien avec un regard sur l’au-delà. Il leur fait voir la lumière sans renoncer à l’enfer de l’ici-bas. Il sculpte en eux un regard nouveau sans pour autant leur cacher les nuages qui obscurcissent la lumière.
Au Soudan, le pape François après avoir écouté des récits inimaginables de souffrance, disait et cela rejoint l’en--bas où Jésus redescend avec ses disciples : je vous regarde à nouveau ; vos yeux fatigués, mais lumineux qui n'ont pas perdu l’espérance, vos lèvres qui n'ont pas perdu la force de prier et de chanter. Je vous vois, vous qui avez les mains vides, mais le cœur plein de foi, vous qui portez intérieurement un passé marqué par la souffrance, mais qui ne cessez pas de rêver d'un avenir meilleur.
À quelques jours de notre entrée en carême, retenons ces mots de la jeune poétesse Amanda Goman : il y a toujours de la lumière si seulement nous sommes assez courageux pour la voir, si seulement nous sommes assez courageux pour être lumière. Ne disons pas comme Pierre qu’il est bon d’être ici, mais il est bon que nous passions par ici pour vivre avec profondeur la montagne du Calvaire (saint François de Sales) que nous offrent nos bulletins quotidiens de nouvelles. AMEN.