2022-A- Jn 1, 1-18 - samedi de l'octave de Noël- Dieu a quitté son ciel.
Année A : samedi de l’octave de Noël, 7e jour (litan007.23)
Jn 1, 1-18 ; 1 Jn 2, 18-21 : réjouissons-nous, Dieu a quitté son ciel pour habiter chez nous.
Le philosophe chrétien Bruno Latour, récemment décédé, insistait pour se débarrasser de la question des croyances sur Noël pour se poser une autre question, c’est quoi l’incarnation ?
Son appel est une véritable métamorphose du regard. Il s’agit de passer d’un Christ postpascal, d’un Christ transcendant pour s’arrêter à l’immanence de Jésus, immergée par des siècles d’une spiritualité qui a longtemps négligé de poser un regard humain sur lui qui a pourtant vécu trente ans une vie enracinée dans les choses humaines ordinaires : travailler, se nourrir, aider sa famille, etc. Quel sens pourrions-nous vraiment donner à l’incarnation d’un Dieu Homme s’il vivait hors du monde ? S’il agissait comme un Dieu hors du monde ?
La société dans laquelle nous vivons nous dit que les valeurs qui conduisent au bonheur sont l’argent, l’efficacité, le confort, les études, la réussite, le succès que l’on veut imposer bon gré mal gré à tout le monde, à tous les peuples. L’Incarnation nous dit au contraire qu’il faut tenir compte des autres, de ceux que l’on a écrasés, de ceux qui ne peuvent pas suivre, de ceux qui souffrent, des faibles, des petits.
Pour dire cela, Jésus a fait le choix de la non-puissance. Ô pauvreté qui nous émerveille, écrit Claire d’Assise (lettre 4 à Agnès). Il est le miroir d’une existence nouvelle, d’une forme de vie nouvelle. D’un monde fermé, opprimé par les ténèbres de l’inimitié et de la guerre, à un monde ouvert, libre de vivre dans la fraternité et dans la paix (Urbi et orbi 2022). Personne avant lui ne semble avoir agi ainsi.
La manière de vivre de Jésus a largué une bombe humanitaire qui élève les écrasés, les indignes, les non moralement corrects. Il a redonné dignité à l’humain pour qui le poids du mal, des opaques ténèbres qui assombrissent notre quotidien, devient un tremplin vers un humanisme nouveau. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Cette nouveauté, cette bonne nouvelle a conduit Jésus à la mort. Pour dire Noël vient d’écrire votre ministre général, il faut aimer la terre. Aimer l’humain. Aimer une manière de vivre. Le monde et l’histoire sont le lieu où marcher avec Lui.
L’Incarnation, c’est Dieu qui a quitté son ciel pour venir demeurer parmi nous. Pour marcher avec nous. Il le fait de la manière la plus inattendue qui soit : la fragilité, la vulnérabilité d’un enfant à accueillir ! Il est devenu le Dieu qui marche avec nous. C’est le cœur de l’évangile.
La gloire qu’il nous montre est celle d’un humain qui vit pleinement sa divinité. C’est la gloire de la fragilité qui brille dans les ténèbres, qui est lumière ténue et réelle pour le monde qui souffre et pour les peuples opprimés par tous les César Auguste d’hier et d’aujourd’hui.
Jean présente Noël comme un événement, le verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. C’est une parole créatrice d’un nouveau genre d’humain. Cette nouvelle forme de vie, cette nouvelle manière d’aimer se conjugue avec la justice et la libération de tout ce qui défigure l’humain. Reste à y adhérer ou non.
Ce qui émouvait aux larmes le Poverello à Noël n’était pas l’union des natures ou l’unité de l’hypostase, mais l’humilité et la pauvreté du Fils de Dieu qui tout en étant riche, il s’est fait pauvre à cause de vous (cf. 2 Cor 8,9). Jésus appartient à cette catégorie de personnes dont saint Paul dit qu’elles n’ont rien et possèdent tout (cf. 2 Cor 6, 10). Sa conduite, écrit l’historien Flavius Joseph, était juste et on le connaissait pour être vertueux. Maurice Zundel dit que l’humanité de Jésus est le premier des sacrements. Ce moi de cette humanité, c’est ce moi divin, ce moi qui est tout amour, ce moi qui est toute lumière[1].
Que Marie dont nous ferons mémoire demain nous accompagne à aider son Fils à grandir parmi nous, lui qui ne fut pas reconnu par les siens. AMEN.