2022-C-Mt 25, 31-40-bienheureuse Émilie Tavernier-Gamelin- une terre de rencontre
Année C- samedi de la 25e semaine ORDINAIRE (litbo25d.22)
Mt 25, 31-40 mère Gamelin, une terre de rencontre.
Quelle est la beauté de la vie, si l’on ne va pas en profondeur se demande le poète Abai, cité par le pape lors de sa rencontre avec les chefs religieux du monde en septembre dernier[1]. C’est une question perpétuelle à se poser. Une question dont une réponse surgit dans la vie d’une femme géante de l’histoire du Québec.
Dans un livre, ces audacieuses qui ont façonné le Québec, les auteurs présentent soixante femmes extraordinaires de toutes les époques, dont Émilie Gamelin. Pour eux, sa grandeur fut de pratiquer la vertu la plus difficile vécue sans faille par Jésus, celle de la proximité avec les exclus, incluant ses ennemis.
Après la douleur de la perte de ses trois enfants et de son époux, Émilie Gamelin fait le deux février 1842, en présence de l’évêque Mgr Bourget, le vœu de continuer à servir les pauvres tant que ses forces le lui permettront.
Mère Gamelin fut une terre de rencontre. Elle a ouvert une nouvelle route de rencontre dans son refuge pour les personnes âgées délaissées. Elle a offert son soutien pour soulager la misère humaine dans les rues de Montréal. Sa priorité était les maganés. Qui n’est pas sévère avec lui-même et qui n’est pas capable de compassion, écrit le poète Abai, ne peut être considéré comme croyant.
Toute sa vie, elle fut centrée sur l’évangile que nous venons d’entendre. Elle ne fut pas qu’un cuivre qui résonne, qu’une cymbale retentissante. Son Dieu était à portée de main. Elle le voyait, rencontrait, touchait en répondant aux urgences de toutes les époques : vêtir, accueillir, nourrir, visiter, soulager.
Femme artisane de communion, elle a entendu les cris des plus faibles. Elle fut à leur côté, de leur côté, travaillant à éloigner le spectre d’un virus pire que la Covid, celui des inégalités, des marginalisés. Femme de paix, elle a ensemencé des jardins qui fleurissent encore aujourd’hui comme celui qui porte son nom, le parc Émilie Gamelin.
Ce qui fut décisif dans sa vie, ce ne fut pas l’empathie qu’elle éprouvait envers les délaissés. Ce ne furent pas les sentiments de compassion. Ce qui fut décisif fut de ne pas aimer d’une manière générale. Pour elle, aimer était quelque chose de très concret. Sa vie était marquée par l’esprit du christianisme en donnant ses mains, son temps, sa vie « dé-coïncider d’elle-même » au Dieu qu’elle contemplait à travers les souffrants des rues. Ce n’est pas en disant Seigneur, Seigneur. À quoi peut bien servir à quelqu’un dire j’ai la foi s’il ne le prouve pas par ses actes (cf. Jc 2,4). Elle fut providence de Dieu. Son amour pour les rejetés ne passera jamais.
Bien avant l'arrivée des réseaux sociaux actuels, cette femme initia, en écoutant les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses de son temps (cf. GS 1), un réseau de solidarité qui se poursuit aujourd’hui à travers une communauté qui continue son travail.
En chacun d’entre nous, il y a enfoui dans nos profondeurs un moi que Lytta Basset nomme un ego divin qui nous oriente vers les autres. Que valent nos déclarations d’amour même de nos opposants, si cet ego divin ne se réalise pas en nous ?
Le message de mère Gamelin est simple : en devenant sensibles aux cris nombreux de la misère humaine, nous attestons avec clarté que nous montrons notre foi. J’avais faim, j’avais soif, j’étais étranger.
À votre contemplation : conduis-nous sans cesse, Seigneur, dans la voie de ton amour, comme tu fis pour la bienheureuse Émilie-Tavernier-Gamelin […] que l’œuvre de bonté que tu as entreprise en nous se poursuive jusqu’à la fin des temps. AMEN.