2021-B-Mc 7, 14-23- mercredi 5e semaine ORDINAIRE-pour vivre heureux, reste caché
Année B : mercredi de la 5e semaine ordinaire (litbo05me.21)
Mc 7, 14-23 : Gn 2, 4b- 9.15-17 pour vivre heureux, reste caché.
Les plongeurs font l’expérience de voir que sous l’eau se cache un monde magnifique, coloré, lumineux comme un paradis. Qui n’est pas émerveillé de voir la beauté des rocailles sous l’eau ? La vie est plus que ce que l’on voit. Elle est recherche de ce quelque chose de plus cachée sous la surface.
Aujourd’hui, alors que l’écran digital envahit tous les aspects de notre vie et qu’il a pour fonction soit de nous distraire de la réalité soit de nous en protéger, l’appel à vivre ou revivre par l’intérieur nous engage sur une toute autre voie, celle d’éduquer notre regard sur un autre écran, plus essentiel que l’instantanée.
Nous nous sommes perdus, écrit Patrick Fischmann dans son livre L’homme naturé (éd. Chez Nous, 2019) pas dans une forêt, mais dans un en-dehors […] de notre nature. Il appelle à retrouver l’intériorité, à développer notre appartenance avec la terre et avec notre être profond. Augustin insiste : entre dans ton cœur, toi qui est devenu étranger à toi-même. Le tapage de la grandeur humaine obscurcit l’immensité de notre horizon intérieur. Nous sommes de la race de Dieu. La vie fait sienne ce dicton : pour vivre heureux, reste caché.
L’évangile avec son invitation à l’écart rejoint tous les grands maîtres spirituels qui placent le pèlerinage vers son cœur profond comme incontournable. L’attitude de Jésus renouvelle la religiosité de son temps qui a des allures légalistes. Il remet au centre des cœurs la rencontre avec Dieu. Aujourd’hui nous sommes sortis d’une recherche d’une vie par en dedans. Une tentation nous est commune à tous. Notre ennemi commun se nomme l’endormissement de notre vie intérieur. Nous ne voyons plus la beauté du rocaille qui vit en nous. Pour atteindre cette beauté, nous avons besoin de maîtres, non de catéchistes, non de moralistes, non d’humains qui pensent tout savoir. L’urgence est de rencontrer des maîtres toujours en recherche d’un chemin jamais totalement parcouru.
On peut se donner bonne conscience parce qu’on continue d’aller à la messe, parce qu’on paie la dîme, qu’on répond généreusement aux sollicitations quand surgit une tragédie. On ne peut se contenter d’aller à la messe. Il faut aller à la rencontre de Quelqu’un. On ne peut se contenter de préserver les signes extérieurs de chrétienté. C’est [le] dedans du cœur qu’il faut travailler pour éviter d’être une coquille vide qui se brise quand surgit la tempête.
Le mystique rhénan de notre fond profond, Tauler, écrit que l’œil intérieur de notre cœur doit demeurer fixé amoureusement […] du côté de Dieu, de sorte que dans notre fond il n'y ait d'autre intention, d'autre aspiration que pour Lui. L’évangile traduit que c’est ce qui sort du cœur qui fait des ravages. C’est dans le cœur reconnaissent les environnementalistes que se trouvent la cause et les remèdes aux catastrophes actuelles[1]. Nous sommes faits pour vivre en intimité avec notre cœur profond en prenant une pause santé de nos écrans. Michel Hubaut écrit qu’il s’agit de devenir véritablement un « Homme » dont l’espace intérieur est devenu assez grand pour accueillir la vie même de Dieu.
Demandons-nous à quoi ça peut bien servir de maintenir un crucifix à l’Assemblée nationale, en haut des portes de nos maisons, s’il nous manque une pulsion intérieure ? Si l’on s’arc-boute, se contente des traditions figées, ce raidissement peut même être un obstacle à la foi. Des chrétiens de façade, ça fait mal à la diffusion de l’évangile.
Jésus indique que la mission, celle de tout disciple, ne consiste pas seulement à faire des choses pour la foi. Elle est silence et contemplation. Il faut «réchauffer» la foi avant de la transmettre. Le Père Cantalamessa dans une réflexion de l’Avent à la Maison Pontificale précise qu’il s’agit de la foi-appropriation[2]. Il faut nous approprier la mission qui appartient à Dieu. Elle n’est pas la nôtre. Nous sommes de simples serviteurs ; nous avons fait ce que nous devions faire (Cf. Lc 17, 10). Laissons Dieu insuffler son souffle dans nos cœurs pour qu’il réanime en nous notre vie intérieure. AMEN.
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