2020-B-Lc 1, 5-25 - samedi 3e semaine AVENT- thérapie d'appréciation
Année B : samedi 3ière semaine Avent (litba03s.20)
Lc 1, 5-25 ; Jg 13, 2-7.24-25a : thérapie d’appréciation.
Durant cette neuvaine de Noël débutée jeudi dernier, la liturgie est riche de textes, tous orientés pour nourrir notre attente d’une naissance qui a marqué l’histoire des croyants et des non-croyants; celle du Créateur qui se fait créature, enveloppée de langes et couchée dans une pauvre mangeoire (cf. Lc 2, 13-14). Béni soit celui qui vient visiter son peuple. Ce chant ouvre chaque matin la prière de l’Église. Il prend en ces jours préparatoires une connotation différente.
Pour nous faire contempler celui qui vient, Luc programme, au début de son évangile, pour toutes les générations, une thérapie d’appréciation en deux temps. Il montre d’abord l’appréciation de Dieu pour la persévérance de Zacharie et, dans les versets suivants, toujours au chapitre premier, pour celle qu’il porte à Marie, bénie entre toutes les femmes. Dieu ne se contente pas de le savoir, il dit à l’un comme à l’autre comment il les apprécie. Deuxième mouvement : une réponse de bénédiction de l’un et un chant de louange de l’autre.
À l’heure où Zacharie avait besoin d’un peu d’air frais et que l’angoisse risquait de l’habiter, Dieu lui fit entendre son appréciation pour sa persévérance. La pédagogie de la visite de Dieu chez Luc, la pédagogie de sa bonne nouvelle commence par l’appréciation. Il est le seul à parler de l’action de Dieu comme une visitation et une appréciation[1].
Chaque matin en redisant le Benedictus, chaque soir en reprenant le chant de Marie, l’Église nous fait entrer dans ce premier mouvement : celui de nous laisser regarder et apprécier par Dieu. La mystique Julienne de Norwich (XVe siècle) écrivait, et cela peut étonner des oreilles distraites, que Dieu est incapable de pardon parce que rien ne l’offense. Rien ne le blesse. Dieu visite son peuple pour lui dire toute son appréciation et non pour lui reprocher des comportements moins qu’humains.
Dieu a créé l’humain intègre. En prenant corps humain, en se faisant l’un de nous, Dieu le confirme. Il dit toute l’appréciation qu’il nous porte. Ce regard de Dieu est indélébile. Bonaventure, disciple de François, considère l’incarnation comme l’achèvement de la beauté de la création. Nous avons perdu, dit-il, l’habitus de cette capacité d’entrevoir que nous sommes beaux aux yeux de Dieu, jamais nous ne perdons la capacité elle-même[2]. Quand nous perdons ce regard, un autre regard, «déformé» celui-là, nous envahit.
Noël annonce un commerce (Thérèse d’Ávila) d’appréciation. Si l’appréciation de Dieu à notre endroit est le motif de sa naissance, il est plus étonnant de nous voir vivre comme plus attirés par les réalités d’en bas que par l’appréciation de Dieu à notre endroit. Zacharie nous apprend à chanter que Dieu nous visite. Béni soit Dieu qui visite son peuple. Marie nous montre comment vivre le choix de Dieu sur nous. Il a regardé son humble servante.
Il reste encore sept jours de neuvaine pour entendre et recevoir cette appréciation de Dieu, du Verbe de Dieu, à notre endroit. Il s’est penché sur son humble servante, sur nous. D’âge en âge, l’appréciation de Dieu sur nous est miséricorde. Elle est aussi miséricorde en faveur de son peuple. Dieu apprécie les petites miettes (Mt 15, 21-28). Les cuisinières savent qu’elles peuvent servir à préparer une bonne recette. Et si notre foi était importante comme une graine de moutarde (cf. Lc 17, 6), nous saisirions que notre vie est précieuse aux yeux de Dieu.
Nous étonner d’une telle appréciation à notre endroit, c’est sortir d’une foi plate. Aucun de nous ne mérite un tel regard de Dieu. C’est presque impossible pour nous de poser un tel regard sur les autres, pour Dieu tout est possible (cf. Mt 19, 26). Son regard nous élève, nous rend dignes. Il fait en nous de grandes choses. Il nous demande comme premier geste d’évangélisation de nous émerveiller parce qu’avec nos petits gestes nous pouvons accomplir de grandes choses.
À votre contemplation : utilisons, pour citer Bonaventure[3], nos trois yeux : l’œil du corps, de la raison et de la contemplation et nous comprendrons que Noël démontre combien Dieu nous aime. Devenons louange pour la gratuité de son appréciation, la gratuité de la vie, pour tout ce qui nous est donné gratuitement et en abondance. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1] Delovinfosse, Marie, La pédagogie de la «visite» de Dieu chez Luc, Éd. Peeters, Belgique, 2018, p.358.
[2] Delio, Ilia, Cheminer avec saint Bonaventure : une introduction à sa vie, sa pensée et ses écrits, Éd. Franciscaines, 2015, p.87.
[3] Ibid, p.118.