2020-A-Lc 21, 12-19 - mercredi 34e semaine ordinaire - tout n'est jamais fini
Année A : mercredi de la 34e semaine ordinaire (litao34me.20)
Lc 21, 12-19 ; Ap 15, 1-4 : tout n’est jamais fini.
Faites attention, ne vous laissez pas tromper. Cette mise en garde se trouve dans un verset précédant la lecture de l’évangile. Ne nous laissons pas tromper sur le sens de la «collapsologie» que rapporte ce passage de Luc.
C’est la science qui étudie l’effondrement des espèces, la disparition des lieux humides, l’inquiétude soulevée par la disparition des abeilles. La récente pandémie a été vécue comme un temps d’effondrement. Lors de la crise financière des années 2009, on s’inquiétait de la «collapsologie» des économies, mais peu des pauvres qui se voyaient appauvrir davantage. Beyrouth est l’exemple d’une ville où conduit l’irresponsabilité d’un État.
Derrière cette notion, il y a la crainte que tout s’effondre comme un château de cartes, incluant la vie, toute vie animale, végétale, humaine. Jésus fait preuve d’une grande sagesse quand il reconnaît que tout ce qui existe prendra fin. Tout ce qui a un commencement aura aussi une fin. Mais il porte sur cette fin appréhendée un regard de sagesse, un regard de commencement.
La dégradation de la maison commune en est une attestation irréfutable. L’environnement soulève la question de la disparition éventuelle de l’humanité. Nous ne pouvons pas prétendre être en bonne santé dans un monde malade. Les blessures causées à notre terre mère nous saignent également[1].
Autour de nous, c’est souvent, sinon toujours, la désolation, la disparition. Le dernier mot de l’évangile transforme tout regard habité par la puissance de l’Esprit de Dieu (1 Co 2, 14) : vous garderez votre vie.
La manière dont nous vivons l’environnement toxique de «collapsologie» révèle la profondeur de notre foi. Le chrétien se tient debout près de toutes les croix du monde. Pour lui, durant les temps difficiles, il ne sert à rien de se lamenter, de se décourager. Ce n’est pas non plus l’heure de la résignation ou de la fuite. L’oisiveté n’est pas acceptable. Ces temps appellent à se relever. Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus (2 Th 3, 7-12). Ce n’est pas en restant affalé sur son divan que nous garderons la vie, c’est en persévérant dans un changement de direction de nos vies et de notre société.
Jésus lance un appel à un autre regard que celui du désespoir. Toutes les situations, aussi noires soient-elles, aussi inhumaines soient-elles, sont habitées par une petite lumière. Voici que je fais toutes choses nouvelles (Ap 21, 5). Il n’est pas dit: je crée de nouvelles choses, mais toutes choses nouvelles. Un septième jour habite nos cœurs et permet de chanter : le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
L’évangile commence sur une grande joie : voici, je vous annonce une grande joie (Lc 2, 10). Elle se termine sur une grande joie: je fais toutes choses nouvelles (Ap 21,5). Oui, je viens bientôt (Ap 22, 20). Ce regard nait d’un homme nouveau dont le cœur est guéri de ses désordres tant sociaux qu’environnementaux[2].
J’emprunte à saint Augustin une image qui exprime bien comment vivre dans cet environnement de «collapsologie». Nous n’avons pas seulement été faits chrétiens; nous avons été faits Christ, non pas pour vivre avec lui une union désincarnée de notre monde, mais pour porter aux autres la lumière et la présence du Christ. Jésus a besoin de nous et de nos yeux de foi pour ouvrir à la lumière des yeux qui ne voient que des ténèbres. Nous sommes la seule chance de Dieu dans le monde d’aujourd’hui afin qu’il ne sombre pas dans le chaos.
Telle est la vision et la mission que nous recevons comme disciple-missionnaire. Cette vision nous crée et nous relève à la fois de la déprime. Elle est notre programme théologique devant tous les effondrements qui nous tourmentent. Ne souhaitons pas un retour au passé qui n’a pas été plus beau que le nôtre aujourd’hui. Bataillons pour l’arrivée de ce royaume qu’a voulu Jésus. Un royaume terre-nouvelle, une terre de solidarité permanente et non seulement de générosité quand survient un cataplasme.
N’ayons pas peur de vivre en ressuscité. Entendons et vivons ces mots de François Cheng : un jour, l'un d'entre nous s'est levé, il est allé vers l'absolu de la vie, il a pris sur lui toutes les douleurs du monde en donnant sa vie […] qui souffle la transfiguration de notre monde. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1]Pape François, Lettre au Président de la Colombie à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, 06/05/2020