2020-A- Lc 19,11-28- mercredi 33e semaine ordinaire- cessons de ne rien faire
Année A : mercredi de la 33e semaine ordinaire (litao33me.20)
Lc 19,11-28 ; Ap 4, 1-11 : cessons de ne rien faire.
Cette parabole est une petite bombe qui explose quand rien ne se fait. Le troisième serviteur n’a rien fait de mal. Il ne désirait pas garder ce qu’il a reçu du maître à son départ. Il a simplement privilégié le principe de préservation. Et voilà bien l’explosion. Parce qu’il n’a rien fait, il a fait perdre le sang froid de son maître. Serviteur mauvais. Rares sont ceux qui s’accusent ou reconnaissent n’avoir rien fait. Pourtant, dans cette parabole, se cache toute l’aventure chrétienne.
Ne rien faire contre la pandémie a conduit des pays à connaître des taux de mortalité très élevés.
Ne rien faire contre l’environnement conduit la maison commune au bord d’une catastrophe irrécupérable.
Ne rien faire parce que la cause est déjà entendue, qu’il n’y a plus rien à faire ouvre sur le découragement.
Ne faire qu’une pastorale de maintenance empêche de risquer de nouveaux chemins.
Le message de Jésus est clair : non au conservatisme et oui à la créativité. Il vaut mieux avoir les mains sales pour avoir fait quelque chose que des mains propres qui n’ont rien fait. Il faut être une Église qui se trompe plutôt qu’une Église qui ne risque rien et qui est adepte du gattopardisme, c’est-à-dire qui fait semblant de changer quelque chose, mais qui en réalité ne change rien[1].
Ce matin, l’évangile nous sort de la paralysie de la normalité (pape François). Il fait voir l’un ces virus qui marquent nos vies : ne rien faire pour faire connaître l’évangile, attendre que la situation change d’elle-même. Nous voyons avec clarté que le racisme systémique doit cesser ; nous observons avec indignation que l’économie est malade, que la croissance économique est inique. Nous déplorons les dommageables irréparables de la maison commune. Que faisons-nous pour l’avancement de la justice. Se plaindre ne contribue pas à changer des choses. Nous sommes le changement que nous désirons. Il faut risquer comme ce garçon qui offrit à Jésus cinq pains d’orge et deux poissons. Il a nourri cinq mille personnes (cf. Jn 6, 1-11) L’évangile ne demande pas de voir tout en rose, seulement de ne pas vivre la tête dans le sable. Souvent, nos regards ne reçoivent pas l’imprimatur du Christ.
Depuis le cinq août dernier, le pape a pris «guérir le monde» pour thème de ses audiences du mercredi. Il aborde les graves maladies sociales actuelles. Il y a un petit virus qui conduit à confiner le monde entier. Il y a un autre virus à soigner et qui remonte à des millénaires, celui de l’injustice sociale, des inégalités, de la marginalisation[2].
Cette parabole proclame la richesse des petits gestes de rien qui peuvent éviter la propagation de ce virus de mal vivre la fraternité humaine. Jésus reconnaît que l’erreur du troisième serviteur fut de ne pas avoir eu le courage de bien vivre avec le don qu’on a reçu. Il a omis d’être charitable, de risquer de s’ouvrir aux autres. Celui qui ne sait pas risquer a déjà perdu la bataille. Ne pas oser, c’est se perdre soi-même (Kierkegaard).
Il faut du courage pour se déplier de soi, pour rendre compte de sa foi, pour risquer d'être chrétien autrement, pour ne pas se contenter de réponses toutes faites ou simplement de reproduire le passé, pour vivre dans un état de dessaisissement, de déconfinement de nos biens. Qu’as-tu que tu n’as reçu (saint Augustin)? Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais de force et de pondération (2 Tm 1, 7).
Cette parabole confirme qu’il ne suffit pas de prier. Il s’agit de partager le peu qu’on possède. Que de capitulation ! Que de fuite ! Le talent s’enrichit quand il est partagé. Si nous faisions l’inventaire de tous ces petits gestes qui font du bien, nous en serions transformés. Exemple : Avaaz, ce mouvement de solidarité internationale, rapporte avoir financé durant la pandémie, grâce à des petits dons, des millions de repas et d’aides médicales.
S’il y a un virus que Jésus a combattu, c’est bien celui de privilégier son bien-être d’abord. Celui du désengagement devant une «dé-fraternisation» entre nous. Comme il est dommage de ne vivre que pour tuer le temps !
Jean Chrysostome écrit : que personne ne dise : je ne dispose que d'un talent, je ne peux rien obtenir. Avec un seul talent, tu peux aussi agir de façon méritoire. Quelle triste manière de vivre en tuant le temps par peur de tout perdre. AMEN.
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