2020-A- Lc 15, 1-10- jeudi 31e semaine ordinaire- un geste aux allures d'aposthasie
Année A : Jeudi de la 31e semaine ordinaire (litao31j.29) 5 nov.
Lc 15, 1-10; Ph 3, 3-8a : un geste aux allures d’apostasie.
Ce regard de Jésus allant vers une personne égarée est très humain. Son geste est la «révélation» de l’énergie avec laquelle il s’engage pour libérer les mal foutus de la vie. La priorité de Jésus est de libérer la puissance de vie dans les mal foutus. La brebis égarée est mal foutue. Dans la société très rigide de son temps étouffant la vie, Jésus va chercher la vie qui se cache derrière un comportement d’égaré pour lui insuffler un puissant souffle de vie.
L’attitude de Jésus qui délaisse les «bons pratiquants» de la loi est choquante. Il refuse de se laisser annexer par une caste de gens corrects qui se pensent meilleurs que les autres, qui prêchent aux autres ce qui est «correct» et qui repoussent loin d’eux les «pas corrects» de peur d’être contaminés par leur virus.
Jésus va chercher un humain égaré; il montre ainsi que ce n’est pas l’égarement, le péché pour parler avec des mots peu utilisés présentement, qui l’intéresse, c’est la souffrance. Nous ne voyons souvent que l’égarement d’un proche. Nous réalisons peu qu’il cache une grande souffrance parce qu’il se sent rejeté, mal aimé de la famille et aussi jugé faussement.
Jésus s’empresse de sortir pour aider à sortir de leur vie sans vie les mal foutus. Il n’exige pas d’eux qu’ils changent de vie. Il ne sort pas vers les «pas corrects» pour leur faire la morale comme les «preachers» de son temps. Il sort pour les accompagner sur leur route, pour leur redonner une place d’honneur, la première place.
Ce geste de délaisser les «corrects» pour visiter le peuple, l’immense peuple des «pas corrects» dont nous sommes membres actifs, est une «révélation» de qui est Dieu. Dieu se dit dans ce geste de sortir d’un environnement communautarisme ou protectionnisme. Les évangélistes rapportent que Jésus ne se soucie pas de sa réputation, de ce que les «corrects» vont penser de lui. Il vit dans un état de bonheur si intense qu’il ne se demande pas s’il respecte la doctrine en place. Sa priorité est de voir la misère de son peuple (Ex 3, 7) et d’agir. Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi (hymne liturgique). L’humanité de Dieu est le premier des sacrements, affirme le mystique du siècle dernier Maurice Zundel.
En mettant de côté une pratique de la foi qui exclue les «pas corrects», Jésus ne se limite pas à professer des normes enracinées dans la culture religieuse. Il pratique la compassion de Dieu envers les délaissés, les corrompus par les drogues fortes, les migrants. Ils sont tous des brebis égarées.
En sortant en dehors de l’enclos, Jésus perd sa réputation. Pour gagner un frère perdu, Jésus, sans hésiter, risque de perdre sa réputation d’être un bon croyant. Et nous, sommes-nous prêts à nous tenir sur des terrains marécageux aux regards des «bons croyants», de venir en aide à ceux dont la vie en «dehors» est souvent malheureuse et en attente d’un geste qui va les sauver et leur redonner de la dignité ? Ce travail se réalise par les travailleurs humanitaires. Ils sont des Jésus pour bien des rejetés et des victimes de toutes sortes de guerres.
Quand nous acceptons de suivre Jésus jusqu’au bout, bien des choses changent dans notre vie, comme l’exprime Paul à la communauté philippienne. Pour l’observance de la loi de Moïse, j’étais pharisien; pour ce qui est du zèle, j’étais persécuteur de l’Église ; pour la justice que donne la Loi, j’étais devenu irréprochable. Il affirme blanc sur noir que les plus belles initiatives, les réalisations les mieux réussies, les projets les plus audacieux ou les mieux mûris, tout cela pâlit en comparaison de la connaissance de Jésus Seigneur. Tout cela s’efface devant l’expérience vivante du Vivant Jésus Christ.
Ressembler à Jésus, agir comme lui, imiter ses sorties, soulager les «pas corrects» valorisent notre prière pour eux. Jésus ne se contente pas de prier pour eux. Et Paul non plus. L’apôtre délaisse une éducation de haute estime dans l’université la plus reconnue de l’époque. Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte. Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur.
Paul renonce à ne plus se crisper sur son passé de parfait exécutant de la loi pour s’ouvrir au nouveau commandement, celui d’aller vers tout le monde, d’entrer en conversation avec les païens, d’ouvrir en eux une route et un passage pascal par la connaissance de Jésus. Ce temps ne fait que commencer. AMEN.
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