2020-A-Lc 10, 1-12- jeudi 26e semaine ordinaire-Paix à cette maison- Thérèse de Lisieux
Année A : jeudi de la 26e semaine ordinaire (litao26j.20)
Lc 10, 1-12 ; Jb 19, 21-27 : paix a cette maison.
Paix à cette maison. La paix soit avec vous. Toute la bonne nouvelle se trouve dans ces deux salutations. Jésus envoie ses disciples non pas dans les synagogues et dans les temples, mais au cœur du quotidien, dans les maisons, là où souvent la paix est blessée. Pour Jésus, il y a urgence de faire la promotion d’une humanité nouvelle qu’il appelle de tous ses vœux. Pour Jésus, il est essentiel que les aveugles voient, que les boiteux marchent, que la paix règne dans les cœurs et entre les membres d’une même maison, d’une même nation, d’un même peuple.
Jésus vivait les déchirements politiques de son temps. C’est dans ce contexte d’occupation par les Romains du territoire d’Israël, qu’il envoie des disciples faire la promotion de ce qui est essentiel, l’unique nécessaire : tisser des liens d’harmonie, d‘égalité, qu’il appelle son royaume. Jésus voit qu’il a mission d’établir une nouvelle manière d’être ensemble, d’être au monde, pour citer Joseph Moingt.
Il n’envoie pas les disciples donner de bonnes réponses, faire la morale, enseigner une nouvelle doctrine, encore moins établir une nouvelle religion. Il envoie annoncer dans chaque maison qu’il est bon de vivre ensemble tout en frères. N’emportez rien, dit Jésus, n’emportez pas vos diplômes, n’emportez que la paix. Pour Paul, cette paix est de connaître Jésus. Connaître Jésus, c’est aller vers toute sorte de monde. Cette paix est dérangeante. Ça apporte la division (Mt 10, 34).
Ce matin, demandons-nous en faisant mémoire de Thérèse de Lisieux, comment faisons-nous la paix dans nos maisons, autour de nous ? Sommes-nous des semeurs de paix ? Thérèse donne l’exemple d’une compagne qui lui rendait la vie difficile et dont les relations étaient plus houleuses que pacifiques. Chaque fois qu’elle la rencontrait, elle choisit de lui sourire et de s’empresser de lui apporter son aide. Cette sœur se demandait comment Thérèse arrivait à lui faire sentir qu’elle l’aimait. Thérèse a eu la sagesse de créer un environnement de paix, une culture de paix avec sa compagne non par des gestes d’éclats, seulement par des petits gestes anodins, comme lui sourire, chaque fois qu’elle était en sa présence.
Etty Hillesum, au milieu du génocide juif de la Seconde Guerre mondiale et témoin chaque jour d’un déchaînement de barbarisme, indique son chemin : si la paix s’installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait d’abord la paix en soi-même ; extirpe tout sentiment de haine pour quelque race ou quelque peuple que ce soit, ou bien domine cette haine et change-la en autre chose, peut-être même à la langue en amour – ou est-ce trop demander ? C’est pourtant la seule solution[1].
Ces deux exemples parmi tant d’autres font ressortir que pour être diffuseur de paix, il faut la posséder en soi par des rencontres quotidiennes avec Jésus et l’exprimer à travers des gestes d’hospitalité qui démontrent que nous sommes de la parenté de Dieu. Autant pour Thérèse que pour Etty Hillesum la paix est un mouvement vers celui ou celle qui ne partage pas nécessairement ma vision, mes rêves d’un projet d’une terre humaine, fraternelle et dont je ressens fortement l’envie de me tenir à distance.
La seule présence de Jésus pacifie. Il dégage un magnétisme qui irradie, une force thérapeutique[2] qui libère, allume la braise sous la cendre. Sa capacité de se faire proche de tout le monde, de s’asseoir à toutes les tables, de prendre la main (cf. Mc 1, 31), de toucher (cf. Mc 1, 41), de laisser les gens s’approcher de lui (cf. Mt 9, 20), engendre la paix dans les cœurs. Pour l’époque, ces gestes pleins d’humanité soulèvent de vives oppositions.
Et nous, qu’elle est la qualité de notre présence aux autres ? Engendre-t-elle la paix ? Pacifie-t-elle ? Comment utilisons-nous ce miracle d’être bon samaritain qui est à notre portée ? Nous sommes des envoyés pour créer des environnements de paix, pour exprimer par notre présence ce souhait de Paul : que le Dieu de la paix soit avec vous.
Dans son style bien à lui, le pape François dit que lorsqu’on rencontre une personne qui ne prononce jamais un mot qui sert à diviser, qui se mord la langue pour éviter des petites guerres intestines, qui dégage une telle qualité de présence et d’écoute, on s’empresse de la canoniser (homélie 4/9/15) parce qu’elle a vraiment rencontré Jésus. Il déplore ne pas toujours trouver cela dans l’Église.
Que Thérèse nous interpelle à poser des petits gestes de rien qui font beaucoup de bien. AMEN.
[1] Hillesum, Etty, Une vie bouleversée, suivie de lettres de Westerbork, Journal 1941-1943
[2] Pagola, Jose, Jésus, approche historique, Éd. Cerf, 2012, p.173s