2020-A- Mt 8, 5-17-samedi de la 12e semaine ordinaire- foi du centurion
Année A : samedi de la 12e semaine ordinaire (litao12s.20)
Mt 8, 5-17 ; Lm 2, 2.10-14.18-19 : la foi du centurion.
Quelqu’un croit en la parole de quelqu’un d’autre. Va, retourne chez toi, que Dieu t’accorde ce que tu lui as demandé. Aujourd’hui, rares sont ceux qui peuvent croire sans l’ombre d’un doute à la parole d’un autre. On apporte toujours des bémols, des «si». Jésus ne pose aucune question sur l’identité du centurion. Il ne lui demande pas s’il est assidu au culte, s’il contribue à l’entretien du temple. Jésus agit déjà en ressuscité. Il n’accorde pas la guérison demandée pour «convertir» ce païen. Émerveillé par la simplicité de cet homme en autorité, il lui offre un vin nouveau à verser dans des outres nouvelles.
Le centurion a atteint Jésus en plein cœur. En raison de sa grande simplicité, habituellement difficile à des personnes en poste de commandement, Jésus a renoncé à aller chez lui. En effet, la simplicité a toujours fasciné Jésus. Songeons à la simplicité de cette femme courbée que Jésus voit alors qu’une foule le bouscule. Ce qui est faux est compliqué. La simplicité est puissante.
On peut se demander, c’est une question légitime, comment le centurion en est venu à croire en Jésus alors que la rumeur voulait qu’il ne soit pas de famille aristocrate comme Zacharie ? Personne dans son entourage n’était croyant, personne ne lui a enseigné qui est vraiment Jésus. Que lui est-il arrivé pour que lui, haut gradé de l’armée, qui ne doutait en rien des ordres qu’il donnait, dont l’influence sur les autres était incontestée et incontestable, puisse supplier Jésus avec tant d’insistance pour que son serviteur soit guéri ? Comment en est-il arrivé à se délester de sa grandeur, de son autorité, pour passer par la porte étroite qui allait lui faire entendre une parole qui ressuscite : retourne chez toi, que tout se fasse selon ta volonté ?
J’offre une réponse possible parmi tant d’autres. La demande de cet incroyant est née en lui parce que Jésus priait pour lui. Les évangiles nous présentent Jésus disant à Pierre qu’il a prié pour que sa foi ne défaille pas. Père, je te prie pour eux (cf. Jn 17, 9), pour que le monde d’en bas n’ait pas d’emprise sur celui d’en haut. La prière de Jésus est le secret de l’engouement de Pierre pour annoncer avec audace celui qu’il avait trahi avec conviction. Elle a contribué à ce qu’il retourne sa chemise, comme le dit un dicton.
Comment Pierre, qui avait peur et qui était un lâche, est-il arrivé à ce courage, à cette franchise, à s'exposer devant les notables à Jérusalem (cf. Ac 5,23-37) sans la prière de Jésus, l’assurance de son Esprit ? Le secret de la vitalité de Pierre, de la puissance de sa parole (lève-toi et marche, a-t-il dit à un impotent gisant sous la belle porte du temple (Ac 3, 6) est la conséquence de ce sans moi, vous ne pourrez rien faire. Je prierai pour que ta foi ne faiblisse pas (cf. Lc 22, 32).
Ce que Jésus a fait pour Pierre, il le fait pour le centurion, pour chacun d’entre nous. Jésus prie son Père pour nous. Nous sommes habitués à prier Jésus pour obtenir qu’il nous accorde nos demandes et nous vienne en aide. Nous ne sommes pas habitués à contempler Jésus qui intercède pour nous, qui prie pour nous. N’est-il pas la porte vers le Père ? Tout ce que vous demanderez en mon nom, vous l’obtiendrez (cf. Jn 14,13).
Jésus a prié pour que la foi du centurion ne défaille pas. Sa prière n’est pas une prière réservée aux croyants, aux participants au culte. C’est une prière universelle qui fait renaître à nouveau de l’eau et de l’Esprit (cf. Jn 3, 6). Jésus est l'intercesseur. Il prie pour tous les humains. Nous devons avoir plus de confiance en sa prière qu’en nos propres prières. Paul VI écrivait que les hommes peuvent être sauvés grâce à la miséricorde de Dieu, même si nous ne leur annonçons pas l'Évangile. Dieu peut accomplir le salut par des voies extraordinaires que lui seul connait[1].
Après sa rencontre avec Jésus, le centurion est devenu apôtre dans sa Galilée, parmi les siens. C’est le saut que produit en nous le Jésus priant pour nous. La foi de ce «non pratiquant» qui a engendré la foi des siens à croire en Jésus se retrouve aujourd’hui dans nos Galilée. Des «non-pratiquants» ouvrent des cœurs à l’évangile et pourtant nous ne voyons que des églises vides. L’Esprit souffle où il veut (cf. Jn 3, 8). Nous savons où est l’Église, dit le théologien orthodoxe Evdokimov, mais nous ne savons pas où elle n’est pas. N’est-il pas venu le temps de reconnaître que, quand nos églises se vident, les chercheurs de Dieu dans nos Galilée augmentent? AMEN.
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