2020-A-Mt 5, 17-19 - mercredi 10e semaine ordinaire- humain d'abord
Année A : mercredi de la 10e semaine ordinaire (litao10me.20)
Mt 5, 17-19 ; 1 R 18, 20-39 : l’humain d’abord.
Cette page de Matthieu pose la question de la légitimité de Jésus. Qui est ce Nazaréen ? D’où vient-il? Quelle est son origine ? De quelle école sort-il pour parler comme il le fait ? D’où tire-t-il son autorité, ce moi, je vous dis ?
Les évangélistes ne parlent pas de la vie intérieure de Jésus. D’ailleurs, Jésus lui-même n’en fait pas mention. Homme simple, Jésus ne s’attribue pas les titres de maître, de rabbi, de Messie, de fils de l’homme. Ce sont là des titres post mortem qui lui ont été attribués par ses disciples.
Les origines de Jésus ne lui donnent certainement pas de l’autorité. Il est un enfant illégitime, un manzer[1], un bâtard né hors mariage. Pour l’époque, une telle naissance en faisait un exclu. Ce qui trouble les scribes, des experts de la loi, repose sur le fait que Jésus n’agit pas comme un expert pointu de l’observance de la loi. Il privilégie le commandement de l’amour et abroge certaines prescriptions comme celle de la loi du talion. Personne avant lui ne s’est autorisé à une telle liberté, d’autant que Jésus ne justifie pas son interprétation par l’Écriture[2].
Jésus choque en déplaçant son regard des lieux de cultes vers des lieux de vie. Il tourne le dos à une attitude qui privilégie le culte plutôt que la personne. Jésus vit en état d’incarnation. Il incarne Dieu dans la vie de tous les jours comme il s’est incarné dans l’humain. L’important ce ne sont pas d’abord les prières, les cantiques et les incantations plus ou moins magiques, mais l'expression d'une parole «incarnée» qui fait sens.
Jésus n’est pas resté muet devant un culte désincarné qui enferme la vie et l’étouffe. Il n’a pas oublié que la loi s’occupe aussi des plus démunis de la société. Jésus a fait plus que porter attention aux démunis, il a partagé et vécu leur situation. Il est facile de soupçonner que Jésus n’aurait jamais dit restez chez vous, lavez-vous les mains fréquemment, garder une distance sociale à des gens de la rue. Dire cela n’a aucun sens. Comment se laver les mains fréquemment quand on vit dans la rue ? Comment éviter la promiscuité quand on est entassé dans un dortoir avec des lits à étages ? Les regards de nos dirigeants se portent vers les malades du Covid-19. Jésus voit les gens de la rue, les sans-logis, ceux pour qui sortir pour se nourrir des restes de nos poubelles est leur seule chance de survie.
Regarder les personnes avant de décrier le vide de nos églises est une urgence évangélique. Le commandement nouveau est celui d’avoir les deux pieds incarnés dans les drames qu’entraînent le coronavirus de tout genre et le cœur compatissant de Jésus. Avoir un cœur incarné et compatissant, cela s’est manifesté dans ces blouses blanches qui se donnent sans compter au risque d’être contaminées à leur tour, dans les équipes de soignants, dans la reprise du service par des retraités. Ces gestes forcent notre admiration. Ils sont l’amour en acte, des présences réelles de Dieu, des lois nouvelles en acte indispensables pour sauver des vies.
Jésus propose un regard différent et moins pointu que celui des scribes. Ouvre mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi (Ps 119, 18), de ton regard qui donne ou redonne vie. Si le virus du Covid-19 a fait mourir des milliers de personnes, Jésus a perçu qu’un regard plus légaliste qu’humain en fait mourir beaucoup plus encore. Voilà la loi nouvelle, c’est l’humain d’abord. C’est le chemin qu’a pris Jésus.
Vincent de Paul a écrit une belle lettre à des religieuses de la charité. Si un dimanche vous devez aller à la messe et qu’on vous appelle pour aider un malade d’urgence, alors allez servir le malade et laissez la messe. Laissez Dieu pour Dieu. Quittez Dieu, la messe, pour Dieu, servir. Ne comprenons pas qu’il est plus important de prendre soin d’un malade que d’aller à la messe. Vincent de Paul veut seulement faire ressortir que Dieu se rencontre partout, que Dieu se touche même dans la rue.
À votre contemplation : nous sommes faits pour construire un monde où chacun existe pour l’autre. Il est urgent de redonner à l’humain ses titres de noblesse. AMEN.
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