2020-A-Lc 5, 27-32 - samedi des Cendres- vers qui se tourner?
Année A : samedi après les Cendres (litac00s.20)
Lc 5, 27-32 ; Is 58, 9b-14 : vers qui se tourner ?
Le carême n’est pas un temps pour réfléchir au souviens-toi que tu es cendres. Il nous appelle à convertir nos regards, nos attitudes, nos façons personnelles et collectives de nous percevoir face à Dieu et de nous situer face au monde. Se convertir ne doit pas résonner comme une connotation morale, un changement de religion. Se convertir est un appel à changer notre mode de relation avec Dieu. C’est un retournement vers le Père. Viens vers le Père. Et le projet du Père est d’être tout en tous (1 Co 15, 28).
Un projet de retournement nous est proposé. Un retournement vers le Père qui prend son origine dans notre baptême. C'est aussi un retournement de notre regard sur notre société. Il faut voir notre société avec les yeux du Père. Tout un revirement.
Ce n’est pas un temps de petites réformes personnelles. Nous pensons souvent le carême comme le moment pour remédier à nos carences personnelles. Le carême est pensé comme un changement ou amélioration de comportements souvent perçu comme une transformation morale. Mais c’est nous éloigner du sens profond du carême.
Le carême appelle plus qu’une conversion morale. Il implique une conversion de foi. La conversion morale risque de rester lettre morte, comme peut l'être une résolution du Nouvel An. Une conversion de foi, une conversion collective et ecclésiale qui nous appelle à entrer en profonde communion avec Dieu, ce Dieu épris de compassion pour l’humanité. Toute conversion de foi ouvre sur Dieu qui a beaucoup d’égards à notre endroit. Collectivement, ce temps nous pousse à nous faire proches des crucifiés de notre monde. Il y a quelque chose de plus puissant que la loi du carême, c’est nous-mêmes. La grande lutte de l’essentiel commence; non pas de choisir Dieu ou le monde, mais de choisir de porter sur notre entourage le regard contemplatif de Jésus.
Aujourd’hui, nous avons besoin non pas seulement d’introduire de petites réformes personnelles, mais d’une conversion à un niveau plus profond, celui d’un cœur nouveau tourné vers les autres. Le carême est un retournement de foi vers Dieu; Dieu vit «retourné» vers l’humanité, son lieu de résidence permanente. Ce n’est pas généralement le sens qu’on lui en donne. Impossible de dissocier retournement de foi vers Dieu et retournement vers notre voisin. C’est en les côtoyant que nous rencontrons le Christ.
L’appel du carême, comme le signifie Isaïe, est plus qu’une sorte d’activité d’assistance sociale. Son appel appartient à la nature même de la foi à laquelle personne ne peut renoncer (cf. Benoît XVI, Deus caritas est, no 17). Le carême nous fait passer des discours sur l’amour à une parole d’amour engagée, agissante, capable de transfigurer des vies. Voilà la conversion à faire.
Notre regard sur la société est-il à convertir ? La regardons-nous avec mépris ? Savons-nous entrer en dialogue de foi avec les gens qui nous entourent ? Sommes-nous soucieux de cultiver une saine familiarité avec ce monde déchiré, qui nous déchire par l’intérieur ? Savons-nous le regarder avec des yeux de foi et non d’un regard hostile ? Cette terre déchirée, endommagée est le lieu privilégié de notre rencontre avec Dieu. De notre véritable conversion de foi. C’est au milieu d’une mer agitée que les disciples saisirent vraiment qui est Jésus (cf. Mc 6, 45-52), celui qui a marché sur les mers agitées de son temps.
Lors d’une audience en novembre dernier, le pape François faisait remarquer comment Paul s’est comporté à Athènes. Plutôt que d’entrer en vive opposition avec ce milieu païen qui a de grandes ressemblances avec notre société actuelle, Paul lui a parlé de l’inconnu connu, pour utiliser une expression du pape Benoît au collège des Bernardins en 2008. En observant la place que ce peuple réservait au Dieu inconnu, il ajoute : ce que vous vénérez sans le connaître, voilà ce que moi, je viens vous annoncer (cf. Ac 17, 23). Son regard contemplatif[1] lui fit voir autre chose que leur idolâtrie. Et notre regard ouvre-t-il une voie à l’évangile ?
Ce n’est pas en agressant, en condamnant qu’on entre en conversation avec l’autre. C’est en se faisant constructeur de ponts. Aller dans le monde entier (cf. Mc 16,15) semer une graine nommée Jésus. Que notre carême soit un temps pour contempler le mystère du crucifié qui se poursuit aujourd’hui. AMEN.
Accueil : Et beaucoup disent : “Non, moi je changerai de vie”, et pense que changer de vie, c’est se maquiller. Changer de vie, c’est changer les fondations de sa vie, c’est-à-dire l’appuyer sur le roc, qui est Jésus.
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