IMPRENABLE ÉVANGILE-VIVRE ENSEMBLE ou le pacte fraternel
IMPRENABLE ÉVANGILE
CAUSERIE : VIVRE ENSEMBLE ou le pacte fraternel
Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté,
bienveillance, douceur, maîtrise de soi (Gal 5, 23-23).
INTRODUCTION
Si le baptême nous ordonne au service de la Résurrection du monde (Mgr Romero), vivre ensem-ble est une ordination au service de la charité et au service de la rédemption de nos conflits. La communauté est une véritable école, un atelier de pratique de la beauté de Dieu. Dans l’exhortation apostolique Vita Consecrata, Jean-Paul II rappelle, en s’appuyant sur la contempla-tion du mystère de la Transfiguration, que pour les personnes consacrées tout commence en compagnie du Christ qui nous séduit par sa beauté: celui qui a reçu la grâce de cette communion se sent comme saisi par son éclat : il est le plus beau des enfants des hommes (n° 15).
Que nous sommes lents à comprendre le souhait pascal du Christ : je vous donne ma paix ! Aucun mot, dit saint Augustin, ne résonne plus agréablement à nos oreilles que celui-là. Ce souhait pascal est révolutionnaire parce que Jésus insinue que désormais la forme de vie, l’unité entre le Père, Lui et l’Esprit, est maintenant notre forme de vie. Très fort ! La paix soit avec vous. Les discordes, l’égoïsme, les rivalités, les oppositions fratricides, tout cela est vaincu, une fois pour toutes. Le Christ n’est pas seulement ressuscité; sa présence ouvre à une vraie vie trinitaire, fraternelle.
La vie consacrée a certainement le mérite d’avoir contribué à maintenir dans l’Église l’exigence de la fraternité comme confession de la Trinité. En participant à la communion fraternelle [….], elle a montré que la participation à la communion trinitaire peut changer les rapports humains et créer un nouveau type de solidarité. […] En effet, les personnes consacrées vivent pour Dieu et de Dieu, et c’est pourquoi elles peuvent confesser la puissance de l’action réconciliatrice de la grâce, qui anéantit les forces de division présentes dans le cœur et dans les rapports sociaux (Vita Consecrata, no° 41).
Beauté d’être fraternel
Si nul baptisé ne peut vivre sa relation au Christ sans entrer en communion avec les autres, cela est plus évident pour la vie religieuse. Vous menez une vie consacrée en communauté de vie; cela illustre un peu la beauté du mystère de Dieu, la Bonne Nouvelle. Prier, fraterniser, s’engager dans un projet ensemble, c’est beau. C’est grand. Cela dégage le parfum de l’Évangile, celui de la pre-mière communauté.
En ouvrant son récit de l’histoire des premiers chrétiens, Luc affirme que tous les croyants ensem-ble mettaient tout en commun (Ac 2, 44). Tout mettre en commun est beau; mais cela ne se réduit pas aux choses matérielles. Ils étaient ensemble assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (Ac 2, 42). Les premiers chrétiens partageaient en commun leur foi dans la Résurrection. La multitude des croyants n’avait qu’un seul cœur et qu’une âme (Ac 4, 32). Vivre le ciel sur la terre n’est plus un idéal impossible. Je le disais tantôt, pour Jean-Paul II, cette beauté attire les nouveaux arrivants.
Mais ce chemin, si beau soit-il, est un risque. La mise en commun de nos avoirs et de nos êtres, le passage du « je » au « nous », de mon « je » qui s’enfonce dans la réalité non idéalisée mais incar-née du « nous », n’échappe pas au danger de turbulences profondes. La vie consacrée vécue en communauté de vie, en état d’alliance, d’union des cœurs, n’empêche pas les frictions de toute vie ensemble. Elle n’échappe pas au danger de l’acédie, des accommodements raisonnables, mi-nimaux, voire médiocres. Avec les années, cette beauté dont parle Jean-Paul II devient moins allé-chante quand les tensions, les blessures prennent le dessus sur les bénédictions que nous sommes les uns pour les autres.
Quand cela survient, il faut vivre ces tensions en nous redisant ces mots d’Isaïe : si vous ne tenez à moi, vous ne tiendrez pas (Is 7, 9). Il faut les vivre à la lumière de la Parole de Dieu. Voyez qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensembles (Ps 133, 1). Mais cette Parole de Dieu nous dit aussi: même le confident sur qui je faisais fond et qui mangeait mon pain se hausse à mes dépens (Ps 41, 10). Il faut vivre ces tensions à la manière de Jésus qui a rencontré l’hostilité de sa communauté et a été crucifié par elle. Ce modèle perdure. Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas accueilli (Jn 1, 11). Il a dû affronter l’hostilité de sa famille qui l’a pris pour un fou. Sa fa-mille a tout tenté pour lui faire changer d’idée (Mc 3, 21). Jean va jusqu’à faire dire à Jésus : de la gloire, je n’en reçois pas qui vient des hommes […] comment pouvez-vous croire vous qui recevez votre gloire les uns des autres et ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ? (Jn 5, 41.44)
Beauté de mon « je » réel
Nous avons été créés pour vivre en communion. Nous sommes des êtres de communion. La beau-té d’être un « je» qui s’ouvre sur un « nous » et du « nous » qui renvoie au « je », sans que ce der-nier redevienne indifférent au « nous », cette beauté d’être fraternel est une bénédiction de Dieu. Avant de quitter ce monde, écrit saint Luc, il les bénit.
Cette beauté repose sur une autre beauté, celle d’accepter notre « je » réel, qui est fait de blessu-res et de grandeurs. La vie est ce brassage permanent où l’un et le multiple, le « je » et le « nous », le singulier et le pluriel, le privé et le public parfaitement respectés, cultivés, s’expriment en har-monie avec ce que nous sommes : nés pour être communion, communauté de personnes. Sans le « nous », il n’y aurait aucun « je » qui puisse demeurer en vie. Le « moi » fermé est mortel, non pas haïssable, mais pitoyable. Et ce pitoyable est présent dans notre monde, peut-être en nous, à des degrés divers.
Le Christ est descendu aux enfers, affirme notre Credo. Il est descendu rejoindre nos blessures les plus profondes pour y faire entendre une Parole qui nous sauve. Il est venu évangéliser nos pro-fondeurs , nous faire oser une vie nouvelle , ouvrir les chemins de nos Pâques . Nous sommes humains. Depuis nos origines, cette capacité d’aimer jusqu’à devenir communion est blessée. Nous avons besoin de réapprendre le chemin vers l'autre. La vie communautaire peut devenir une épreuve qui est la blessure de nos origines, de nos peurs et de nos limites. La communauté devient alors un don, un lieu que Dieu a choisi pour nous guérir et nous faire découvrir le mystère le plus intime et le plus profond, le mystère de la Trinité que nous portons en nous. Ce mystère n'est pas un mystère de fermeture, mais d’ouverture à l’autre.
Même si nos antécédents familiaux ne portent pas la marque sociologique de « dérangés », nous sommes marqués, « dérangés » par le mystère de nos origines. Nous avons tous des blessures. Il faut en prendre acte pour progresser, pour ne pas passer notre vie en contact avec ces blessures. Nous avons besoin de les guérir, de nous réconcilier avec ce passé qui nous dérange. Nous avons besoin de retrouver cette belle image de la beauté de Dieu au-dedans de nous. À l’origine, nous étions de la beauté et de la ressemblance de Dieu. Il est beau de retrouver en soi cette belle ima-ge. Nous sommes aimables, parce que Dieu nous a aimés le premier (saint Augustin). Nous existons parce que, malgré nos ombres, l’image de Dieu qui nous habite transparaît dans nos fragilités. Quand nous la rendons visible, nous accomplissons le miracle d’être beauté sans pour autant beaucoup parler.
Mais l’harmonie entre nous n’est plus spontanément présente dans nos psychés. En nous existe un Caïn toujours prêt à tuer Abel. En nous, existe aussi un Abel qui nous fait chanter que nous sommes aimables parce que Dieu nous a aimés le premier (saint Augustin). N’est-il pas écrit que même si nos péchés sont écarlates, ils deviendront blancs comme neige (Is 1, 18)?
En remontant des enfers où il a fait entendre sa voix, pour s’asseoir à la droite du Père, Jésus cla-me que tout est changé. Tout est neuf même si extérieurement tout est comme avant. Tout est changé à un niveau plus profond que celui que nous avons l’habitude de voir. Le germe d’une nouvelle fraternité est implanté en nous, celui d’une vie à l’image trinitaire. Nous sommes habillés d’un nouvel espoir : vivre ensemble tous en frères.
Le souhait pascal du Christ nous fait devenir autre parce que coule en nous du sang neuf. Celui d’Abel. Celui du Ressuscité. Nous sommes plus que revêtus du Christ, son sang nous fait vivre. Si vivre ensemble en ressuscités n’a pas le dernier mot, nos vies n’ont plus de sens. Aucune beauté n’est plus belle (pardonnez-moi cette tautologie), plus tangible que celle de vivre d’une seule âme et d’un même esprit (Gal 4, 4). Jésus nous appelle ses amis pour que nous soyons amis les uns avec les autres. À quoi nous servirait-il d’être amis de Dieu, si nous vivons en ennemi entre nous? À quoi nous servirait-il de savourer la prière du Christ, qu’ils soient un comme nous sommes un, que leur unité soit parfaite (Jn 17), si, sur le terrain de nos incarnations, nous sommes en état de fric-tions éternelles.
Cette beauté restaurée par le Christ remontant des enfers, nous la portons dans des vases d’argiles d’où la nécessité de cette kénose, de cette capacité de nous décharger de nos blessures, celles qui nous collent à la peau depuis nos origines et que la vie ensemble fait facilement ressor-tir. D’où la nécessité de laisser l’Esprit de Dieu nous conduire. La communauté, vous le savez plus que moi, est un lieu de violence.
Beauté du « nous »
Qu’il est beau de vivre ensemble tous en frères. Avec les années, citant Jean-Paul Sartre, L’enfer, c’est les autres. N’est-ce pas ce que nous pensons plus ou moins consciemment ? Heureusement qu’il y a saint Bernard et son fameux cri (et nous sommes portés à l’ignorer quand la tempête sur-vient): le ciel, c’est l’autre. Le philosophe Gabriel Marcel offre une belle et profonde formulation : j’espère en toi pour nous. Ces expressions disent que la vie ensemble peut devenir rédemptrice de nos blessures comme elle peut devenir « infernale » quand les tensions de ce mariage entre ce que je suis et qu’est la communion des personnes sont bloquées par des blessures profondes non évangélisées.
La communauté peut nous aider à mieux vivre nos blessures. Elle peut nous accompagner pour nous sortir de nos enfers, d’une vie d’enfer entre nous. Elle peut nous y enfoncer aussi. En prônant la « rédemption » des conflits, une communauté fraternelle les transforme en un bienheureux conflit qui […] vaut entre nous un tel dépassement. La lettre aux Hébreux dit que sans effusion du sang, il n’y a point de rédemption (He 9, 22). Sans tension, il n’y a point de communauté. La paix dont je parlais précédemment serait imparfaite si elle n’explosait pas en joie de vivre ensemble. En baiser de paix. En baiser de rédemption. Voyez comme ils s’aiment.
Beauté du « je » et du « nous», vécus en forme de kénose
Il faut beaucoup de maturités psychologique et spirituelle pour réussir la fraternité. Pour nous offrir ce baiser de paix d’une manière authentique, pour nous éviter des baisers de paix qui sont pur conformisme, il faut avoir assumé et surmonté les blessures dont je parlais tantôt. Il faut avoir été atteint, transformé par la kénose. Être bien avec nous-mêmes pour l’être avec les autres. Sans cette kénose, il est peu probable que nous fassions de la place pour l’autre. Les gens qui portent des blessures non assumées centrent tout sur leur personne. Ils se sentent vite offensés. La kénose ne les a pas encore atteints. Or la kénose, cette recherche du vide de nos origines, est le fon-dement avec la prière et de la réussite d’une vie ensemble. Se vider de nos jugements, de l’esprit de compétition, de comparaison pour devenir vraiment libres.
Sans cette kénose (kénose personnelle, mais aussi de toute la communauté), sans cette guérison de nos mémoires blessées, nous risquons de tomber dans l’activisme. De développer des façons inauthentiques de vivre entre nous telles que le conformisme, le refus de s’engager. À regarder de près, nos mémoires retiennent les choses de moindres importances, des paroles à première vue anodines, mais qui captent toute l’attention. Au lieu de bâtir la paix, le Caïn en nous fait surface et cherche à tuer Abel.
Sans cette kénose, cette guérison de nos mémoires grâce au maître intérieur qu’est l’Esprit de Dieu en nous, deux dangers (dangers à la fois individuel et collectif) sont souvent notés par les psychologues : celui de tout faire pour devenir le centre de l’univers en développant une grande compétition malsaine ou en développant la peur de se voir comparé aux autres et celui d’éliminer le « je » dans un « nous » sans « je ». Le Christ s’est dépouillé, abaissé, ce fut sa véritable grandeur. C’est quand nous refusons ce chemin que naissent les conflits. Nous nous rendons malheureux et rendons les autres malheureux chaque fois que nous acceptons la tentation d’avoir de l’ascendant sur un autre, du pouvoir. Cette kénose n’a pas pour finalité notre sainteté. Elle est simplement le fondement irremplaçable de toute vie communautaire.
Sans cette kénose, qui est possible en accueillant l’Esprit de Dieu, les difficultés d’entrer en rela-tion avec l’autre ne sont que la pointe révélatrice d’une crise plus profonde. Si avec Dieu, ça va bien et que ça va mal avec les autres, il y a un problème. Sans cette kénose, nous oublions que le ministre général de la réussite d’une fraternité est l’Esprit-Saint (P. Giocomo Bini, o.f.m.).
La fraternité idéale n’existe pas. Il faut la porter ensemble. On rapporte qu’en Afrique, les enfants plus âgés portent sur leur dos un frère ou sœur plus jeune. C’est quelque chose de normal. Un jour, un touriste demanda à l’un de ces enfants : tu n’es pas fatigué de porter ce poids ? Et la ré-ponse qu’en donna l’enfant rend muet : ce n’est pas un poids, c’est mon petit frère. Même le poids de vivre ensemble peut devenir léger quand je reconnais que je porte mon frère, ma sœur.
Beauté d’une relation vraie avec Dieu, les autres
Cette kénose est possible; elle est beauté de l’alliance entre moi et l’autre, entre ce que je suis et ce qu’est ma communauté dans sa réalité incarnée; elle a pour fondation notre relation avec Dieu. La qualité, la profondeur, l’authenticité de notre relation à Dieu rendent beau notre ensem-ble jusqu’à nous faire chanter les merveilles de Dieu. Si ça ne fonctionne pas entre nous, il ne faut pas en chercher la cause dans la vie fraternelle elle-même, mais dans la qualité de notre vie de prière. La crise peut devenir une grâce qui nous pousse à questionner notre relation avec Dieu. Une grâce qui nous réveille et nous sort d’une longue anesthésie.
C’est notre présence avec Dieu et sa présence en nous qui donnent du tonus à notre vie ensemble. Si nous sommes maison de Dieu, demeure de Dieu c’est parce que nous sommes transformés en lui. La qualité de notre union à Dieu nous fait regarder nos compagnes à la manière dont Dieu les voit. La mauvaise qualité de nos relations trahit la pauvreté de notre intimité avec Dieu.
Il est facile de se réfugier dans la prière quand nous avons du mal à vivre ensemble. Une telle atti-tude est un détournement qui ne fait qu’accroître les problèmes. Avant d’aller à l’eucharistie comme avant d’entrer en prière, il faut se réconcilier. Le danger de nous créer une spiritualité dé-sincarnée existe. Nous pouvons nous fabriquer, nous aussi, des idoles. L’union authentique à Dieu permet d’affirmer que la communauté sera toujours un lieu où se construit l’Esprit de Dieu qui est famille.
La beauté de laisser venir à soi
Cette beauté s’exprime par l’accueil de l’autre en lui rendant service et en se souciant de sa santé. Nous pourrions citer de nombreux exemples de services rendus, de propositions pour remplacer quelqu’un, d’effort pour ne pas mettre de l’huile sur le feu, etc.
S’il est spontané en vivant ensemble de nous rendre service (c’est déjà très beau), il y a une autre beauté, plus difficile et tout aussi importante, c’est celle de nous laisser déstabiliser par l’autre. Quand nous offrons d’aider, nous gardons encore le contrôle sur l’autre, quand nous acceptons de recevoir, nous n’avons plus aucun pouvoir. Nous devenons désarmés. Il est plus facile de donner que de laisser venir à soi. Si servir est normal, laisser venir à soi rend plus vulnérable. Donner est plus facile que de recevoir. Jésus nous a reçus jusqu’à se livrer entre nos mains. Jésus a eu la générosité de nous recevoir dans sa vie. Une telle générosité fait que nous ne nous appartenons plus, que nous nous en remettons à un autre. Saint Paul disait ceci: soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse (Ep 4, 50).
Soyez pleins de générosité
Offrir cette générosité et non pas la donner, la recevoir de l’autre, c’est nous livrer entre les mains d’un autre. C’est ne plus avoir l’initiative. La plus grande difficulté, c’est accepter d’être émondé par l’autre, d’être taillé, amputé de quelque chose, même si c’est une branche sans fruits. C’est la condition comme l’exprime Jésus, pour vivre. Ne contraignez pas l’Esprit, cherchez à imiter Dieu, Paul invitant les Éphésiens (5, 1).
Le Cardinal Ratzinger écrivait : revenons aux paroles du Christ qui nous dit : c’est quand tu crois que tu dois être ton seul maître et te défendre toi-même que tu te perds. Car tu n’es pas construit comme une île, tu n’es pas un moi qui repose sur lui-même, mais tu es construit pour l’amour et donc pour […] être émondé de toi-même. C’est seulement si tu te donnes, si tu te perds, comme le Christ le dit, que tu pourras vivre.
Soyez pleins de tendresse
Paul ajoute dans le très beau texte aux Éphésiens : soyez pleins de tendresse. Il est préférable de recevoir la tendresse de l’autre plutôt que de l’offrir à l’autre. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande (Jn 15,14), nous dit Jésus. Si nous ne pouvons pas répondre à ce que l’autre nous demande, nous pouvons au moins recevoir son regard de tendresse, son sourire et lui re-tourner la même chose.
Fuir la colère
Faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes, ainsi que toute espèce de méchanceté (Ep 4, 50). Psychologiquement, la colère émerge de nos insécurités profondes, de nos blessures qui sont alors touchées au vif. Toute réaction de colè-re vient d’un manque de reconnaissance de l’autre, de son existence. Cette spontanéité réaction-nelle est un appel à faire naître entre nous un état de confiance. Recevoir, c’est faire confiance.
CONCLUSION
Le Père Moingt écrit : la grande révolution religieuse accomplie par Jésus, c’est d’avoir ouvert aux hommes une autre voie d’accès à Dieu que celle du sacré, la voie profane de la relation au prochain, la relation éthique vécue comme service d’autrui et poussée jusqu’au sacrifice de soi. Il est devenu Sauveur universel pour avoir ouvert cette voie, accessible à tout homme.
Quelle belle manière pour dire la beauté d’une vie ensemble. Le sage Qohélet (4,7) écri-vait : malheur à celui qui est seul, car s’il vient à tomber, il n’a personne pour le relever. La pré-sence de l’autre et notre présence à l’autre sont un bienfait, une grâce si nous apprenons ensem-ble à habiter tous en frères (Ps 132), à vivre sur terre le paradis.
Le document apostolique Vita Consecrata a raison de nous inviter à dépasser le niveau moral pour nous situer sur le plan théologal. Dans la vie de communauté, on doit pouvoir en quelque sorte saisir que la communion fraternelle, avant d'être un moyen pour une mission déterminée, est un lieu théologal où l'on peut faire l'expérience de la présence mystique du Seigneur ressuscité (cf. Mt 18, 20). Cela se réalise grâce à l'amour mutuel de ceux qui composent la communauté, amour nourri par la Parole et par l'Eucharistie, purifié par le Sacrement de la Réconciliation, soutenu par la prière pour l'unité, don de l'Esprit à ceux qui se mettent à l'écoute obéissante de l'Évangile. C'est précisément Lui, l'Esprit, qui introduit l'âme dans la communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ (cf. 1 Jn 1,3), communion qui est source de la vie fraternelle (no 42).
QUELQUES RÉFÉRENCES UTILES sur la vie en COMMUNAUTÉ
Bacs, Philippe & Dumas, Odile, Un regard d’évangile, in Lumen vitae, 2006, pp. 138-151
Bini, P.: La contemplation comme formation à la relation (conférence donnée en 1999 à des claris-ses réunies en Confédération), in LE LIEN, no 169, 2007
Gilbert, Dom Hugh: Cherche la paix et poursuis-la, in LE LIEN, no 169, 2007
Le Bourgeois, Sr Marie-Amélie, L’autorité au service de la personne et de la communauté, in LE LIEN, no 169, 2007
Veilleux, Dom Armand, L’hymne christologique de Philippiens 2, 6-11 et la vie communautaire http://users.skynet.be/bs775533/Armand/chap_2007/070401-philippiens2.htm
Dom Victor, abbé de Tamie, accueillir l’autre dans ma vie
http://www.abbaye-tamie.com/la_communaute/les_enseignements/accueillir-l...
TEXTE POUR VOTRE RÉFLEXION
Frères, vous avez reçu la marque du Saint-Esprit de Dieu, ne le contristez pas. Faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ : il nous a aimés et s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire. (Ep 4, 30 - 5, 2)
QUESTIONS :
Comment vous y prenez-vous pour être pleins de tendresse ?
Comment vivez-vous l’accueil de l’autre et l’émondage qu’il vous fait vivre ?
Pour vous, votre communauté actuelle, non pas idéalisée, mais dans sa « réalité », est-elle un « si-gne sensible » qui vous dit la présence de Dieu à vos côtés ?