LE PARI DE LA FRATERNITÉ
RETRAITE : DIEU A DU TEMPS POUR LES INSIGNIFIANTS
CAUSERIE: LE PARI DE LA FRATERNITÉ
EN GUISE D’INTRODUCTION : ONTOLOGIQUEMENT FRATERNEL
On rapporte, dans l’histoire, que revenant en Espagne après la découverte de l’Amérique, de jeunes dominicains interrogèrent l’un des plus grands théologiens de l’époque, Francisco de Victoria pour lui demander : pourquoi ne pouvons-nous pas faire des miracles, comme les Apôtres ? Si nous en faisions, les Indiens nous écouteraient, ils croiraient en l’Évangile, et tout serait plus simple. Alors pourquoi Dieu ne nous donne-t-il pas ce pouvoir ? Victoria répondit simplement : vivez la vie commune, vivez ensemble sans vous diviser, et ce sera un véritable miracle, qui convertira les Indiens.
La fraternité, voilà le premier fruit de la Pâque du Christ; Jésus par sa mort et sa résurrection a vaincu ce qui séparait l’homme de Dieu, l’homme de lui-même, l’homme de ses frères. Il a rétabli la paix, l’harmonie et a tissé pour l’humanité la toile d’une nouvelle fraternité, déclarait le pape François dans sa salutation du lundi pascal 2018. Sans la fraternité, aucune bonne entente, aucun dialogue entre les différentes cultures et religions, aucune recherche de compréhension mutuelle n’est possible. La fraternité est le style de vie des chrétiens, le style de vie des non-chrétiens, la base de toutes nos relations.
Jésus ne paraît pas très préoccupé par le culte et les usages religieux. Ce qui le préoccupe, c’est la restauration de bonne relation entre humains de toute catégorie. Il vise la restauration d’un corps social mutilé par l’exclusion. Cette restauration porte dans l’évangile le nom de royaume de Dieu ou de royaume des cieux. Le mot revient trente-sept fois chez Luc en incluant les Actes, quatorze fois chez Marc et trente-six fois chez Matthieu.
Le royaume dont parle l’évangile, c’est le partage du chez-soi, l’art d’habiter ensemble. Un inconnu sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers au pays d’Égypte (Lv 19, 34).
Dans un entretien passionnant avec le sociologue Dominique Wolton[1], le pape François observe que c’est la rencontre de l’autre, et d’abord du plus exclu qui constitue le cœur de l’évangile. Le vivre ensemble est un cheminement commun, un aller ensemble[2]. Notre histoire en est une de migrants. Nous sommes tous depuis Abraham […] des êtres en chemin […]. Quand un homme ou une femme n’est pas en chemin de fraternité, c’est une momie. C’est une pièce de musée. La personne n’est pas vivante. Il ne faut pas seulement être en chemin, mais faire chemin[3].
La véritable fraternité se vit dans cette attitude d’ouverture aux autres. Elle cherche à s’enrichir des différences, avec la volonté de les comprendre pour mieux les respecter, car le bien de chacun réside dans le bien de tous. Respecter l’autre, c’est lui donner le droit d’être écouté. C’est aussi être prêt à l’entendre. Au moins un peu.
Non seulement un fruit de Pâques, la fraternité est tellement importante et incontournable que l’article premier de la Déclaration universelle des droits de la personne affirme que tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de conscience et de raison et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Tellement prioritaire que la loi de Moïse décrète : tu ne haïras pas ton frère […], tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19, 17-18).
Au centre de tout, le développement humain passe par la dignité et la reconnaissance de l’autre. La fraternité nous ramène à l’essence même de notre humanité, à l’évidence première que nous ne sommes rien les uns sans les autres. C’est la seule alternative aux dérives des abus de pouvoir sur l’autre, déclarait le père Bruno-Marie Duffé, secrétaire du nouveau dicastère romain sur le développement humain en juillet 2018.
MAIS QU’EST-CE QUE LA FRATERNITÉ ?
Aujourd’hui, les psychologues parlent beaucoup d’empathie, d’altruisme, mais non de fraternité. La fraternité est un mot «réservé» aux sociologues qui à toutes les époques, ont analysé des modèles de relation entre nous. C’est le parent pauvre de la trilogie-devise française : égalité, liberté, fraternité.
Notre existence ne peut pas constamment se dérouler sous le signe de l’écrasement de l’autre. Le rejet des autres rend impossible la vie en société et engendre une insécurité fondamentale. Le déni de la fraternité conduit à des actes de violences inouïes. Le psalmiste chante la beauté du lien fraternel: voyez qu’il est bon et doux d’habiter en frères tous ensemble! (Ps 132, 1). Par choix, vous avez accepté de vivre en communauté cénobitique et non en ermite.
Mais qu’est-ce que la fraternité ? La fraternité n’est ni un acte d’amour ni un acte de solidarité. Ce n’est nullement un «hobby» laissé à la discrétion d’un chacun. C’est une injonction-citoyen. C’est un commandement-évangile. Nous sommes consubstantiellement frères de sang et frères planétaires, universels, pour citer Charles de Foucauld. Jacques Attali a donné cette belle définition: la fraternité, c’est se réjouir de la réussite de l’autre qu’il soit notre frère de sang ou universel.
Devant les catastrophes naturelles, la fraternité s’exprime par des gestes de solidarité. Nous observons moins qu’elles entrainent chez d’autres un repliement autoprotectionniste, un renfermement sur soi.
Pour bien se comprendre, il y a deux sortes de fraternité[4]. La fraternité de sang non choisie qui nous identifie fils ou fille d’une même mère et d’un même père. Nous sommes tous frères ou sœurs de quelqu’un dont on se sent naturellement plus ou moins proche. L’autre est la fraternité biblique, évangélique, choisie. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. En l’an 190 av. J.-C., un poète, Terence, écrivait que rien de ce qui est humain ne nous est étranger. La fraternité de sang est inégale, verticale. Elle descend des parents vers les membres d’un clan ou tribu. La fraternité de foi ou humanitaire est égalitaire, horizontale où tous sont au même niveau.
Qu’elle soit de l’ordre de sang ou humanitaire, la fraternité n’est pas facile. Elle sera toujours une aventure fragile, indispensable et en état permanent d’une construction toujours inachevée. Il est plus facile de construire des murs que des ponts. Personne ne peut vivre sans fraternité.
Dès les premières pages de la bible, l'histoire de la fraternité s'ouvre par le récit dramatique d'un acte fratricide, geste qui ne s’explique que par la jalousie de Caïn et non par la qualité de l’offrande d’Abel par rapport au sien. Ce texte inaugural redit qu’être frère et sœur ne suffit pas pour construire la fraternité. Ainsi, depuis la nuit des temps, la rivalité et la jalousie démontrent que la fraternité n’est pas donnée d’emblée. Elle doit être apprise.
Caïn refuse toute relation à son frère et son geste oblige l’Éternel à lui poser cette question toujours actuelle: qu’as-tu fait de ton frère (Gn 4)? Sa réponse hante encore l’humanité : suis-je le gardien de mon frère (Gn 4, 9) ? L’Éternel doit le marquer au front pour lui permettre de vivre à nouveau : je serai un errant par toute la terre, le premier venu me tuera.
Songeons à l’histoire de la tour de Babel, histoire d’une fausse fraternité. Tout le monde se servait d'une même langue et des mêmes mots [...] (Gn 11, 4). Pourtant l'expérience échoue : ils ne s'entendent plus les uns les autres [. . .], et ils cessèrent de bâtir la ville (Gn 11, 5). La rivalité s’était installée dans les cœurs. Certains n’acceptaient pas d’être tous pareillement égaux.
Songeons au génocide du Rwanda. La pièce de théâtre de Milo Rau, Radio Haine, en donne un aperçu terrible. Il suffisait de dire que les Tutsis n’étaient pas des hommes et il devenait légitime de les tuer. La vraie question à nous poser est une question millénaire: qu'est-ce que l'homme ? Notre réponse peut devenir une occasion d’exclure une part de l’humanité : si on le définit par la raison, les handicapés mentaux sont exclus ; par la race, ce sont les juifs, les tziganes, les Tutsis, les migrants, etc.
Songeons à ce mouvement mondial dit «populisme». Ce mouvement est un véritable ghetto qui promeut la fermeture aux autres en prônant l’autoprotectionnisme. Nous vivons dans un monde d'hyperindividualisme, d’hyperprotectionnisme où tout se passe comme si le tombé sur le bord de la route n'existait que dans une parabole (Lc 25, 37). Que nous est-il arrivé pour en arriver vivre en véritable ghetto ?
Songeons à l’histoire de l’Église qui depuis ses origines vit des incompréhensions, des disputes, des divisions. Celle des Églises n’en est pas la moindre. Permets, dit la mère des fils de Zébédée, que mes fils soient à ta droite et à ta gauche dans ton royaume (cf. Mc 10, 35)
Dans la Joie de l’évangile (no 87), le pape François écrit : De nos jours, alors que les réseaux et les instruments de la communication humaine ont atteint un niveau de développement inédit, nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage […] Si nous pouvions suivre ce chemin, ce serait une très bonne chose, très régénératrice, très libératrice, très génératrice d’espérance ! Sortir de soi-même pour s’unir aux autres, cela fait du bien. S’enfermer sur soi-même signifie goûter au venin amer de l’immanence, et en tout choix égoïste que nous faisons, l’humanité aura le dessous.
La fraternité est une notion plus complexe qu’il n’y paraît et est un idéal difficile à atteindre. Aujourd’hui, nous préférons le mot solidarité, moins exigeant, parce qu’elle se manifeste en des moments de crise seulement. Quand il y a urgence d’agir. La fraternité, c’est beaucoup plus que des gestes sporadiques de solidarité. C’est plus qu’une parenté consanguine. Plus qu’une bonne entente intrafraternelle, familiale. Plus qu’une ONG, c'est plus qu’une association de bonnes œuvres.
Le déiste Voltaire écrivait : enfants d’un même Dieu, vivons du moins en frères. Cela reste à faire. Aujourd’hui, le philosophe musulman, Abdennour Bidar[5], dans Plaidoyer pour la fraternité, écrit après les attentats de Paris, insiste sur la nécessité d’établir la fraternité sur le dialogue. Nous en avons assez des prêchi-prêcha (p.61). Comment pouvons-nous prétendre vouloir vivre ensemble si nous n’essayons pas de trouver ensemble un sacré partageable (p. 62) ? Il faut réapprendre, dit-il, cette règle d’or de l’humanisme qui invite à lutter pour et non contre (p. 21). Ne fais pas à autrui tout le mal que tu ne voudrais pas qu’on te fasse, mais plutôt fais à autrui tout le bien que tu aimerais qu’on te fasse (p. 79). Au début de son livre, il lance tout un défi : spiritualisons nos vies par l’entrée en fraternité universelle (p. 12).
La fraternité est un «exit» un «décentrement» un sortir de soi-même pour s’unir aux autres. Et cela reste à apprendre. C’est un pari de confiance lucide sur l’autre et sur soi-même. Nous sommes tous frères de sang et universels. C’est en ce sens qu’il faut entendre l’affirmation de Jésus : qui est mon frère ? Ma mère ? Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis autour de lui, il dit : voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère (Mc 3,31-35). Or c’est bien ce regard-là qui pose problème : nous vivons en privilégiant la fraternité de sang. Jésus ne s’y oppose pas. Il élève nos regards sur une fraternité universelle, égalitaire et horizontale. L’autre, l’étranger, l’insignifiant est aussi de ma famille. Mais ce n’est pas évident.
LE PROJET JÉSUS : CRÉER, ENGENDRER UNE TERRE FRATERNELLE
La fraternité évangélique, l’appel à vivre dans un royaume bienfaisant, dans l’harmonie et le respect de nos diversités, de nos cultures n’est pas seulement un appel à inventer une manière sereine de vivre ensemble selon une éthique mondiale et universelle. C’est une invitation (qu’on peut refuser parce qu’on vient de prendre épouse, de s’acheter une terre) à entrer dans le mystère d’une fraternité universelle si chère à Charles de Foucauld.
Nous ne pouvons invoquer Dieu si nous refusons de nous conduire fraternellement en excluant des catégories de personne. Tous les hommes doivent vivre ensemble et servir la fraternité universelle. Chacun doit être reconnu pour ce qu’il est. Nul ne doit utiliser son semblable, l’exploiter …à ses fins personnelles (Jean-Paul II).
L’entrée en fraternité est une expérience brutale comme l’atteste l’entrée en fraternité de Jésus. Il a été rejeté par les siens, ceux de sa famille, de sa race. Il a goûté le prix d’une fraternité égoïste, d’une fraternité fermée, réservée à une catégorie de personnes et que saint Paul appelle le vieil homme (Ep 4, 22). Jésus nous interpelle sur les « petits » qui sont les siens et auxquels il s’identifie (Mt 25, 37) et que le même Paul appelle l’homme nouveau (Ep 4, 24). Il nous invite à agir comme le samaritain vis-à-vis du blessé de la route, en ajoutant : va, et toi aussi fais de même (Lc 10, 37) ? Le nom de chrétien ne souffre pas de demi-mesure.
La fraternité dépasse notre seule relation avec nos amis, les croyants de notre groupe communautaire. Le vieil homme, c’est nous quand nous résistons au vent chaud de l’Esprit qui nous fait sortir de notre petit clan. Il ne s’agit pas de rejeter cette fraternité de sang, mais de l’étendre. Nous sommes tous frères, tous des humains. Il faut apprendre à déposer les armes, à baisser les bras de la discorde, de la vengeance, à purifier cette violence qui habite chacun d’entre nous jusqu’à nous revêtir de l’homme nouveau. Personne n’a le droit d’être traité de racailles, de B.S. Tous, nous sommes humains avec nos fragilités. La fraternité appelle à ne jamais garder le petit peu (Jn 6, 1-15) pour soi-même, mais le partager.
FRATERNITÉ COMME RÉVÉLATION DE DIEU
La fraternité est l’autre mot du projet de Dieu. L’autre nom de Dieu. Il est venu incarner chez nous ce qu’il vit avec son Père et l’Esprit. Jésus se présente comme frère de l’humanité, de tous les humains. Quand nous contemplons comment Jésus s’est comporté au milieu des oppositions dont il fut assailli toute sa vie, nous comprenons qu’il est un miroir (Claire d’Assise) d’un projet qui est toujours à annoncer. Qui se dit frère de Jésus, se reconnaît frère universel. Pour vivre la fraternité, il faut avoir l’esprit de Jésus et agir en conséquence, écrit François d’Assise dans sa lettre à ses frères (10, 8). Jésus a donné sa vie pour que nous soyons tous frères. À comprendre : la fraternité conduit à une mort assurée de notre moi.
Il faut être assez humble pour reconnaître que nous, qui vivons en communauté, sommes au commencement de sa réalisation entre nous. Nous commençons à vivre en frères. Nous commençons à entrer en fraternité. Ne tenons pas pour acquis ce mot. Nous commençons à faire communauté chrétienne. Un beau mot qui cache mal nos discordances nombreuses.
L’Évangile de la fraternité est une utopie originale, presque incroyable. C’est un beau rêve que de créer entre nous des rapports égaux, des rapports qui deviennent le miracle qui convertit le monde. Cela passe par une libération de tout contrôler, une libération du pouvoir de l’argent, la disparition des «nous-moi», pour créer un nouveau «nous».
Comment savoir que nous vivons d’un esprit fraternel ? Quand ce n’est plus nous, quand nous nous oublions. Là où est l’amour, la bonté, là est la vraie fraternité.
Nous détruisons la fraternité
Quand nous recherchons la première place, les honneurs, le pouvoir plutôt que le service.
Quand nous privilégions nos petites idées, nos intérêts personnels avant ceux de la communauté.
Quand nous ne partageons pas ce que nous sommes durant nos rencontres communautaires.
Quand nous sommes incapables de reconnaître que nous avons blessé l’autre pour nous protéger.
En refusant de nous poser ces questions, nous faisons de la fraternité une utopie qui ne pourra jamais naître et encore moins survivre entre nous.
EN GUISE DE CONCLUSION
La fraternité est un sacrement de la présence de Dieu, c’est le signe qui décrit le mieux la nature même du Dieu des chrétiens. Ce qui caractérise le chrétien, le contemplatif, n’est pas la recherche de l’efficacité, d’une ingéniosité toujours plus étonnante, mais bien d’être un signe d’un Dieu fraternel. Ce n’est pas ce que vous faites qui attire tant de monde sur la montagne, c’est ce que vous êtes. Des montreurs de Dieu. Des incarnations de Dieu. Ici, vous vivez les rapports entre vous, même les plus profanes, comme des rapports avec Dieu.
Le pasteur protestant allemand Dietrich BONHOEFFER, emprisonné puis exécuté pour avoir fait de la résistance au régime nazi, écrit dans une lettre (no 190) : Je ne connais pas de sentiment qui rende plus heureux que celui de pouvoir être quelque chose pour d’autres êtres humains. Ce n’est pas le nombre de ces contacts qui importe, mais leur intensité. En fin de compte, les relations humaines sont tout de même ce qu’il y a de plus important dans la vie ; l’homme efficace d’aujourd’hui ne peut rien y changer, pas plus que les demi-dieux (= les nazis) ou les fous qui ignorent tout de ces relations. Dieu lui-même se sert de nous au travers des relations humaines.
En conclusion, ces mots d’un hymne liturgique de Vêpres : fais que je marche, Seigneur, aussi dur que sois le chemin. Je veux te suivre jusqu’à la croix; viens me prendre par la main. Fais que j’entende, Seigneur, tous mes frères qui crient vers toi. À leur souffrance et à leurs appels, que mon cœur ne soit pas sourd.
[1] Pape François, Rencontres avec Dominique Wolton, Politique et société, Éditions de l’Observatoire, 2017.
[2] Ibid., p. 33.
[3] Ibid., p. 26-27.
[4] Pour plus de détails, voir https://bulletintheologique.wordpress.com/2017/02/19/double-fraternite/
[5] Plaidoyer pour la fraternité, Albin Michel, 2015.