2017-A-Mc 12, 38-44 samedi 9e semaine ordinaire- donner notre surplus ou notre nécessaire
Année A: samedi de la 9e semaine ordinaire (litao09s.17)
Marc 12, 38-44 : donner notre surplus et notre nécessaire
Jésus ne fait pas la morale ce matin. Il offre une parabole de Pâques. De sa Pâque. Il se reconnait dans la veuve de l’évangile. Son geste est révélation de ce qui va lui arriver. En s'empressant de montrer ce geste passé inaperçu à ses disciples, il leur disait indirectement ce qui va lui arriver, après leur avoir fait un portrait impitoyable des scribes qui dévorent les biens des veuves. Jésus ne dénigre pas les scribes parce qu'ils ont mis de leur superflu dans le tronc. En bon pédagogue, en bon sociologue, il invite ses disciples à approfondir la beauté de ce geste, préfigurant sans le leur dire qu'il sera le sien.
Jésus voit dans la manière, pour la veuve, de donner tout ce qu'elle avait pour vivre, son propre itinéraire. Ce geste englobe tout le programme nouveau que Jésus s'efforce d'implanter. Avec ce don de ces deux piécettes, nous sommes au centre des folies de l'évangile. Folie, parce que ne pas tout donner, c'est ne jamais donner assez. Folie, parce que celui qui possède sans être généreux, est pauvre. Ce geste fou annonce un autre geste fou, celui du geste pascal de Jésus.
Au matin de Pâques, c'est à une femme que Jésus a confié d'aller annoncer qu'il est vivant. Au milieu de sa vie publique, c'est à travers le comportement d'une femme, une veuve méprisée par la culture de l'époque, qu'il présente son projet de société. Alors qu'il observe que les riches donnent beaucoup, mais réservent pour eux bien plus encore, Jésus se sert du geste de cette femme qui donne apparemment bien peu, mais qui ne garde rien pour elle, pour éveiller ses disciples au pourquoi de sa naissance parmi nous.
Par cette femme, on comprend que le projet de Jésus pour une autre manière de vivre que celle de donner un peu du superflu est possible. La logique du projet Jésus est que celui qui donne le plus, c'est celui qui a tout donné, même s'il a peu à donner. L’aviateur français Guynemer, héros de la Première Guerre mondiale, écrivait : quand on n’a pas tout donné, on n’a rien donné. Saint Paul en a une conscience tellement forte qu'il dit aux Corinthiens: vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ qui, pour vous, s'est fait pauvre de riche qu'il était afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis (2 Co 8, 9). Mais cela est aux antipodes de ce qui est recherché depuis que le monde est monde, comme l'exprime un proverbe persan: en ce monde, les hommes généreux manquent d'argent, et ceux qui ont de l'argent manquent de générosité.
L'auteur Michel Scouarnec l’exprime à sa façon : en réalité, la pauvre veuve c’est le Christ, personnage central du récit. Jésus [...] enseigne ses disciples à partir de ce qu’il voit et de ce qu’il vit. N’imitez ni les scribes prétentieux, ni les gens riches, mais plutôt cette pauvre veuve. Ne donnez pas seulement de votre savoir et de votre superflu, mais donnez tout, donnez votre vie. [...] Son geste préfigure ce que je vais faire. Je n’ai rien, ni argent, ni maison, et cependant, je vais tout donner de ma vie, de ma dignité. Vous aussi, faites cela en mémoire de moi !
Marc ne dit pas ce qui est advenu de cette veuve. A-t-elle manqué de pain ? Est-elle morte de faim ? Était-ce pour elle, le commencement de lâcher-prise sur ses inquiétudes de manquer de tout ou simplement une remise d'elle-même, une offrande de sa vie au service du temple ? Ces deux piécettes lui ont-elles valu une générosité extrême des gardiens du temple ? Mais une autre veuve, celle dont parle Élie, nous dessine ce qui lui est advenu : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra (1 R 17,14).
Et nous, qu'avons-nous à donner ? Nous aurons toujours à donner cette piécette de charité en portant attention aux moindres gestes d'une consœur et celle de l'espérance, la plus petite de toutes les piécettes, qu'on ne doit jamais garder pour soi. C'est en partageant qu'elle ne nous fera jamais défaut. AMEN.