2017-A-Jn 21, 20-25 - samedi 7e semaine de Pâques- face à face avec la dure réalité
Année A : samedi de la 7e semaine de Pâques (litap07s.17)
Jn 21, 20-25 : un face à face avec la dure réalité de l'humain
Cette finale, ajoutée à l'évangile de Jean, montre les divergences de vues, voire les rivalités qui persistaient dans l'équipe initiale de Jésus avant que l'Esprit ne les foudroie d'un élan divin et les sorte de leur fausse route. Jésus était accompagné sur la route par une équipe qui n'avait pas encore planté sa manière de vivre au coeur de leur vie.
En lisant la réaction des apôtres, j'entends cette réaction de gens qui n'ayant pas la promotion désirée en déduisent qu'on ne les aime pas. Ils ont l'impression d'être laissés pour compte. Cela engendre des discordes entre ceux qui se prenaient pour des amis. Souvent, on finit par se maudire, se haïr.
Sans aller jusqu'à se haïr: je retrouve cette même impression dans l'équipe initiale de Jésus. On semble croire que Jésus a une préférence pour Jean alors qu'il a choisi Pierre. En conférant la primauté à Pierre, Jésus n'a pas retiré son affection à Jean. Il a confié son Église à Pierre ; il a remis à Jean sa mère (Jn 19,27). Il a donné à Pierre les clés de son royaume (Mt 16,19) ; il a révélé à Jean les secrets de son cœur (Jn 13,25). Quand Jésus annonce qu'un de vous me livrera (Jn 13,21), Pierre demande à Jean de l'interroger pour savoir de qui il parle.
Ces élus de la première heure côtoient Jésus tout en conservant leur ancienne façon de faire. Ils marchent sur une route nouvelle en maintenant l'esprit de l'ancienne. Ils n'ont pas encore assumé leurs blessures personnelles. Ils doivent apprendre à aimer de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur force, de tout leur esprit (cf. Dt 6, 5). Ce quelque chose de neuf que leur offre Jésus est encore à naître en eux. Les actes des apôtres confirment cela en précisant comment l'arrivée de l'Esprit saint sur des païens soulève de vives discussions et oppositions (cf. Ac 15, 7-21).
Les disciples, par leur attitude devant la rumeur que Jean ne va pas connaitre la mort, dévoilent leur monde intérieur, leurs émotions profondes. En conclusion de l'évangile de Jean, ce texte, ajouté, confirme ce qui se produit quand l'Esprit de la Pentecôte n'a pas encore infiltré nos veines. Il leur aura fallu la venue de l’Esprit saint pour qu'ils comprennent toute la portée du changement radical qu'apporte Jésus de Nazareth.
Cette conclusion dégage aussi l'esprit nouveau que Jésus inaugure dans sa personne. Pour ne pas alimenter la division sur l'avenir réservé au disciple bien-aimé, Jésus n'entre pas dans leur jeu. Il ne les accuse même pas de vouloir la zizanie. S'il faut que Jésus réagisse à chaque fois qu'un de ses disciples dérive, il n'aurait pas eu de temps à promouvoir un comportement nouveau. Il aurait passé sa vie à défendre et à justifier son approche.
En refusant de les accuser de ne pas s'aimer entre eux, de rechercher la meilleure visibilité, Jésus a contribué, pour citer Simone Pacot récemment décédée, à l'évangélisation [de leurs] profondeurs. Il les sort de leur tombeau et brise cette fausse route, profondément enracinée en eux, qui veut tout centrer sur la logique de leur moi. Lentement, il a changé leur regard de jalousie, leur chemin mortifère, en émerveillement.
Cette finale de saint Jean doit attirer notre attention; en refusant de prendre position en faveur de l'un ou de l'autre de ses disciples, d'alimenter leur discorde, ce qui n'avance pas à grand-chose, sinon de nourrir leur agressivité, Jésus dessine un chemin de résolution des conflits. De miséricorde. Il rétablit un climat de bonne entente. Subtilement, l'évangile de Jean se termine sur un appel à rétablir des ponts plutôt qu'à construire des murs.
C'est tout cela que signifie: toi, suis-moi; ces mots s'adressent aussi à nous, à l'aube de ce temps ordinaire. Entrons dans l'esprit de cette finale de saint Jean, donnons à ce temps ordinaire de devenir extraordinairement évangélique. AMEN.