2017-A-Jn 14, 27-31a- mardi 5e semaine de Pâques- Jésus est à côté de la parole
Année A : mardi de la 5e semaine de Pâques
Jean 14, 27-31a : Jésus est à côté de la parole
Ma question est déroutante: qui s'en va, qui vient ? Sous ces questions jaillissent les images que nous avons de Dieu. Alors que Jésus dit : je m'en vais, et je reviens vers vous, l’évangéliste Jean, rapportant ces paroles de Jésus, nous invite à changer nos «idées» sur Dieu. Nos «images» sur Dieu. En effet, Maître Eckhart dit: l’homme ne doit pas se contenter d’un Dieu pensé, car lorsque la pensée disparaît, Dieu disparaît aussi.
Nul homme n’est digne de nommer celui qui s'en va et qui revient, chante François d'Assise, dans le Cantique du frère Soleil, tant il habite une lumière inaccessible (1 Tm 6, 16) et qu'il est au-dessus de tout nom (Ph 2, 9). Celui qui s'en va et qui revient, personne n'est en mesure de s'en faire une idée juste. Il n’est rien de tout ce qu’on peut concevoir. Il faut beaucoup de temps, de patience, de rumination, pour comprendre en profondeur un seul mot qu'a prononcé Jésus.
Il est, et comprenez-moi bien, à côté de la parole, tant les mots humains n'en décrivent pas son être profond. Nous ne pouvons balbutier Dieu qu’à partir du Fils qui est venu nous «expliquer» le Père. Montre-nous le Père, et cela nous suffit, dit Philippe (Jn 14, 8).
Dans l'évangile ce matin, Jésus nous annonce son départ pour nous confirmer qu'il ne part pas. Je m’en vais et je viens à vous, et non pas je reviens vers vous, comme l'exprime le lectionnaire ou encore je reviendrai vers vous. Je viens non pas dans un futur proche ou lointain, mais dans un présent. Il part, mais maintient sa relation avec nous. Le temps de Dieu n'est pas linéaire. Dieu n'est que relation.
Jésus est avec nous et nous sommes avec lui. Il part pour que nous soyons avec lui; il vient pour être avec nous. L'aimé part pour que nous puissions le rejoindre. Il vient pour que nous puissions l'accueillir. Nous sommes toujours avec lui dans une relation de réciprocité, de don réciproque.
Jésus est avec nous pour nous dire des paroles de Dieu, car Dieu lui donne l'Esprit sans mesure (Jn 3, 34). Cet Esprit, son Esprit, Jésus nous le « communique». Il souhaite nous maintenir en état de filiation pour que ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché (1 Jn 1,1), soit manifesté afin que personne ne se perde, mais obtienne la vie éternelle (cf. Jn 3, 16). Jésus veut que sa parole s'enracine en nous et qu'elle s'enracine par nous dans les cœurs. Il veut que sa parole nous touche et qu'elle touche les autres par nous.
Quand nous entrons, par miséricorde de Dieu, dans une grande intimité avec lui et son Père, alors nous sommes propulsés à favoriser entre nous et avec toutes les cultures, cette même communion dans une mise en commun de ce que nous sommes. L'intimité avec Jésus fait tomber les murs de la peur, du jugement des autres, de compétition entre nous. Elle suscite en nous un désir de «demeurance» mutuelle, «marque de commerce» des chrétiens. Cette «demeurance» mutuelle fait que le ciel est sur la terre. Et pourquoi par notre encièlement.
Je m'en vais. Je reviens. Des mots qui nous placent non pas devant le mystère Jésus, mais dans le mystère de vivre désormais caché avec le Christ en Dieu (Col 3,3). Notre vie n’est plus en nous. Nous sommes des appelés à être des «Jésus». Des ordonnés, dit Pierre, [à] annoncer au peuple et à témoigner que Jésus est le juge des vivants et des morts (Ac 10, 42).
Jésus veut que nous vivions de la même longueur d'onde que lui avec son Père. Il veut que nous soyons partie prenante de ce mystère d'union intime entre lui et son Père. Il veut que nous fassions la même expérience que lui, soucieux d'être dans le Père. Le grand miracle de Pâques, c'est de vivre caché avec le Christ dans le Père. Amen.