2017-A-Jn 16, 23b-28-samedi 6e semaine de Pâques- ce jour-là
Année A : samedi de la 6e semaine pascale (litap06s.17)
Jn 16, 23b-28 : quand ce jour-là m'arrivera-t-il ?
Ce matin, c'est rare, je me fais exégète. Pauvre exégète. Tout le chapitre seize de saint Jean nous conduit à ce mot dont parle notre lecture : demander. Jésus en fait même sa prière avec gravité quand il ajoute: en vérité, en vérité.
Ce passage de Jean (23b-28) repose sur deux énigmes : celle de voir Jésus sans le voir, d'une présence-absence, encore un peu et vous ne me verrez plus, un peu encore, et vous me verrez (v. 16); je pars vers le Père, je viens vers vous (v. 17); et celle d'une tristesse joyeuse et d'une joie triste, vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie (v. 20); et Jésus explique ces paroles en donnant l'exemple de la femme enceinte (v. 21).
Un mot clé, un mot super important, nous aide à comprendre ces énigmes en apparence contradictoires. Ce jour-là. Vous l'aurez deviné, ce mot n'est pas un jour du calendrier ni même ce que nous imaginons comme dernier jour. Ce jour-là, s'il est non spécifié, c'est qu'il est ce moment où je fais l'expérience de Dieu. Ce jour-là, ce jour où je fais l'expérience de Dieu, et saint Jean précise, alors, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera (v. 24).
Quand je suis en Jésus, quand ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ en moi (Gal 2,20), quand j'ai complètement renoncé à moi-même, et sans réserve, ce qui est presque impossible, dit le mystique Jean Tauler, quand Père, je remets ma vie entre vos mains, quand je m'abandonne à vous et que vous faites de moi ce qui vous plaira, dit Charles de Foucauld, ce jour-là, tout me sera donné.
Pour que ce jour-là advienne en moi, il faut que ma volonté ne soit pas la volonté de quelqu'un d'autre. Il ne faut même pas que ma volonté, précise saint Thomas d'Aquin, soit de faire la volonté de Dieu, ce qui entraine des résistances, mais de laisser la volonté de Dieu se faire en moi, qu’elle devienne mienne, comme Marie nous en indique la possibilité. C'est quand je n'existe plus que ce jour-là commence à naître en moi.
Savoir que le Père ne donne pas comme le monde donne (Jn 14, 27) peut nous aider à laisser prendre forme ce jour-là. Le mot «donner» prend beaucoup de place dans l'évangile de Jean. C'est un mot essentiel. Jésus demande à la Samaritaine : donne-moi à boire; et il ajoute : si tu savais le don de Dieu [...], c'est toi qui l'aurais demandé (Jn 3, 10). Paul parle, en toute connaissance, de la surabondance de Dieu qui donne infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir (Ep 3, 20).
Ce jour-là, quand nous l'éprouvons, nous demeurons dans la Parole, mieux, la parole nous habite tellement que tout ce que nous vivons de pénible se transforme en joie. Votre peine se changera en joie (v. 20). Tout ce que nous vivons de joie se transformera ce jour-là en béatitude imprenable.
Ce jour-là, nous connaîtrons la joie des joies, celle de sortir de soi-même pour demeurer uniquement dans la Parole. Cela signifie de ne penser qu'à Jésus qui est dans le Père, même au milieu de nos tâches communautaires ; de n'avoir d'amour que celui qui existe entre eux ; de ne goûter que la paix, malgré les odeurs de divisions qui nous proviennent du dehors.
Chaque jour, Dieu continue de prendre possession de notre demeure, de s'installer chez lui en nous pour que nous soyons chez nous en lui. Et plus nous sommes en lui, plus nous n'apercevons plus que nous sommes en nous, ajoute saint Pierre d'Alcantara, franciscain d'une austérité légendaire et l'un des maîtres spirituels de Thérèse d'Avila.
Une moniale n'est pas tant celle qui vit emportée au ciel, mais celle qui, depuis cette terre, laisse l'Esprit de Jésus lui faire goûter le bonheur de demeurer avec Jésus dans le Père. Que ce jour-là advienne en nous. AMEN.