2016-C-Jn 3, 22-30 - samedi après Épiphanie- ministère de l'effacement
Année C: Samedi après l'épiphanie (litcn02s.16)
Jean 3, 22-30 : la joie du vrai témoin, s'effacer
Pour terminer ce temps de Noël, Jean-Baptiste prépare la table pour l'arrivée de Jésus. Pour l'arrivée de l'Époux à qui l'ami Jean est heureux de laisser le champ libre. Mais ses disciples ne l'entendent pas ainsi. Ils voient en Jésus une concurrence déloyale. Une provocation déloyale. Jésus entre en scène à partir du même endroit où Jean-Baptiste baptisait. Comme si ce n'était pas assez, l'évangéliste observe que Jésus connait un plus grand succès que Jean. Tous vont vers lui. La table est mise pour un affrontement majeur. Les disciples refusent d'envisager un autre chemin que le leur. Ils n'acceptent pas d'abandonner leur projet de conversion.
L'histoire du baptême commence dans la plus grande confusion : même activité, même endroit, même population en demande de baptême, même vocation. Cette confusion ouvre un débat passionné entre les disciples de Jean. Un débat qui est plus qu'intellectuel, plus que théologique. Il porte sur un sujet de grande actualité: sur la purification.
Mais ce débat cache mal une autre réalité plus profonde, plus pernicieuse, celle de la jalousie, de la rivalité, de la compétition, du refus de se voir moins important que l'autre. Quand nous sommes en proie à ce vertige qu'est la jalousie, il n'y a plus de juste milieu. Il n'y a pas de place pour les deux. C'est moi ou l'autre. Pourtant, l'évangéliste vient de préciser, au milieu de ce débat passionné entre les disciples, que là où Jean et Jésus baptisaient l'eau était abondante (v. 23). Donc, il y a en avait pour tout le monde.
Les disciples de Jean l'admiraient; mais ils n'ont pas compris, n'ont pas accepté l'étonnante affirmation de leur maître: il faut qu'il grandisse et que moi je diminue (Jn 3, 30). À toutes les époques de l'histoire, céder sa place n'attire pas beaucoup de sympathie. Heureux celui qui ayant donné son esprit et son coeur à Dieu ne s'est plus s'il a un esprit et un coeur (Nicholas Grou). Céder sa place, céder son coeur pour Jean, c'était là une source de grande joie. Le départ de certains de ses disciples vers Jésus n'est pas un échec. Quant à l'ami de l'Époux, il se tient là et il est tout joyeux. La joie que Jean Baptiste ressent est celle de la confirmation de son identité.
Ce matin, à la veille de la fête liturgique du baptême de Jésus, ne posons pas notre regard sur la confusion inaugurant le baptême. Cette scène est plutôt un beau miroir de ce qui jusqu'à tout récemment, se discutait entre chrétiens. Quel baptême est le meilleur ? Faut-il rebaptiser ? Lequel des rites baptismaux doit être privilégié ? Disparaître ? Présentement le débat porte sur ce qui est essentiel à la foi : priorité à la miséricorde ou à la rigidité. Là où est le Seigneur, il y a la miséricorde. Là où il y a la rigidité, il y a ses ministres (saint Ambroise).
Cet épisode où Jean baptisait, où Jésus baptisait et où l'eau était abondante nous ouvre sur une réalité plus profonde. Une victoire plus profonde. Nous appartenons à Dieu. Comment vivons-nous cette appartenance ? Dans notre être profond, nous appartenons à quelqu'un d'autre. Sa volonté est la nôtre. N'est-ce pas le premier geste de miséricorde que de donner de la dignité à l'autre en se voyant plus petit que lui ? Des «minores», de moindre importance que lui ? On ne goûte Dieu que par le chemin de l'oubli de soi.
Jésus refuse cette mode tendance à se glorifier. Il conteste toute référence à une échelle sociale. Il vient de parler à Nicodème, très haut placé dans la hiérarchie. Il parlera au chapitre suivant à la samaritaine, au plus bas de l'échelle sociale. La seule échelle sociale acceptable pour Jésus s'est d'être notre frère mineur (P. Perry, ofm, Lettre Noël 2014). Dans sa personne même, Jésus est devenu moins que les autres justement pour nous «endieuser». J'entends ici la demande forte du pape François à Assise : chers frères, je vous en prie, protégez la minorité comme chemin pour un humanisme valorisant chaque personne.
Ce qui est enjeu ici c'est d'être ce que nous sommes. De nous sentir comblés, de nous sentir bénis tels que nous sommes, sans avoir besoin de rien d'autre, sans qu'on nous mette de la pommade pour mieux paraître. Chaque jour de cette semaine, la liturgie nous a donné à contempler une épiphanie du Seigneur. En ce dernier jour, elle nous invite à ne pas nous mettre au service du mensonge sur soi-même. Entendons Jean l'évangéliste nous dire : il faut […].C'est plus fort que moi, il faut que je sois juste à ma place. AMEN.