2015-B-Jn 12, 24-26 - les martyrs canadiens: une bande d'amis jetée en terre
Année B: Samedi 25e semaine ordinaire (Litbo15s.15)
Jean 12 24-26 : martyrs canadiens, une bande d’amis du Seigneur
Quelle est moderne cette histoire du grain de blé ! Les Jean de Brébeuf, les Isaac Jogues, ils sont plus nombreux aujourd’hui que dans les premiers siècles. Nombreux sont les persécutés, tués, chassés, dépouillés du fait d’être seulement chrétiens (Pape François) qui vivent dans leur corps l’heure de Jésus dont parle saint Jean.
Toutes les étapes de la vie de Jésus, chaque heure de sa vie l’ont conduit à cette heure qui donne la tonalité à tout l’Évangile. C’est l’heure commencement d’une ère nouvelle, d’un âge nouveau qui pousse Paul à écrire bien avant que les évangiles ne soient écrits, maintenant, […] la justice de Dieu a été manifestée […] pour tous ceux qui croient (Rm. 3, 21). Avec cette heure, le grain de blé tombé en terre inaugure une moisson abondante.
Aux Grecs, ces non-juifs et donc des étrangers à la foi, qui demandent à le voir, Jésus ne discourt pas, n’enseigne pas une philosophe, il leur raconte l’histoire du grain de blé qui n’est pas heureux dans le grenier parce que sa fécondité repose dans sa mise en terre. Il leur démontre en image qu’il est prêt à payer de sa vie pour ouvrir la route de la joie.
Quelqu’un a écrit que cette heure est maintenant un vaccin obligatoire pour les chrétiens (cf. Th. Grimaux, Le Livre noir des nouvelles persécutions antichrétiennes, éd. Favre, 2007, cité par Zénith, 2 décembre 2007). Tellement vrai que ce grain de blé inonde nos écrans, accapare les réseaux sociaux.
Ce matin, nous célébrons une bande d’amis qui appartient à cette génération d’hommes et de femmes qui ont vécu dans leur corps l’histoire du grain de blé. Pour citer l’un d’entre eux, Charles Grenier, cette bande d’amis se voyait comme une hostie qui est à immoler. Armée d’une foi solide et poussée par une charité qui brûlait leur cœur, cette bande d’amis parcourt des centaines de kilomètres dans des canots fragiles pour rejoindre les habitants de ces cabanes d’écorce [qui] cachent autant de vertus qu’on peut en trouver dans les cloîtres, observe dans une lettre un autre membre de cette bande d’amis, Jérôme Lalemant (cf. Relation 1636).
Ces robes noires n’avaient qu’une priorité : jeter une semence dans les cœurs. Aujourd’hui nous récoltons la floraison qui se voit dans ce combat pas toujours réussi d’une manière de vivre faite de bonté, d’entraide, d’égalité, de justice, de proximité. La manière de vivre de cette bande d’amis fut semence qui a séduit ces premiers habitants d’ici. On appréciait leurs paroles pleines de gros bon sens, leur empressement d’aller vers tout le monde sans exception. C’est cela annoncer l’Évangile. À quoi peut bien servir à quelqu’un d’avoir la foi alors qu’il n’agit pas (Jc 2,14). Leur souci était d’éviter d’avoir beaucoup de baptisés mais peu de chrétiens (Jérôme Lalemant, cf. Relation 1636).
Qui aurait pu soupçonner que la souffrance de ces martyrs serait rejointe à notre époque par des récits non moins héroïques et non moins glorieux ? Qui pouvait prévoir qu’à ces martyrs de la foi, au centre de notre histoire chrétienne, on ajouterait un jour ces migrants qui ont été jetés à la mer parce que chrétiens, ces Éthiopiens assassinés et à tant d’autres que nous ne connaissons pas, qui souffrent dans les prisons parce que chrétiens (Pape François), ce père de famille sud-africain, Samuel Benedict Daswa, tué en 1990, béatifié début octobre, pour avoir été cohérent avec sa foi en refusant des habitudes païennes de sorcellerie et béatifié récemment !
Il n’y a pas de semence sans floraison. Il n’y a pas de vie de foi sans persécution. Il n’y a pas de vie spirituelle sans ressemblance à Jésus. Sans mourir à soi-même. Sans détruire en nous un certain nous-mêmes qui est né avec nous (Marie de l’Incarnation).
Une eucharistie pour nous laisser conquérir par le mystère de la semence aujourd’hui jetée en terre. AMEN.