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Année A: Mardi 11e semaine ordinaire (litao11s.14)

Matthieu  5 43-48 : aimez vos ennemis

Qui est capable d'exprimer la grandeur de la beauté de ce petit sermon ? Qui peut en comprendre sa gran-deur ? Est-elle inatteignable ? Comment peut-on, se demandait le pape François dans une homélie, aimer les personnes qui ne recherchent que leur intérêt, leur pouvoir et qui font tant de mal ? Celles qui décident de tuer tant de personnes ?  Sans cette grandeur d’âme, nous devenons des chrétiens de bas niveau, ajoutait le pape François. Nous devenons des chrétiens sans Christ. Vraiment, qui est capable d'en exprimer toute la beauté tant ce sont des paroles humainement folles ? L'accomplir couvre une multitude de péchés (1 Pi 4, 8).

Qui est capable de cette grandeur?  Avec une grande clairvoyance, Silouane, moine du mont Athos, répétait que cette option de saluer avec compassion ceux qui nous font mal, nos ennemis, que cette option d'ajouter l'évangéliste Luc, de faire du bien à ceux qui vous haïssent, [de] prier pour vos persécuteurs et pour ceux qui vous calomnient (Lc 6, 27) est d'abord l'œuvre de l'Esprit-saint en nous.

L'amour a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné (Rm 5, 5). Notre seul appui est de savoir que, si Jésus nous demande de monter si haut pour les uns ou de descendre si bas pour d'autres, c’est parce qu’il est avec nous dans cette traversée-là. Que, le premier, il en a pris le chemin.

C'est en conservant dans nos cœurs le sacrement de l'Écriture divine (Pierre Chrysologue (406-450), c'est en empruntant votre propre amour, dit Thérèse de l'Enfant-Jésus, en prenant le glaive de l'Esprit (Ep 6, 17), en ne résistant pas à l'Esprit (Ep 4, 30), c'est en choisissant d'offrir à Dieu la première place dans nos vies que nous parviendrons à donner aussi la première place à l'amour de nos ennemis. La perfection de la loi, de cette manière de vivre, c'est l'amour (Rm 13 ,8).   C'est en nous appelant amis que Jésus nous a appris à l'aimer.    

Jésus propose à toute l’humanité un difficile combat : le combat qui cherche à maîtriser les racines de la violence en nous. Ce combat commence quand nous réalisons que Jésus persiste à nous reconnaître des fils de Dieu malgré nos errances et qu'il fait lever chaque jour son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.   

Appel radical que cette page! Dieu peut-il offrir autre chose que la radicalité ?  Peut-il nous demander autre chose que ce qu'il est lui-même ?  Jésus ne sera jamais un modèle à imiter... de loin. De l'extérieur.

Le frère Luc, moine et médecin à Tibhirine, disait que les hommes croient qu'il faut d'abord aimer les hommes et ensuite Dieu. Moi aussi j'ai fait cela. Mais quand j'ai commencé à aimer Dieu... mes ennemis aussi sont devenus mes amis. C'est en prenant ce chemin que nos vies seront, en filigrane, marquées des empreintes de l'Esprit de Dieu.

Le grand paradoxe que contient cette homélie de Jésus prononcée sur la montage c'est qu'aimer quelqu'un, porter sur lui un regard de bienveillance, c'est ne plus le considérer comme notre ennemi. C'est risquer qu'il devienne notre ami. Dans sa prière sacerdotale Jésus priait pour que nous manifestions sa gloire et qu'elle soit en nous. Quelle manifestation de sa gloire que d'inviter ceux qui nous trahissent, calomnient,  à devenir nos amis privilégiés.

 Vous avez appris qu’il a été dit.  C'est le langage de l’hommerie en nous. Et bien moi, je vous dis. C'est le langage de l'être divin que nous sommes.  De l'homme christianisé. Nous reconnaissons facilement que nous avons des ennemis, mais le chrétien, dit François dans une homélie, s'empresse à observer que nous pouvons aussi devenir des ennemis pour l'autre. Si nous ne portons pas ce regard réaliste sur nous, nous sommes comme des païens et non des chrétiens. AMEN.