2014-A- Mc 16, 9 - samedi octave de Pâques- Un Dieu qui fait confiance à nos doutes
Année A : Samedi octave de Pâques (litap00s.14)
Marc 16, 9 : Un Dieu qui fait confiance à nos doutes
Arrivé au terme de l'octave de Pâques, nous entendons aujourd'hui le sommaire des apparitions tel que vu par saint Marc. Nous retrouvons tous les acteurs des derniers jours, ce long cortège des témoins de l'inimaginable matin de Pâques : Marie Madeleine, deux disciples qui étaient en chemin pour aller à la campagne, les onze qui étaient à table.
Étonnant, cette bonne nouvelle n'est pas pour eux une si bonne nouvelle que ça. Ceux qui avaient vécu avec lui s'affligeaient et pleuraient. Marc ajoute même: ils refusèrent de croire. Même réaction des disciples retournant à la campagne: ils ne crurent pas non plus. Comme si ce n'était pas assez, Marc nous montre un Jésus reprochant leur incrédulité et leur endurcissement.
Paradoxe: malgré les reproches qu'il leur adresse, Jésus les envoie proclamer la bonne nouvelle à toute la création. Comprenons bien : Jésus envoie donc des incroyants à qui il fait confiance, pour conduire à la foi ceux qui n'auront pas vu. Il envoie des incroyants bouleversés par une bonne nouvelle à la quelle ils furent lents à croire, indiquer à d'autres que croire commence toujours par le doute. Songeons à Thomas dans l'évangile de demain.
À l'origine de tout acte de foi en Jésus ressuscité, se trouve un regard de miséricorde et de confiance du Ressuscité à notre endroit. Jésus semble savoir que croire en lui ne sera jamais une évidence. Ce premier réflexe de douter ne doit pas nous culpabiliser parce douter de Dieu [de sa résurrection], disait Pascal, c'est déjà y croire. Comme les premiers témoins, nous affrontons aussi des vents contraires. Dieu ne se prouve pas. Il s'éprouve. Dieu ne se démontre pas. Il se dévoile.
Ce qui est le sommet de l'Évangile, la Bonne nouvelle par excellence, le Christ ressuscité (Pape François, au matin de Pâques), ce qui est un jardin ravissement pour les yeux de la foi, ne sera jamais de la même nature que la culture vintage, la mode vintage, cette tendance à remettre des choses passées au goût du jour. La culture vintage consiste à donner un second souffle à des objets, à des us et coutumes pour éviter que des joyaux du passé disparaissent à jamais. L'Évangile ne parle jamais d'une seconde vie de Jésus.
Ce grand dimanche ne sera jamais de cette culture. Il ne s'agit pas de renipper un lointain passée ni de sortir du tombeau de l'histoire des événements marquants, mais d'actualiser, dans notre présent, un événement de foi dont les premiers témoins ont eux-mêmes douté, tant il était inimaginable. Invraisemblable.
Pour ces premiers douteux qui nous ont transmis l'incroyable, Pâques, fut quelque chose qui a marqué leur vie qu'ils se sentaient obligés de raconter ce qui leur arrivait. Tel fut le commencement de la Bonne Nouvelle.
Les premiers chrétiens, pour exprimer leur foi en ce matin inaugural, pour exprimer l'incroyabilité de ce qui leur arrivait, ont utilisé plusieurs mots : gloire, exaltation, réveil. Un théologien belge parlait récemment de «réveillance» pour dire ce doute inaugural de la bonne nouvelle. Ce mot à quelque chose de beau. Pâques nous maintient en état de réveillance permanente.
Réveillance de nos lassitudes, de nos endormissements, de nos relâchements spirituels que Cassien appelle l'acédie, sorte de paresse, de fatigue à prier les mêmes mots. Le pape François la dénonce dans son exhortation apostolique. Non à l’acédie égoïste, écrit-il. Non à l’acédie pastorale. Non à l’acédie spirituelle. Non à des chrétiens en état de somnolence spirituelle.
Pâques vient réveiller ce potentiel de vie qui sommeille en nous et qui n'arrive pas à bourgeonner. En chaque être humain, il y a quelque chose d'hivernal qui appelle à éclore. Que l'audace de Pierre et de Jean, hommes quelconques, que l'énergie de Marie-Madeleine nous rende incapables devant toutes les rebuffades que nous côtoyons, de taire ce que nous avons vu et entendu du Verbe de Vie (cf. 1 Jn 1). AMEN.