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Année A : Lundi 3e semaine de Pâques (litap03l.11)
Jn 6, 22-29 : Mise en demeure d’opter pour bien vivre sa vie

Qu'est-ce qui nous arrive? Cette question de départ de notre grand dimanche est toujours la nôtre. Qu'est-ce qui arrive à Étienne, homme quelconque sans instruction ni culture capable de parler avec assurance (Ac 4, 13),  au visage tellement radieux comme celui de Jésus au matin de Pâques qu'on ne pouvait supporter de le voir ?   (cf. Mat. 17:6; Luc 9:29).

Ce qui lui arrive, c'est qu'Étienne, choisi pour aider les apôtres, est devenu, pour citer Augustin, non seulement chrétien, mais il est devenu le Christ. Comprenez-vous, mes frères, saisissez-vous cette grâce de Dieu... soyez heureux, nous sommes le Christ. Sa manière de vivre sans récriminer jusqu'à pardonner à ses bourreaux est au cœur de ce qui lui arrive.  Et j'emprunte à nouveau une image de saint Augustin : Étienne, dit-il, a la forme d'une pierre parfaitement carrée... de quelque côté qu'on la retourne, elle reste debout. On peut la pousser violemment, elle ne tombe pas.  

Étienne est devenu tellement épris du Christ qu'il a rencontré en voyant vivre les apôtres et disciples, tellement une parfaite image de sa manière de vivre, tellement pierre parfaitement carrée, pierre vivante (1 Pi  2, 5), créature nouvelle (Ga 6, 15)qu'il accomplissait des prodiges et des signes éclatants (Ac 6, 8).Comme l'exprime Paul, sa vie fut un miroir qui reflète Dieu (Rm 1, 20).  Il vivait à la mode de Dieu. Il ne se comptait pour rien tant le Tout était tout pour lui. Tant le Tout était tout à lui, tout en lui et si j'ose dire tout Lui (Pierre Crasset,  XIXe siècle). Cette manière dérangeait.

Voilà bien l'inédit du commencement de la Bonne Nouvelle. Les Actes durant ce grand dimanche, nous rapportent que c'est cette manière humaine de vivre,  que Jean appelle les œuvres,  qui a contribuée à lancer l'Évangile. Nous pouvons clamer que Jésus est sauveur mais c'est notre existence humaine qui le prouve.

Saintetés, la première lecture, comme l'Évangile, nous lance une mise en demeure de bien vivre comme promotion de l'Évangile. Comme promotion de Pâques. Cette mise en demeure de bien vivre n'est ni un idéal, ni un postulat, ni une réalité annoncée pour demain, ni quelque chose « à venir», mais bien une réalité qui transfigure aujourd'hui nos vies. Pâques, ce n'est pas un futur lointain, c'est vivre de la vraie vie.  C'est notre vocation quotidienne.

Ce bien vivre, c'est ce que Jésus appelle le Royaume de Dieu qui n'est rien d'autre qu'une manière de vivre où l'autre existe aussi. Voyez comme ils s'aiment. Bien vivre, c'est la forme d'éducation que les parents inculquent à leurs enfants. Nous ne réalisons pas assez que dans cette forme d'éducation le Royaume de Dieu est déjà présent.

Il nous faut donner une réponse claire et nette à la question : croyons-nous en l'homme à faire (Paul Tihon, Pour libérer l'Évangile, p.93) ou doutons-nous de la faisabilité d'une vie pleinement humaine en dépit du trop humain, de l'inhumain qui nous habite ?  Croyons-nous vraiment en la résurrection, aujourd'hui dans notre quotidien ? Ressusciter une manière de vivre qui fait voir le Christ en nous.

Ce qui nous arrive, c'est que nous sommes nous aussi capables de tenir tête avec sagesse, de répondre avec sens - il existe des réponses non sens quand nos paroles ne rejoignent pas nos manières de vivre - à la quête d'une manière de vivre que l'évangéliste Jean appelle nourrissante et substantielle pour notre entourage.  
 
Une mise en demeure non pas pour être de «bons vivants» mais de «vrais vivants» capables d'offrir cette nourriture recherchée dont parle l'Évangile. Oui quelle grâce que Dieu nous fait de réaliser que nous ne sommes pas seulement devenus chrétiens, nous ne sommes pas seulement devenus nourriture, nous sommes devenus le Christ. Nous sommes tellement Lui que la mort n'a plus d'emprise sur nous. Tellement Lui que nous sommes son corps.  Vous êtes le corps du Christ. AMEN.