2008-A : Mtt 5, 20-26 Jeudi 10e semaine ordinaire- une question d’être, non de morale.
Année A : Jeudi 10e semaine ORDINAIRE (litao10j.08)
Mtt 5, 20-26 la loi nouvelle : une question d’être, non de morale.
1 Roi 18, 41-46
Cette page est plus qu’une «loi nouvelle». Elle ouvre sur l’émerveillement de savoir qu’il y a en nous plus que nous. Nous sommes faits pour autre chose que de vivre en état de guerre permanente. Réaliser cela, c’est défoncer les limites naturelles de nos «je-moi», c’est nous libérer de nos colères, de nos renfermements sur nos blessures, c’est nous guérir de cette «mode tendance» à ne voir dans l’autre que le seul responsable de tous nos maux, pour entreprendre- grâce à cette ascèse, à cette purification de nos regards, une aventure spirituelle qui nous conduit à mener une vie mystique de très haute qualité. Une vie humaine vécue à un très haut niveau de qualité d’être.
Au-delà des comportements déraisonnables qu’il ne faut pas nier, cette «loi nouvelle» oriente nos regards vers la beauté «d’une conduite étrange», celle d’aimer en acte et qui est l’expression authentique de notre « moi », de notre identité. Nos pressentiments, nos ressentiments, nos ruptures de relation, nos scènes de colère qui dictent des comportements amoindris, qui nous rapetissent sont des infidélités à notre être véritable, à c e que nous sommes. Cet appel « moi je vous dis » nous fait opter pour une autre manière de vivre (mardi, c’était celle d’être sel et lumière) où transparaît que nous sommes à la ressemblance de Dieu, que nous avons en nous les gênes de Dieu.
Au fond de chaque personne – et c’est l’essentiel de ce « moi je vous dis » - quelque chose de radicalement inviolable existe : une manière de vivre, une manière d’aimer qui nous modèle sur l’être même de Dieu. Au-delà de nos discordes, et cela nécessite des yeux de lumière, des yeux de hiboux qui voient de la beauté dans l’opacité de notre quotidien, l’autre est, de par ses origines, une œuvre d’art de toute beauté à admirer, à contempler.
Se dessine dans ce chapitre cinq de Matthieu l’espérance d’une terre neuve faite de relation harmonieuse. Trop souvent, nos regards sont réduits à une conception purement juridique de la vie : ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il n’est nullement question ici de ce qui est permis ou défendu, mais un appel à être ou de ne pas être. Jésus n’est pas venu instaurer un système juridique, un code moral. Il est venu nous lancer un appel au dépassement. Il est venu donner de la hauteur, de la grandeur à ce que nous sommes. Il est venu écrire «non sur des tables de pierres, mais dans nos cœurs» (2 Cor 3, 3), sa propre manière de vivre.
Cette «loi nouvelle», ce «moi, je vous déclare» est la manière de vivre entre le Père, le Fils et l’Esprit. Lorsque nous accomplissons avec maladresse sans doute, mais que nous accomplissons quand même dans notre quotidien cette manière de Dieu de vivre entre nous, lorsque nos comportements imitent ceux de Jésus, alors la vie fleurit, le Royaume de Dieu se réalise.
« « Moi je vous dis », un appel à devenir humain, un «parfait humain». C’est humain et divin de vivre en harmonie. C’est humain et divin de guérir nos blessures en nous réconciliant. C’est humain et divin de vivre dépossédés de nos tendances possessives, toujours sources de nos conflits. C’est humain et divin de faire l’expérience que dans notre «moi» il y a aussi un «autre». C’est satanique que de vivre en état d’opposition et de conflit.
À votre contemplation : le Christ, dans son premier mot à Nicodème disait : «Personne ne peut voit le Royaume de Dieu, s’il ne naît de nouveau» (Jn 3, 3). La réalisation de cette «loi nouvelle» amène un changement de nos «moi». Renaître à notre «moi» profond. Nous sommes faits pour vivre en mode harmonie trinitaire. Zundel disait qu’il faut «dissoudre ce “moi” que nous nous fabriquons pour arriver à un moi source jaillissant de vie». Il ajoutait : «si nous ne comprenons pas cela, nous resterons toujours dans cet univers infantile». Dieu nous confie sa manière de vivre. C’est en maintenant notre contact avec Lui dans la prière et dans cette eucharistie qu’ «en toute circonstance nous serons des infatigables artisans de paix» (oraison finale). AMEN.