2011-A- Lundi 3e semaine ordinaire -Mc 3, 22-30 : Jésus, un «possédé» par qui ?
Année A: Lundi de la troisième semaine du Temps ordinaire (litao03l.11)
Mc 3, 22-30 : Jésus, un «possédé» par qui ?
Nous voyons bien ce que fait Jésus, mais nous ignorons qui le fait. Dans une homélie du Ier siècle, l'évêque Méliton de Sardes (?-v. 195), écrivait : vous n'avez pas vu Dieu [en Jésus]; vous n'avez pas reconnu le Seigneur; vous n'avez pas su que c'est lui, le Premier-né de Dieu, [l'] engendré avant l'étoile du matin (Ps 109, 3), qui a fait surgir la lumière... briller le jour en le séparant des ténèbres...quiest venu nous déposséder de nos paradis du diable pour citer Benoît XVI dans son livre Lumière du monde, p.88. Pourtant il est perçu comme un possédé.
Ce matin, sommes-nous capables malgré nos cataractes de voir grand? Sommes-nous capables d'estimer grands les bienfaits que la présence de Jésus hier comme aujourd'hui, produit dans nos vies? Estimer grand ce geste de redonner vie à la main desséchée (Mc 3, 1-6); de redonner la vue par une simple parole (Mc 8, 25, Jn 9, 6); de rendre le mal pour le bien, l'affliction pour la joie. Estimer grand ce Jésus qui ne perd jamais patience devant ses accusateurs.
Devant la réaction des scribes, réactions qui ne sont pas si éloignées que celles de nos proches, une évidence s'impose. La lumière [qui] brille dans les ténèbres, les ténèbres ne l'ont pas reçue (Jn 1, 5)...L'esprit du monde n'a pas reçu le dessein de Dieu. Les signes que nous offrent à voir Jésus ne nous parlent plus. Pourtant le merveilleux théologien qu'est l'évangéliste Jean confirme cela : Il était la vraie lumière... Il était dans le monde, le monde a été fait par lui, et le monde ne l'a pas connu (Jn1, 10-12).
Nous ne voyons pas clairement que Jésus est un «possédé» ....du Père parce que dit Isaac de l'Étoile (?-vers 1171), moine cistercien, vaincu par l'évidence, nos yeux l'envient jusqu'à déprécier ce qu'ils voient. À une certaine hauteur, nos yeux ne peuvent plus voir qu'il n'y a plus de distance entre Jésus l'humain, fils de Marie et le Jésus, né de Dieu, fils de Dieu. Ils ne peuvent plus voir la compassion démesurée de Dieu pour nous. Il est venu entrer dans la maison de l'homme fort (évangile), le ligoter, piller ses biens. Il est venu, nous dit saint Iréné, anéantir le Fort qui nous tenait sous le pouvoir de la mort. Nos yeux ont peine à s'élever à une telle hauteur pour voir Celui que Paul, dont nous ferons mémoire demain, a vu sur le Chemin de Damas. Qui es-tu Seigneur?
Quand nous ne pouvons pas nous élever à une telle hauteur, nous agissons comme les scribes et les autres. Devant une foule émerveillée à la vue de ce que fait Jésus, ils rabaissent ce qui est grand, dénaturalisent ce qui est bon en accusant l'auteur de tant de beaux signes : c'est par Béelzéboul, prince des démons, qu'il expulse les démons (Mc 3, 22). Il est possédé par un esprit impur (Mc 3, 30). Ne pouvant nier les faits et gestes de Jésus, ils le déprécient en réclamant un signe du ciel. Question: n'est-ce pas là le blasphème contre l'Esprit saint dont parle Marc?
Saintetés, il s'agit moins ce matin de voir le mal qui existe que de saisir en contemplant ce qui arrive à Jésus, qu'il y aura toujours et en permanence en nous, un affrontement entre l'appel à devenir divin et l'attirance à demeurer moins qu'humain. Dieu n'est pas seul à nous attirer. À nous posséder. Nous sommes aussi possédés par d'autres attractions. Notre «désir source» est atténué par nos désirs personnels. Nous passons une grande partie de nos vies à unifier nos désirs personnels dans le désir-source de Dieu. Le choix fondamental auquel nous sommes exposés est de nous réaliser par nous-mêmes ou d'être contents que Dieu nous réalise.
Jésus a accepté l'accusation d'être un possédé, il s'est fait enfant, s'est revêtu de notre fragilité, a pris notre faiblesse pour nous communiquer sa force, sa divinité. Ne désespérez pas de vos défaillances, prenez courage, dit Alphonse Marie de Liguori (1696-1787), évêque et docteur), Dieu est venu vous sauver et il continuera de le faire.
Il faut estimer grand que ce Jésus accusé d'être possédé par Béelzéboul, est l'Agneau de Dieu venu faire resplendir en nous la vie par son Évangile (Ac). C'est à cette hauteur que nos voies s'élèvent maintenant pour chanter un chant nouveau car il a fait des merveilles. AMEN.