2011 A-Lc 16, 1-8 Vendredi 31e semaine ordinaire - jeu de miroirs
Année A: Vendredi de la 31e semaine ORDINAIRE (LITAO31V.11)
Lc 16, 1-8 : jeu de miroirs
Que vais-je faire ? Ce matin, ce n'est pas uniquement dans ce passage de Luc que nous entendons cette question que se pose le gérant malhonnête, paralysé devant la perspective de tout perdre. Songeons à cet homme riche qui se pose la même question devant une récolte d'une telle abondance qu'il ne sait plus où l'engranger (Lc 12, 16-21). C'est la même question que se pose ce juge inique qui ne craint pas Dieu, qui ne respecte personne mais qui va s'empresser de rendre justice à cette veuve qui le harcelait (Lc 18, 2-5).
Ces personnages sont tournés vers l'extérieur, voilà ce qui caractérise ces trois comportements. Une lecture, une écoute même peu attentive, nous les rendent peu sympathiques. Quelque chose nous agace tant ils ne parlent que d'eux-mêmes, incapables qu'ils sont de frayer un chemin en eux pour l'autre. Jésus dénonce un risque toujours actuel du «one man show».
Que vais-je faire ? C'est la même question que se posent ailleurs dans l'évangile, d'autres personnages bibliques tournés vers l'intérieur. Le fils prodigue, entrant en lui-même, se dit : je vais retourner chez mon père (Lc 15, 18). Marie, dès les premières pages de l'évangile, par sa question à l'ange : que vais-je faire, ouvre son espace intérieur à cette rencontre qui allait bouleverser toute sa vie. Se tourner vers l'intérieur, voilà une invitation qui retentit à chaque page de l'Évangile.
Cette question-parole de Dieu que vais-je faire, il est important d'en faire la question-parole qui ouvre toutes nos journées avant même la lecture de notre journal du matin. Le premier journal qu'il nous faut lire le matin, c'est la parole de Dieu qui, comme hier, nous interpelle. Ouvrir chaque matin le Livre pour comme vient de le redire Paul aux romains, raviver notre mémoire (Rm 15, 14).Le livre d'Isaïe, dans le chant du serviteur, dit: chaque matin ta parole me réveille...tu ouvres mon oreille.
À travers ce gérant, la Parole parle. La Parole nous parle à nous. Une Parole qui n'a personne pour l'écouter est impensable. C'est une parole «en l'air», perdue. Une parole dans le vide. Jésus nous parle pour que nous parlions de lui. Ainsi circule la Parole. Nous sommes, chrétiens, des gens de parole, de la Parole.
Question : que vais-je faire pour parler de Lui ? Que vais-je faire pour que ma parole sur Dieu fasse autorité ? Luc nous donne cette réponse : avoir assez d'habileté pour nous donner une vie intérieure. En nous, il y a un temple intime, un lieu intime, loin des regards si nécessaires à ce gérant, qui donne de la profondeur à nos vies.
Qu'est-ce qu'un chrétien ? Qu’est-ce qu'une sainteté ? C'est celui, celle qui ne se contente pas de faire de l'eucharistie son déjeuner quotidien mais qui avec habileté, s'invente à découvrir que quelqu'un habite en lui, plus intime à lui-même qu'il l'est à lui-même (Augustin). Faire de l'eucharistie son déjeuner quotidien, écouter la Parole à chaque matin est une bonne chose. Si tout au long de la journée nous ne sommes pas des échos de sa Parole, nous ne la ruminons pas jusqu'à ce qu’elle devienne nos propres paroles, nous ressemblons à ce gérant malhonnête qui arrime toute sa vie sur l'extérieur.
Si nous ne savons pas écouter de l'intérieur, faire une lecture personnelle de la parole entendue, le risque est grand que Dieu, que Jésus et sa Parole deviennent des mots vides, pleins de nos projections tournées sur nos «moi». Grégoire le Grand disait que la parole, celle de notre déjeuner quotidien, croit avec celui qui la lit et la vit authentiquement. Nous disons beaucoup sur Dieu, nous parlons beaucoup de la Parole, elle risque de demeurer une parole extérieure à nous, une parole déjà trop souvent répétée, parce qu'elle ne nous atteint pas jusque dans nos racines, nos jardins intérieurs, notre château intérieur, dirait Thérèse d'Avila.
À votre contemplation: ne soyons pas de mauvais gérants de sa Parole, le meilleur des biens que nous puissions avoir. Devenons, selon les mots de l'Évangile, serviteurs de la Parole. Que dois-je faire pour servir la Parole ? Je donne cette réponse de François d'Assise qui disait à ses frères d'en vivre avec le même respect comme si c'était le Corps du Christ. AMEN.