2008- A- Lc 8, 1-3 - Vendredi 24e semaine ordinaire -des femmes "suiveuses" et transformées
Année A : Vendredi 24e semaine ordinaire (litao24v.08)
Luc 8, 1-3 des femmes "SUIVEUSES" et transformées
Si on lit l’Évangile avec les yeux du cœur, il faut reconnaître que Jésus est souvent déroutant, mais aussi, et surtout qu’il est sûrement attachant. Preuve en est dans ces femmes qui accompagnaient Jésus. Quand nous considérons qu’elles n’étaient pas toutes des « saintetés », une question surgit : pourquoi suivaient-elles Jésus? Qu’avaient-elles à gagner à quitter leur condition sociale qui les sédentarisait pour devenir des « marcheuses » sur les routes?
Partout, dans les évangiles et chez saint Paul, nous voyons clairement le contraste entre la foi des disciples, une foi bégayante faite d’élan et de reniements, et celles des femmes, une foi silencieuse, inventive, non en paroles – elles ont peu ou pas parlé –, mais elles ont beaucoup regardé Jésus. Elles furent les premières contemplatives de l’Histoire. Elles ont ajusté leur vie, leur pensée à la pensée de Jésus sur le monde. Elles intuitionnaient, pour citer Isaïe, que le Seigneur était avec eux : « Ne crains pas je suis avec toi! ». Comme l’exprime un verset du psaume 118, Jésus ne les a pas déçues : « Accueille-moi Seigneur selon ta parole et je vivrai. Ne déçois pas mon attente! ».
Comme la Cananéenne, celle souffrant d’hémorragie (Mt 9, 22), ces femmes – l’énumération de leur nom en très révélatrice - ont tellement eu foi en Jésus qu’elles l’ont mis au jour en lui donnant par leur accompagnement, par leur présence de l’importance. Comme Marie, elles furent tellement des « mères » qui ont cru en Jésus, « heureuses celles qui ont cru » (Lc 1, 45) qu’elles se sont oubliées. Elles « ont beaucoup travaillé pour le Seigneur» (Rm 16, 6. 12a.12b.15). Pour les gratifier de leur présence à l’heure de sa Passion (Mt 27, 56. 61; Mc 15, 40), Jésus en fit – à travers Marie Madeleine — pour citer Salomon, des « parfums répandus » des « parfums du ressuscité ». « Le parfum qu’elles ont répandu au matin de Pâques, écrit Jean Grenier, leur cri « Christ est ressuscité », « nous le respirons encore ».
Saintes femmes, - devrai-je plutôt dire sainte Église ! – quand comprendrons-nous que pour elles, Jésus était une « aventure » à vivre avant d’être une « organisation » à adopter. Que Le suivre signifiait une rupture avec une « structure » religieuse. Une rupture avec une spiritualité du « faire », du « paraître » qui mobilisaient toutes les énergies pour privilégier « l’humain ». Ne nous contentons pas d’une lecture, d’une catéchèse toute spirituelle, de cette page. Elle risquerait alors de nous faire passer à côté de l’Évangile.
Jésus en sa personne a réconcilié toutes nos divisions (Gal 3, 27-28). Il ne s’est pas contenté d’accueillir des femmes parmi ses disciples. Il leur a donné de la dignité, les a rendues « personnes » dans la société d’alors, dans la religion d’alors. Devant ces femmes, Jésus se présente à 100 % humain. Il ne s’est pas contenté de seulement les encourager. Pour lui, la vie est prioritaire à la loi. Pour lui, le droit de penser autrement n’entraînait pas une condamnation ou excommunication automatique. Ces femmes qui accompagnaient Jésus, ce n’est pas défendu (?) de le soupçonner, l’ont aussi influencé. Elles lui ont ouvert les yeux sur l’inacceptable. Ce chemin demeure aujourd’hui une urgente mission.
À votre contemplation : autour de nous, dans notre Église, des femmes, peuvent reprendre et signer de leur vie, ces mots du prophète Jérémie : « Il y a en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être ». La rencontre de Dieu — personnelle autant qu’ecclésiale – sera toujours une véritable mise en route, qui, de transformation en transformation, risque de nous entraîner bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer ou concevoir. Pour bien manifester que dans sa personne même, Il était « vie nouvelle », « humanité » nouvelle, « société » au comportement nouveau, Jésus n’a pas craint de faire éclater les limites de la loi que nous voudrions lui imposer.
Une eucharistie pour partager la « foi sans détour » (J-P.11 Mulieris dignitatem, §27) de ses femmes qui étaient hier, sont aujourd’hui et seront demain, selon la belle expression de Bloch, des « créatures en espérance ». « Contre toute espérance, nous espérons » (Rm 4, 18). AMEN.