Année A : semaine de la 29e semaine ORDINAIRE (Litao29s.23)
Lc 6, 12-19 : Être des maisons de miséricorde.
Il ne faudrait pas s’y tromper, Jésus appelle des gens ordinaires à changer de camp, à passer du camp de la réussite à celui de l’échec, à sortir d’une vie routinière sécurisante pour celle hors de notre zone de confort. La première sortie de Jésus dans la synagogue de son village où il n’était que le fils du charpentier fut un échec. Il sera même accusé de possédé, de glouton, d’ivrogne (Lc 7, 33-34).
Ce n’est pas un cadeau que Jésus offre aux apôtres en les choisissant pour être avec lui. Il leur indique qu’ils seront les protagonistes d’une nouvelle chorégraphie[1] qui place au centre l’autre plutôt que la recherche de leurs propres intérêts.
Appartenir au camp de l’échec parce qu’il appelle les gens à rêver de quelque chose d’humainement impossible : d’aimer comme lui. On peut toujours aimer plus. On peut toujours opter pour la radicalité de la perfection et la radicalité de la miséricorde. L’appel est un mandat pour prendre soin des autres sans prosélytisme, sans désir de les convertir.
Jésus rêve de voir des gens l’aider à désirer un monde où la laideur, la misère et la pauvreté, la guerre et l’hostilité, la cupidité et la dure compétitivité sont transformé en plus de rires, de joie, de justice, de bonté, de compassion, d’attention et de partage. Aidez-moi à rêver d’un monde capable de s’asseoir ensemble à la table de la fraternité (Martin Luther King), capable de vivre sans disputes ni querelles … de vivre en harmonie avec tout le monde (Fratelli tutti # 3, 4), d’un monde où la synodalité devient le pivot de toute vie ensemble.
Jésus appelle des gens pour être des maisons de la Miséricorde, pour être son médecin (Mechthild). Ces deux mots résument le sens de toute vie chrétienne. Dès les débuts de l’évangile et cela est clairement rapporté par les quatre évangélistes, s’occuper des autres, se dépenser pour les autres, se rendre en tout temps disponible aux autres, répondre à leurs besoins primaires comme le Samaritain, est la grande et seule passion de Jésus. Il rêve d’une culture nouvelle, d’une terre fraternelle, familiale, d’humains de nouveau genre.
Le pape a une belle formule pour dire cela. Il cite un poète de la Mongolie :
voyager sans rien voir d’autre que le ciel et la terre[2]. Ça signifie d’avoir les deux pieds sur terre tout en regardant le ciel. Impossible de séparer
la dimension terrestre, faite de relations avec les autres, et la dimension céleste, faite de la recherche de l’Autre[3]. Saint Benoît exprime bien la profondeur de cet appel quand il invite les siens
à avoir un cœur dilaté par l’indicible douceur de l’amour (Prologue # 49).
À un journaliste qui exprimait à mère Térésa que même un million ne lui ferait pas agir comme elle, elle répond du tic au tac qu’elle refuserait ce million pour poursuivre d’aider les autres. Il est plus facile de passer outre que de s’arrêter près des souffrants. Nous avons besoin d’une Église
entrepreneuse de rêves non-administratrice de peurs[4].
Je termine par ces mots très décapants du pape François :
nous n’y insistons pas, mais l’action est aussi une parole de Dieu aussi pénétrante que sa Parole[5]. Ce qui tombe en ruine aujourd’hui, c’est un projet de fraternité, d’un vivre ensemble inscrit dans nos gènes (Fratelli tutti # 26). Tous, comme Simon et Jude, sommes
des représentants de Dieu, choisis pour guérir selon la méthode Jésus, pour être des médecins comme Jésus
. AMEN.
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