Année C : samedi de la 2e semaine de PÂQUES (Litcp02s.22) 30 avril
Jn 6, 16-21 ; Ac 6, 1-7; une marche bienvenue .
Ce matin, nous sommes en présence de deux Jésus. L’image la plus répandue est celle d’un Jésus puissant qui marche sur un lac agité et que même le vent et les flots lui obéissent (Cf. Mc 4, 41) et le Jésus compatissant qui rejoint ses disciples ramant jusqu’à l’épuisement contre les fortes vagues.
Ces deux images courent tout au long des textes bibliques. Les disciples partageaient plutôt la première image. Les pèlerins d’Emmaüs ne disent-ils pas à l’étranger qui s’était joint à eux : nous, nous espérions qu’il serait celui qui allait délivrer Israël (Lc 24, 21). Les disciples pensaient suivre un Messie depuis longtemps attendu qui allait les libérer de la tutelle des Romains et qui allait les inviter à siéger à sa droite en gloire. Les fils de Zébédée, Jacques et Jean sont possédés par ce désir de toute-puissance (Cf. Mt 20, 20-28). La présence de Jésus à leurs côtés n’a en rien altéré leur souhait.
Jamais, dit Joseph Moingt, l’évangile mentionne la toute-puissance de Jésus. C’est le Credo post-pascal qui en parle. En les rejoignant sur le lac, c’est plutôt le Jésus inattendu, le Jésus que le Credo officiel de l’Église ignore, le Jésus humain, compatissant qu’il rencontre. C’est le Jésus venu pour servir et non pour être servi (v. 28).
Nous avons beaucoup de ressemblance avec la première image de Jésus, celle du Jésus pantocrator qui domine tout. Nous souhaitons bien voir ce pantocrator arrêter les guerres, les violences, la pandémie, le déchainement de la nature. Nous sommes moins enclins à partager celle d’un Jésus puissamment faible, d’un Jésus qui volontairement nous donne tout l’espace, qui ne manifeste aucun désir de nous écraser, de tout contrôler. Au milieu du lac, les disciples n’en reviennent tout simplement pas de toucher comme au matin de Pâques la proximité de Jésus, son souci de les rejoindre là où ils sont, au milieu de leur quotidien. Le Jésus de Pâques est « humainement » présent à ses disciples.
Et voilà bien le sens profond de ce récit de Jésus marchant vers ses disciples. Jésus ne vit pas sur une autre planète, dans un ciel lointain de notre quotidien. Il ne se tient pas loin des turbulences humaines. Il préfère nous rejoindre dans nos barques. C’est là, dans la Galilée des nations, que vous le trouverez (Cf. Mc 16, 7). Cette marche vers ses disciples montre que Jésus avait durant sa vie et continue de privilégier une option préférentielle pour les « demandeurs d’aide ».
Toutes les apparitions pascales montrent un Jésus rejoignant dans leur quotidien le combat des siens. Il ne vient pas les sortir de leur quotidien qui sera toujours fait d’effort. Sa présence leur signifie qu’il est un Dieu avec nous, un Dieu d’en bas plutôt qu’un Dieu d’en haut. Elle atteste que son souci premier est de « libérer » les mal-pris, de se mettre à leur service pour les soutenir dans leurs combats de tous les jours.
En insérant cette sortie sur la mer dans le discours eucharistique, Jean, le théologien Jean, indique que la mission première et unique du Jésus post-pascal demeure de répondre aux faims plurielles de l’humanité. Faim de pain, faim de soutien, faim de solidarité, faim d’être aimé.
La Bonne Nouvelle de cette marche de Jésus est qu’il voit le réel de notre existence, qu’il affronte avec nous le tragique de notre existence humaine, qu’il entend le cri de ma prière (Ps 114,1) comme il a entendu le cri de son peuple en Égypte. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer (Ex.3, 7-8).
L’autre bonne nouvelle se profile dans la lecture des Actes. Sous le choix d’élus choisis pour servir, estimés dignes de servir, dit la nouvelle traduction d’une prière eucharistique, c’est chacun qui se voit envoyer à la rencontre des rameurs épuisés de notre temps.
À votre contemplation : une marche qui donne de l’oxygène à ses disciples. Le message est très fort. Jésus exprime que même lorsqu’il paraît loin, même quand l’Église est ballotée par les vents, il nous rejoint. C’est au milieu des vagues que se trouve un signe de sa présence. Jésus n’est pas un fantôme. Il est une présence réelle. Comme Pierre en marchant sur les vagues, nous aussi prenons peur et nous crions, sauve-nous, Seigneur. Amen.
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