Année A : samedi de la 31e semaine ordinaire (litao31s.20)
Luc 16, 9-15 ; Ph 4, 10-19 : fidèle dans des petites choses.
Celui qui est fidèle dans les petites choses. Vous le savez, la véritable joie est souvent cachée derrière les petites choses du quotidien et ne repose aucunement sur des richesses trompeuses. Quand on est imprégné de l’évangile, les petits gestes tout simples, presque banals, obtiennent autant d’importance sinon plus que les gestes d’éclats. Saint Ignace disait qu’il faut trouver Dieu en toute chose. Thérèse de Lisieux vécut cela parfaitement.
Le grand message, l’unique message de Jésus qu’il répète sous multiples images ou paraboles, est d’apprendre à voir grand en regardant les petites choses. Son regard contraste avec le regard ambiant qui priorise les mieux nantis dans la société et la religion.
Pour ne pas perdre la face, sa réputation d’homme important et se retrouver disqualifié, le gérant malhonnête a trouvé un stratagème digne des plus grands émetteurs d’injustice. Il a rendu plus riches les pauvres en diluant leur dette. Jésus propose de poser des gestes grandioses de simplicité. À quoi bon se voir confier de grandes choses, si nous négligeons de bien faire les petites tâches ? Celui qui est fidèle aux petites choses.
Le point clé de cet évangile fait surgir une vérité de La Palice : la grandeur de quelqu’un se trouve dans son habileté à reconnaître que dans les petites choses se trouvent de grandes valeurs. Jésus a humanisé les regards en donnant autant d’importance aux petites choses qu’aux grandes. Et sur ce point précis, il est inguérissable. Il voyait comme déshumanisée une vie axée sur l’argent, sur de grandes réalisations. Nous sommes plus serviteurs des grandes choses que de petites. Songeons à Léonie, la sœur cadette des sœurs Martin, au parcours difficile et rempli d’échecs en voie de béatification[1] et pour qui la sainteté grandit dans des petites choses (cf. Exhortation sur la sainteté, no 160). Ce qui est essentiel n’est pas la grandeur des choses, le spectaculaire de l’action […], c’est la grande et belle manière de faire les choses, même simples (Patrice Hadjadj).
On est impressionné par ces personnes qui sont des «encyclopédies» vivantes. Jésus impressionne; en effet, il exhibe une autre encyclopédie, celle d’une connaissance en profondeur de la personne humaine. Là où il passe, note Joseph Moingt récemment décédé, Jésus dégage un devoir d’humanité[2], un devoir des petites choses. Paul en parle comme une puissance de Dieu pour le salut de tout croyant (Rm 1, 16). Ce devoir jalonne le chemin des béatitudes.
Jésus élargit notre sens d’humanité en l’ouvrant à la sienne[3]. Il s’est fait petit pour nous. S’émerveiller devant ces petits, malades, affamés, prisonniers, ouvre sur une vie heureuse (cf. Mt 25, 31-46). S’approcher d’eux, tendre ta main au pauvre[4], oblige à vivre, je dirais, à deux mètres de soi-même. Les chefs commandent en maître. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous (cf. Mt 20, 25).
Pour ne pas perdre notre réputation de chrétien, Jésus propose un chemin différent de celui du gérant malhonnête : valoriser avec habileté les petits gestes. Avons-nous cela en mémoire en écoutant ce récit ?
Des petites choses anodines. Récemment, quelqu’un me disait avec fierté avoir réussi après des mois de persévérance, à convaincre la direction de sa résidence d’utiliser un bout de couloir pour y aménager en coin de prière. Elle y a placé une cloison amovible décorative qui sert de démarcation, une boite à pain déposée sur une colonne, transformée avec goût en reposoir, trois chaises, une croix faite par une résidente. Ce coin de prière m’a ravi. Un petit geste lumineux. Chaque jour, des personnes vont s’y recueillir.
Songeons aux petits gestes du pape François qui surprennent. Il écrivait, le 24 juillet dernier, à un jeune espagnol de 15 ans, Alvaro Calvente, handicapé cognitif, qui a parcouru avec son père le chemin de Compostelle: avec ta sincérité, ta joie et ta simplicité, tu as réussi à mettre en mouvement l’espérance de nombreuses personnes qui t’ont rencontré sur le chemin ou via les réseaux sociaux[5].
Apprenons à nous contenter de ce que nous avons, disait Paul tantôt. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1] Guibert, Joël, Léonie, la faiblesse transfigurée, retraite spirituelle, Éd. Carmel, 2018
[2] Cité par Gallez, Paul in Études théologiques et philosophiques, 70,1, fév. 2014, p.132.
[3] Masure, E., L’humanisme chrétien, cité par Paul Gallez, op. cit. p. 126.
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