Année A : samedi de la 22e semaine ordinaire (litao22s.20)
Lc 6, 1-5 ; 1 Co 4, 6b-15 : pour un monde sans frontière.
On a un bel exemple d’une bonne nouvelle que la bureaucratie religieuse a étouffée. Jésus a déverrouillé les portes d’accès à son royaume. Avant lui, n’entre pas qui veut dans le temple, vu que l’accès est fermé aux personnes non fidèles à la loi. L’attitude de Jésus devant le geste des disciples qui ramassent des épis pour s’en nourrir le jour du sabbat est révolutionnaire, grandiose, novatrice.
Nous avons perdu cela de vue parce que nous avons été formatés depuis notre enfance à encadrer Jésus à l’intérieur d’une série de prescriptions jusqu’à y devenir idolâtres. Le temps est accompli. Dans son geste, Jésus présente sa mission et son expérience du Père. Comment pouvons-nous oublier une telle bonne nouvelle ?
Jésus conteste une religion de prescriptions. Pour lui, la rigidité n’est pas sa manière d’agir et de penser. Là où il y a de la rigidité, il n'y a pas l'Esprit de Dieu, car l'Esprit de Dieu est la liberté[1]. Répondant à une question d’une jeune consacrée en 2015, le pape François disait: être trop rigide, c’est de l’égoïsme personnel, chercher à se sentir meilleur que les autres[2]. La relation avec Dieu n’est pas une relation commerciale ou un troc. C’est une relation de pure gratuité. Jésus déformate le vernis millénaire sur une pratique désastreuse et étouffante qu’imposent les chefs religieux. Ce message demeure d’une actualité brûlante.
En entrant dans le temple de sa ville à Nazareth et en déclarant que l’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres (Lc 4, 18), Jésus inaugure plus que sa vie publique. Il inaugure une année de grâce. Un temps de grâce. Cela a fait sursauter les gens du temple (cf. Lc 4, 22). Il pose les bases de sa bonne nouvelle : l’abolition des murs, des frontières entre croyants et incroyants, pharisiens et publicains. Il n’apporte pas des changements cosmétiques. Il dépollue ce qui sonne fallacieux.
Il fait de même quand, sur la margelle d’un puits, il déclare à une femme écrasée par son comportement honteux et en recherche d’un vrai libérateur, que ce n’est plus dans le temple que se trouvent les vrais adorateurs. En disant je suis, c’est moi qui te parle Jésus déclenche une bombe qui fait autant de dommages que celle d'Hiroshima parce qu'il parle comme Dieu.
On ne mesure pas assez comment Jésus a ébranlé les fondations du temple en nous racontant la parabole du bon Samaritain (Lc 10, 25-37), celle du pharisien et du publicain (Lc 18, 9-14), celle du jugement dernier (Mt 25, 31-45).
À qui les comprend, chacune des paraboles est une poésie de compassion pour les hors-la-loi. Elles ouvrent sur l’arrivée de Dieu chez les exclus que les chefs religieux considèrent comme des «impurs». Jésus ne soutient pas une institution. Il soutient la vie. Il observe que la fidélité au rituel remplace la fidélité à la vie. La question de la réouverture rapide des églises après la pandémie a fait surgir une question : privilégions-nous plus les sacrements que l’évangile ? Le rituel a-t-il remplacé l’évangile?
Devant cette attitude d’ouverture de Jésus, une question surgit : qu’avons-nous fait de Jésus? De son attitude ? Le pouvoir aurait-il pris la place de l’évangile [3]? La loi serait-elle devenue évangile? Jésus, homme de grande foi, porte un regard peu conventionnel sur ce qu’est vivre sa foi. Il secoue ceux pour qui le culte ou le rituel est quelque chose de sacré. Le seul lieu sacré, le rituel le plus sacré est l’humain.
Par son geste, Jésus inaugure une pratique toute cultuelle nouvelle, celle de découvrir dans l’autre une présence réelle de Dieu. Le premier geste cultuel est l’amour les uns pour les autres. À ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres (cf. Jn 13, 35). Le sommet de toute démarche culturelle, c’est l’amour, la solidarité. Un culte n’a de sens que s’il est au service de la solidarité, en amont et en aval.
Que nous sommes rebelles à entrer dans la profondeur de l’évangile! AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1]http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2020/documents/papa-francesco-cotidie_20200515_laredenzione-undono-gratuito.html
[2] http://papefrancois.jeun.fr/t1489-la-vie-de-cloitree-nest-pas-un-refuge-elle-doit-etre-ouverte-sur-le-monde
[3] Pedotti Christine, qu’avons-nous fait de Jésus ? Alban Michel, 2019
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