Année A: Samedi 22e semaine ordinaire (litao22s.14)
Luc 6, 1-5 : blé et jour du sabbat
Ce matin, ouvrons les yeux de notre cœur (Ep 1, 18), les oreilles de notre cœur (Is 50, 4), sentons l'Esprit de Dieu descendre au plus profond de notre cœur et entendons, comme l'exprime Paul, comment il faut nous conduire pour plaire à Dieu (1 Th 4, 1). Ce matin, Luc nous dit que l'Esprit de Jésus, l'esprit de l'évangile est plus que l'observation rigoureuse d'une loi dont la lettre tue (2 Cor 3, 6). On ne peut être plus clair.
Jésus nous propose un combat, ancien et toujours actuel, celui de dépasser l'éternel dilemme entre la stricte observance de la loi toute centrée sur l'extérieur et le gros bon sens qui ouvre sur une nouvelle sagesse, celle qui nous faits des transfusés, des revivifiés, des ressuscités.
Alors que les chefs religieux sont plus attentifs à ce qu’ils doivent faire, Jésus, lui, garde les deux pieds sur terre et trouve normal que ses disciples mangent quand ils ont faim, même un jour de sabbat. Des disciples qui ont faim. Y a-t-il plus normal que cela ? Ils ont faim comme David [qui] prit les pains de l'offrande, en mangea et en donna à ses compagnons (cf. Dt 23,26 ; Lc 6, 3-4). Ils ont faim de blé, dit Luc. Pourquoi ne pas comprendre que les disciples ont faim de celui qui est grain de blé (cf. Jn 12, 24) ! Qu'ils ont faim de comprendre les motivations profondes de Jésus.
Luc, nous le soupçonnons bien, en nous présentant ce passage, veut nous faire comprendre qu'à une certaine hauteur, la loi se métamorphose en comportement qui fait sens. C'est ce comportement, se nourrir quand on a faim même un jour de sabbat, c'est cette hauteur là qui fait réagir les chefs religieux.
Jésus est trop vivant pour suivre la pure logique d’un ordinateur sans cœur et sans âme. Il est humain, l'humain parfait. Il y a chez lui une fantaisie qui voisine la folie pour la vie. Pour le gros bon sens. Il respire d'une jeunesse perpétuelle. Sa manière de voir les choses de la vie, comme avoir faim un jour de sabbat, est déroutante. Jésus enseigne, dit un érudit juif, Joseph Klausner, les lois éthiques les plus pures et les plus sublimes…qui font pâlir les préceptes moraux et les maximes des hommes les plus sages de l’antiquité.
L’Évangile nous dit, et je cite le pape François dans une homélie, quel était le comportement de Jésus. Non, ce n’est pas un nouvel enseignement : C’est la transparence évangélique. Alors que les chefs religieux enseignent et font peser tant de lourds fardeaux sur les épaules du peuple, Jésus offre une parole qui est pleine d'autorité (Lc 4, 31). Une parole dont nous avons faim d'entendre aujourd'hui alors qu'au nom de la loi certains revendiquent une libre-négociation et que d'autres se lèvent et appellent à mettre fin à toutes ses défigurations qui enlèvent à l'humain sa beauté.
La nouveauté, la fraîcheur, la mystique de Jésus viennent de sa proximité avec les faims les plus profondes. Jésus, le maître du sabbat, invite avec la même autorité que celle manifestée dans la synagogue quand il déclarait qu'aujourd'hui s'accomplit cette parole (cf. Lc 4, 21), d'être tout œil. Pour Jésus, ce qui rend faux la pratique du sabbat, c’est de ne pas être «tout œil». De ne pas être attentif aux personnes et à leurs besoins.
Être tout œil. Cette sensibilité de Jésus inaugure un avenir de fraicheur. Pourtant elle est lentement devenue presque secondaire, rappelait le Pape François dans sa lettre La joie de l'évangile. Une certaine théologie opte pour voir d’abord le mal, le péché. Nous déformons l’Évangile. Nous sommes habiles pour privilégier la loi quand des comportements choquent. Moins habiles pour nous centrer sur la personne dans ce qu'elle vit.
À votre contemplation : admirons, signons de nos vies, les «merveilles de Dieu» qui transpirent dans ce compor-tement de Jésus. Il est venu allumer [en nous] un feu dévorant (Lc 12, 51). Denys le Chartreux, commentant ce passage, disait que Jésus – et c’est très salutaire - est venu nous «séparer» de tout comportement qui nous ferait vivre en bonne entente dans le mal : celui de ne pas voir l’autre, souffrant ou affamé, un jour de sabbat. Ne séparons pas ce que Dieu a uni: servir l'homme c'est honorer Dieu en lui. De tels gestes confirment que nous appartenons au Christ. AMEN.
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