Lundi de la troisième semaine de l'Avent (litaa03l.10)
Matthieu 21, 23-27 : annoncer Noël avec autorité.
Ce Jésus, vérité pour les chercheurs de sens, ce Jésus, route pour les égarés, ce Jésus, vie pour ceux qui vivent sans vie, ce Jésus, sagesse pour les aveuglés par l'éphémère éblouissement des choses d'en bas, ce Jésus, remède pour les malades, nourriture pour les chercheurs d'un vrai pain, par quelle autorité se présente-t-il ainsi ? On était tellement frappé par son enseignement (Mc 1, 22), qu'on n'en revenait tout simplement pas des interventions remarquées et remarquables de Jésus. Son agir, sa manière de répondre aux questions piégées ou pas qui lui étaient posées, soulevait la question des origines de sa formation. Où a-t-il puisé sa manière si performante d'agir? À quelle école a-t-il été formé? De quel maître est-il l'élève?
Aux yeux des lecteurs de ce Livre, une évidence: Jésus avait de l'ascendant sur son entourage. Il impressionnait. Jamais arrogant, plutôt désarmant, imprévisible, plein de respect, sa manière d'agir «terrifiait» les uns, ressuscitait les autres. Ses réponses redynamisaient la vie, responsabilisaient les personnes, rendaient adulte, alors que celle des leaders religieux (et les nôtres !) endormaient les vivants (Hubert de Romain). Aujourd'hui nous tenons plus des discours sur Dieu, lourds, pesants, plus qu'une Parole de Dieu qui a la capacité de ressusciter.
Jésus est «fondateur» d'une nouvelle manière d'agir. Il faisait autorité sans rien imposer, sans jamais s'imposer. Il vivait ce qu'il disait. Il enseignait avec détachement ce qu'il vivait. Il responsabilisait plutôt qu'imposait obéissance. Il était simplement lui-même et voilà qu’il faisait autorité. En entrant dans des maisons douteuses, en mangeant avec des moins que rien aux yeux des chefs religieux, en accueillant toutes les interrogations et questions à son sujet, il tendait l'oreille et donnait ainsi de l'autorité à ce que vivaient les autres. Il légitimait en eux l'espoir d'un salut.
À l'heure où toute autorité extérieure est perçue, autant dans l'Église que dans la société, comme suspecte, où nous soumettre à une parole d'autrui est considéré comme une perte de liberté et d'autonomie, Jésus nous fait connaître un chemin pour l'annoncer. Fais-moi connaître tes chemins, Seigneur (Ps 24).
Ce chemin est plus facile à entrevoir qu'à prendre. Il nous laisse perplexe tant il se situe à des années lumières de nos tendances à accroître nos pouvoirs à tout imposer. Ce chemin donne de l'ascendant à nos vies. Au milieu du siècle dernier, Jean XXIII, à la veille du Concile, déclarait que l'épouse du Christ [l'Église] préfère une médecine de la miséricorde plutôt de la sévérité.
Saintetés, cette manière d'agir est la nôtre. Pour avoir une autorité convaincante, pour annoncer Noël avec conviction, il ne s'agit pas de crier haut et fort nos déceptions sur une culture de Noël sans Dieu, encore moins d'imposer à notre culture multiconfessionnelle, notre manière de célébrer cette naissance de Dieu. Il s'agit de partager comme Jésus est venu le faire avec nous, le chemin des personnes, d'entrer dans leur monde, de nous laisser atteindre par leurs déceptions, leurs questions, leurs échecs et leurs doutes.
Ce que nous disons de Noël n'aura pas d'autorité réelle tant que, d'une certaine manière, nous ne donnerons pas autorité à leur expérience, en entrant dans leurs maisons, en recevant leur hospitalité, en apprenant leur langage, en partageant leur pain, en acceptant ce qu'ils ont à offrir. Ce chemin-là est dangereux. Il nous dépossède de nos sécurités. Il est dangereux de communier jusqu'à entrer dans les cœurs déchirés, inquiets, en attente d'un salut. Nous sommes alors accusés de nous compromettre avec des gens douteux. Mais il y a un bon précédent. Noël nous précède pour annoncer Noël.
N’ayons pas peur de montrer que notre foi ne nous situe pas au dessus des autres, ne nous donne pas du pouvoir sur les autres. Parce qu'elle donne de l'ascendant à nos vies, nous pouvons clamer sans imposer que ce héros je le vois, qu'un astre se lève, qu'un sceptre royal se dresse (Nm 24, 17a). C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie, nous dit Jésus. Eh bien, cette persévérance, c’est aujourd’hui qu’elle commence. AMEN.
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