2023-A- Jn 6, 37-40-Défunts de l'Ordre franciscain - voir l'impossible possible
Année A : samedi de la 33e semaine ordinaire (litao33s.23)
Jn 6, 37-40 : voir l’impossible possible.
Tel un brouillard qui se déchire et laisse émerger une cime, ce jour nous découvre, indicible, un autre jour que l’on devine. Ce jour souvenir des défunts nous fait prendre de l’altitude. On les croyait anéantis…aucun de ceux que tu m’as donnés ne sera jeté dehors. Voici, je fais toutes choses nouvelles (Ap 21.5).
Ces textes ouvrent sur un voir au-delà de la vie. D’un voir ailleurs, autrement, au-delà des apparences, au-delà de la mort. Ils nous font entrer dans une certitude partagée par la majorité des humains qu’une autre vie est possible dans un au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Ils nous mettent en mouvement, nous font regarder en avant. Tout pour ainsi dire, est « recyclable », tout devient début et principe de nouveaux surgissements de vie. Dans la fin, un commencement écrit Moltmann, le théologien de l’espérance.
Voir l’impossible au-delà. Mais qu’est-ce que l’impossible ? Un poète Angel Valente (1929-2000) définit l’impossible comme le possible qui nous dépasse infiniment. Croyants comme incroyants, nous sommes tous liés par un horizon possible bien qu’impossible à imaginer tant il nous projette hors du monde, de notre monde, hors du temps et de l’espace qui est le nôtre. Jésus n’a-t-il pas dit que rien n’est impossible pour celui qui croit (Mc 9, 23). Celui qui croit, je le ressusciterai.
Cette question, qui divisait déjà sadducéens et pharisiens, est de tous les temps. Pascal dans l’une de ses pensées écrit sans aucune ambiguité que l’immortalité de l’âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu’il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l’indifférence de savoir ce qui en est.
Nous sommes des appelés à un surgissement, un élargissement, un enrichissement de la vie. Teilhard de Chardin disait que rien ici-bas n’est profane pour ceux qui savent voir. Notre foi ne signifie pas professer des dogmes et des croyances. Elle élève nos regards sur ce possible qui nous dépasse infiniment, sur un horizon qui dépasse notre entendement. L’absolue nous échappe, écrit Pascal dans ses Pensées. Nous ne savons pas, nous ne pouvons pas savoir ce qu’il adviendra de nous après la mort. Personne ne peut en parler d’expérience.
Ce souvenir de nos défunts fait entrevoir l’infini déploiement d’un horizon possible, dit le poète Valente. Parlant de l’intuition mystique de François, le Père Richard Rohr ofm écrit qu’il était un saint entier tant pour lui le monde visible est une porte active vers le monde invisible, et [que] le monde invisible est beaucoup plus grand que le visible. Il ajoute cette réflexion qui devrait nous interpeller : François et Claire sont morts dans la vie qu’ils aimaient au lieu de vivre dans la peur de toute mort qui pourrait mettre fin à leur vie[1]. La lecture fait entrevoir une autre vie que celle du divertissement (Pascal) et que la fascination du visible risque d’anéantir (Sg 4, 12).
Cette mémoire des défunts invite à monter sur la plus haute marche du podium, celle du « oui » de Dieu à la vie et son « non » à la mort. Notre vie s’ouvre sur une autre vie qui vaut d’être vécue dans cet espace d’ici-bas, la terre. Je suis déjà ressuscité, je peux mourir (frère Christophe de Tibhirine). La mort a été engloutie dans la victoire pour que Dieu soit tout en tous (1 Co 15. 54).
Visitant un cimetière le jour des Morts, le pape offrait cette image très forte : nous sommes dans la salle d'attente du monde pour prendre part à ce festin pour tous les peuples (Is. 25, 6). Nous vivons dans l'attente de recevoir des biens si grands et si beaux que nous ne parvenons pas à les imaginer. La mort, c’est ce qui donne de l’avenir à la vie (François Cheng). Nous sommes des héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Rm 8,17).
Je termine par ces mots que se trouvent à l’entrée d’un cimetière : toi qui passes, pense à tes pas, au dernier pas. AMEN.